Chapitre 9.2 : Yunni

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« Tu préfères avoir une mort sur la conscience ?! Yume est accusé d'un crime qu'il n'a pas commis ! » le défendit Yunni.

Astrid fixa le sol un instant. Peut-être, sur le coup, se sentit-elle un peu honteuse de n'avoir pensé qu'à elle alors qu'une vie était en danger.

« Bon, OK. On le sort de là, puis on trouve un moyen de me ramener chez moi. D'accord ?

‑ Ca me va. »

Yunni sentit un léger poids en moins sur ses épaules. Convaincre Astrid a été plutôt facile, au final. Soit elle était facilement influençable, soit la jeune Invoqueur possédait un don pour la persuasion qu'elle ne se connaissait pas ! Les deux lui semblaient plausibles.

River attira l'attention en se raclant la gorge.

« Lorsque mesdemoiselles auront finies leur querelle, peut-être pourrions-nous enfin aller secourir votre ami ? »

Astrid lui lança un regard noir. Apparemment, elle n'appréciait pas vraiment la façon dont l'Ancien s'adressait à elle. La jeune fille se prépara à répliquer, lorsque Yunni intervint à temps :

« Désolée, River. Nous pouvons nous mettre en route. »

Le petit groupe sortit de l'enceinte du bâtiment de l’Élite. Là, ils marchèrent un long moment avant d'atteindre les prisons de Fikternand. Ils durent emprunter multiples ruelles et grandes places. Les marchands rangeaient leurs marchandises. Ils s'apprêtaient à reprendre la route. Les commerçants se rendaient sans doute dans d'autres grandes villes comme celle-ci pour y gagner leurs vies. Yunni les regardait faire, envieuse. Ces gens-là menaient leurs existences comme bon leur semblait. Ils voguaient de villes en villes, sans se soucier des problèmes de l’Élite. Seuls eux pouvaient se permettre d'échapper au contrôle de cette terrible organisation. En cela Yunni les jalousait. Elle aussi voudrait s'évader. S'enfuir loin de tout cela. Loin des problèmes. Loin des mensonges. Loin des secrets. Rêver était tout ce qu'elle pouvait faire pour l'instant. Imaginer un monde meilleur, sans l'oppression de Seven et de ses subordonnés.

Les prisons se trouvaient presque à l'extrémité de la ville, près du port où étaient amarrés de multiples navires de toutes sortes. Bateaux de pêche, de croisière, militaire. Il y en avait pour tout le monde et pour tous les goûts.

Des escaliers froids s'enfonçaient dans les entrailles de la ville. Les souterrains, mais aussi les cellules pour les pires criminels du Royaume. Yume se trouvait à l'intérieur. Il n'avait pas sa place en ce lieu.

Même à travers ses bottes noires, Yunni pouvait sentir la froideur des dalles en pierres. Cela lui donnait des frissons. Qu'en serait-il une fois à l'intérieur ?

River se détacha des deux jeunes filles et s'avança en direction d'un grille de fer. Impossible de voir ce qu'il s'y trouvait derrière, les ténèbres recouvraient toute intrusion de lumière.

Dans le mur de droite était incrusté une cavité à la forme ovale. Des armoiries inconnues à Yunni y était gravées. Elles représentaient des ronces s'entremêlant autour d'un sceptre.

« C'est un mécanisme Elfique » expliqua River en voyant l'air sceptique des deux jeunes filles.

Même Astrid semblait complètement ahurie devant tout ce qu'elle pouvait contempler. Si elle ne venait réellement pas de ce continent, alors il paraissait tout à fait normal qu'elle s'émerveille de tout.

River enleva la chevalière de son index. Là, il l’inséra dans la cavité ovale. Il tourna deux fois la bague dans le mécanisme.

Un bruit de rouage se fit soudainement entendre. Un mécanisme se mettait en place, Yunni en était certaine.

Les grilles s'ouvrirent d'elles-mêmes. Une première rangée de bougies s'allumèrent, chassant ainsi la pénombre. Seulement, les flammes ne semblaient aucunement banales. D'ordinaire, un feu apparaissait d'une couleur orangée. Les braises étaient ici vertes. Très étrange. Jamais Yunni n'avait mis les pieds dans un tel endroit, et elle espérait fortement que cela serrait la dernière fois qu'elle les y mettraient. Ces flammes vertes ne lui inspiraient pas confiance.

River retira l'anneau et le remit à son doigt.

« Après vous, mesdemoiselles » invita-t-il en leur indiquant l'entrée.

Ravalant sa salive, Yunni entra la première. « Tu fais ça pour Yume, tu fais ça pour Yume… », se répétait-elle dans son fort intérieur. Si cela ne tenait qu'à elle, elle aurait déjà filée à l'autre bout de la ville. La vie de son meilleur ami lui importait cependant beaucoup plus.

Astrid la suivit d'un pas hésitant. Cela se voyait qu'elle était effrayée par cet endroit. Yunni ne pouvait que compatir. Ses jambes tremblaient, ses yeux rouges parcouraient le couloir sinistre d'une manière inquiétante, et elle luttait pour ne pas claquer des dents.

Alors qu'une deuxième puis une troisième rangée de bougies s'allumaient au fur et à mesure qu'ils avançaient, un long cri de lamentation déchira le silence pesant. Astrid hurla à son tour. Elle vint agripper le bras de Yunni, cherchant un peu de réconfort à son contact.

