Chapitre 4.1 : Astrid

7 minutes de lecture

Je devais en parler à quelqu'un. De mon rêve je parle. Seulement, la seule personne me venant à l'esprit était Amy. Comment allait-elle le prendre ? Certes, elle était comme ma meilleure amie, mais je ne la connaissais que depuis un an. Allait-t-elle me considérer comme une folle ? Amy allait-elle seulement me croire ? Je n'en savais rien. D'où mon doute. Je voulais parler de toi en particulier. Expliquer à quel point tu me paraissais réel. Devrais-je parler de la petite fille aussi ? Ca, Amy ne risquait en aucun cas de me croire. Elle ne l'a donc pas su, et elle ne saura jamais.

12H00. Les deux jeunes filles sortaient en retard de leur cours de sport. Elles avaient eut une évaluation en basket-ball, ce qui expliquait en quelque sorte qu'elles soient en retard pour aller manger. Heureusement pour les meilleures amies, le gymnase se situait juste à côté du self. Seulement …

« Mon Dieu, cette file ! » s'exclama Amy, ouvrant grand les yeux.

En effet, il y avait beaucoup d'élèves qui attendaient pour aller manger, ce jour-ci. Comme par hasard. La queue faisait minimum vingts mètres de long. Et tout ce monde mettait Astrid terriblement mal à l'aise. Elle était ce genre de fille qui ne supportait pas le monde en masse autour d'elle. Aussi ne mangeait-elle que très rarement au lycée. Et tout le monde savait à quel point l'attente avant de manger ici pouvait être longue et pénible. Pire qu'un restaurant chic ! Et ce n'était que le self d'un bahut … En conclusion : si Astrid avait un peu d'argent de poche, elle mangeait dehors ; si elle n'avait aucun sous sur elle, elle ne mangeait pas du tout. Triste sort réservé aux victimes du porte-feuille vide. Mais bon, elle ne s'en plaignait jamais. La lycéenne arrivait à tenir toute une journée sans rien avaler, « à force d'entraînement ».

Astrid fouilla alors son sac à la recherche de son porte-feuille. Absent. Bien évidemment. Direction la perm alors ! A moins que.

« Amy ?

- Oui, j'ai de l'argent si c'est ça que tu voulais me demander.

- Tu me connais bien. »

Les deux amies achetèrent des sandwichs dans le supermarché du coin, pas très loin du lycée. Le soleil étant de sortie ce jour-là, elles décidèrent de s'installer dans l'herbe, près des abris-bus. Il n'y avait rien de bien exceptionnel ici. De l'herbe verte, un peu de boue datant de l'humidité du matin, deux ou trois grands arbres qui couvraient du sol. Et la route. Avec beaucoup de passage. Mais cela ne gênait pas tellement que ce que l'on pouvait penser.

J'aimais être ici. Avec mes amis surtout. Enfin, ma seule et véritable amie je veux dire. Bien avant que je vous rencontre. Que je te rencontre. J'aimerais venir ici avec toi. Encore une chose que je ne te dirai jamais en face. J'aimerais te voir là, allongé sur l'herbe, te laissant dorer au soleil. Je t'imagine parfaitement : les yeux clos, vers le ciel, un sourire plaqué sur ton visage d'ange. Je me vois, à côté de toi. Je suis assise. Je te regarde. Je caresse gentiment ta chevelure blonde en bataille, celle que j'aime tant. Celle que je ne pourrai plus toucher. Avec le temps, tu finis par t'endormir. Morphée me tends ses bras, mais je ne les saisis pas. Tu sais pourquoi ? Car j'aurai peur. Peur de me réveiller une nouvelle fois et de ne plus te voir.

Non mais écoute-moi ! Je parle comme si je t'avais retrouvé ! Je devrais arrêter de prendre mes désirs pour des réalités, ou sinon ...

Astrid ouvrit le paquet de chips avec fracas, manquant d'en renverser certaines. Elle en piocha une au hasard puis tendit le paquet à sa meilleure amie. Elle refusa gentiment. La brune ne dit rien et le posa au sol. Soudain, une forme au loin attira son attention. La jeune fille plissa les yeux, les frotta, se gifla mentalement. Ce ne pouvait pas être ? Si. La petite fille dans sa chambre, hier soir. Même cheveux blonds. Même robe blanche. Comment … ?

« Hey ! Astrid, tu m'écoutes ?! »

La jeune fille sursauta. Elle quitta l'enfant des yeux pour les poser sur sa meilleure amie.

« Ca va ? On dirait que tu as vu un fantôme ! »

« C'est un peu le cas … » répliqua mentalement Astrid. Elle déplaça de nouveau son regard vers la petite fille. Elle n'était plus là. Qui était elle ? Comment pouvait-elle apparaître et disparaître sans cesse ? Un fantôme, comme l'a suggéré Amy ? Étrange. Astrid baissa les yeux. La scène dans sa chambre hier soir lui revenait en mémoire.