« Pitié ! Je veux sortir de là ! pleurnicha-t-elle.

‑ Moi aussi je veux bien, mais on doit d'abord sortir Yume de là ! »

Les deux jeunes filles avançaient désormais à l'unisson, la brune ne semblant pas décidée à laisser le bras de son amie en paix. Les yeux fermés, Astrid ne regardait même pas où elle mettait les pieds.

Tout autour d'eux, les prisonniers pleuraient, criaient, hurlaient leur désespoir. Ils suppliaient qu'on les sorte d'ici. Certains se repentaient, se lamentaient sur leur sort. Ils promettaient de ne plus jamais recommencer. Les plus téméraires d'entre eux se jetaient aux barreaux de leurs cellules pour admirer les trois visiteurs. Les criminels pas encore atteint mentalement par la froideur de ces lieux osaient pointer du doigt la présence des deux jeunes filles.

« Qu'elles sont mignonnes... » rêvait l'un.

« Celle avec les yeux rouges est pas trop mal. » plaisantait un autre.

« Les cheveux blancs, c'est tellement excitant ! » rigolait un troisième.

« Eh, les minettes, vous voulez connaître la vraie définition de « virilité » ? » questionnait un dernier – sans doute le plus pervers de tous.

Yunni sentait le rouge lui monter violemment aux joues. Ces commentaires lui semblaient tellement... déplacés ! Pire que les regards insistant de Teki !

Un rapide regard en direction d'Astrid lui indiqua qu'elle demeurait tout aussi mal à l'aise. Être une fille dans un environnement d'hommes pouvaient être extrêmement dangereux. Heureusement que ceux-ci se trouvaient enfermés derrière des barreaux.

Plus ils avançaient, plus l'air devenait de plus en plus glacial. Yunni mourait d'envie de créer un sort de Brasier pour réchauffer le couloir. Mais elle s'abstint. Un trop puissant sort de magie noire pourrait créer un incendie. Notamment dans un lieu comme celui-ci, ou la moindre petite étincelle pouvait rapidement devenir un immense brasier. Hors de question de mourir de manière aussi ridicule.

Bon sang, mais où Seven avait-il enfermé Yume ?! Yunni ne stoppa un instant.

« Quoi ? questionna Astrid qui n'osait toujours pas ouvrir les yeux. On est arrivés ?

‑ River, appela Yunni. Vous êtes sûr que Yume est ici ? »

Le vieil homme se mit à la hauteur des deux jeunes filles. Étant une personne âgée, il marchait un peu plus lentement qu'elles, mais il restait à une distance raisonnable tout de même.

River se passa une main sur son crâne à moitié chauve. La lumière des flammes vertes se reflétaient sur sa tête. Cela lui donnait une drôle de peau verte, comme s'il commençait à se transformer en un de ces Gobelins du Royaume d'Aristofée dont on contait les histoires à Yunni lorsqu'elle était encore enfant. En d'autres circonstances, elle aurait trouvé cette situation tout à fait amusante.

« Eh bien, pour dire la vérité... Je ne sais pas.

‑ QUOI ?! s'écria Astrid qui n'ouvrait toujours pas un seul œil. Vous n'allez tout de même pas nous dire qu'on est venu ici pour rien !

‑ Pourquoi nous avoir conduit ici alors si vous ne savez pas ? »

River fixa le sol.

« Parce que c'est ici que sont enfermés tous les plus grands criminels du Royaume, alors j'ai pensé que…

‑ CA SUFFIT ! s'emporta la jeune fille aux yeux rouges. Je veux rentrer ! MAINTENANT !

‑ Il reste une chance pour qu'il soit ici, poursuivit Yunni. Nous n'avons pas encore fouillé tout le couloir. »

La jeune fille reprit la marche. Astrid, toujours accrochée à son bras, se retrouva forcée à continuer de la suivre.

Elle ne saurait dire pourquoi, mais elle était persuadée que Yume se trouvait ici. Comme si elle parvenait à sentir sa présence.

Cela faisait plus d'un quart d'heure qu'ils s'enfonçaient dans les souterrains de Fikternand. Plus ils avançaient, plus les prisonniers se faisaient de plus en plus rares. Il n'y en avait même plus aucun. L'ambiance sinistre se trouvait toujours bien présente, elle. Même si les cris avaient diminués, cet endroit glaçait encore le sang.

« Tu vois bien qu'il n'est pas là, tenta désespérément Astrid. Allez, on remonte maintenant. »

Regardant droit devant elle, Yunni ne stoppait pas sa marche. Elle semblait déterminée.

« Pas encore. Je dois arriver à l'autre bout de ce couloir. Je suis sûre que c'est une ruse de Seven.

‑ Que veux-tu dire par là ? l'incita à poursuivre River.

‑ C'est simple : il a dû enfermer Yume le plus loin possible des autres pour masquer sa présence.

‑ C'est complètement tiré par les cheveux ! JE VEUX RETOURNER À LA SURFACE ! MAINTENANT !

‑ Vas y toute seule. Moi, je continue. »

Yunni eut à peine le temps de faire deux pas, lorsqu'une voix à demie étouffée et lointaine se fit ouïr :

« La sorcière ! Que fais-tu ici ?! Attend un peu que je sorte de là, et c'en sera fini de toi !

‑ Yume ! s'écria Yunni en reconnaissant sa voix. Je le savais ! »

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