A ce moment-là, j'hésitai. Que devais-je faire ? Je voulais partager cette curieuse expérience avec quelqu'un, et Amy était la seule en qui je pouvais avoir confiance. Mais d'un autre côté, je ne voulais pas trop en dévoiler non plus. En fait, je ne voulais surtout pas lui parler de toi. Je ne sais pas vraiment pourquoi. C'est égoïste, tu crois ? Le fait de ne pas vouloir partager ma vision de toi. A l'époque, je ne comprenais pas ma réaction. Mais maintenant …

C'est bien clair ! Je ne te partagerai avec personne, tu m'entends ?!

Allez, rigole, je te taquine. Je ne t'entends pas rire. Ah oui, c'est vrai, tu n'es pas là. Je l'oublie souvent parfois. Désolée, je parle pour ne rien dire …

Astrid ravala sa salive. Elle prit une chips et l'engouffra entièrement. Puis une deuxième. Une troisième. Une dixième. Amy lui attrapa soudainement le bras, l'empêchant d'en prendre une de plus.

« Quelque chose ne va pas. »

Haussement d'épaules.

« Comment tu peux le savoir ?

- Je te connais. »

L'adolescente souffla. Elle avait gagné. Astrid allait tout lui dire.

La brune libéra son poignet puis dévala tout d'une traite. La petite fille, le dessin qui tombe, le mot, le rêve. Le rêve …

« Tu veux réellement mon avis ? questionna la blonde.

- Bien évidemment ! Sinon je ne t'aurais rien dit. »

Amy croisa les bras. Elle prit le paquet de chips, le referma et le fourra rapidement dans son sac.

« Tu es juste fatiguée. »

Astrid se mordit la lèvre inférieure. Elle devait dire qu'elle ne s'attendait pas vraiment à cela, comme réaction … Elle semblait un peu déçue. Ou peut-être légèrement honteuse ? Voire les deux ?

Sa meilleure amie se releva et déposa son sac sur son épaule. Elle tendit ensuite sa main à Astrid.

« Allez viens, on va en cours. »

« Oh, joie ! Contrôle en plus !! » Elle retint ce commentaire pour elle.

La jeune fille attrapa gentiment la main de la blonde et se releva. Elle jeta son sac sur son épaule. Les deux amies retournèrent au lycée.

Assise au fond de la salle, la jeune fille scrutait de ses yeux noirs son professeur de français distribuer les sujets de leur corpus. Astrid lançait des regards vers Amy, qui avait reçu sa feuille avant elle. La brune la questionnait silencieusement. Elle lui demandait de quoi parlait le contrôle. Mais sa meilleure amie l'ignorait tout autant qu'elle, car personne n'avait le droit de retourner la photocopie avant que le prof n'en ait donné l'autorisation.

Lorsqu'il arriva enfin vers elle, Astrid lui sourit, chose improbable venant de sa part. En vérité, elle ne sentait pas du tout ce devoir. Comme tous les autres avant celui-ci, certes, mais là, encore plus qu'avant. L'adolescente ne saurait dire pourquoi, mais ce sujet l'effrayait.

Une fois la copie posée sur la table, l'adulte repartit tranquillement distribuer le reste aux autres élèves. Astrid essaya de lire à travers les feuilles mais rien n'y fit. Elle n'y arrivait tout simplement pas. La jeune fille dû donc attendre qu'il autorisa tous les élèves à retourner leur sujet pour qu'il se dévoile enfin. Et comme elle s'y attendait, c'était une véritable catastrophe.

Sujet d'étude : « Le personnage de roman du XVII ème siècle à nos jours.». Jusque là, tout allait bien, la brune aimait plutôt assez bien cette séquence.

La question : « Quelles raisons ces personnages féminins invoquent-ils pour justifier leur renoncement à l'amour ? ». C'était tout simplement l’hécatombe. Astrid n'y connaissait rien du tout à l'amour ! Et ce manque de connaissance allait lui être fatal, pour ce devoir !

La lycéenne plaignit ceux qui était tombés sur ce sujet le jour du baccalauréat, l'année dernière. En effet, leur professeur leur avait annoncé que ce sujet était tombé pour les élèves Littéraire, l'an dernier. Il s'en était fallu de peu ! A un an près, et c'était son bac à elle qui aurait été foiré !

Une heure venait déjà de passer et seule une toute petite introduction apparaissait sur sa copie. Astrid n'aura pas la moyenne à ce devoir. Une fois de plus. Et puis, de toute façon, elle ne comprenait même pas le dernier texte ! Certes, la jeune fille ne connaissait rien à l'amour, mais pourquoi cette fille, cette Renée, voulait-elle laisser s'enfuir très loin de son âme-sœur ? Et cette Princesse de Clèves qui refusait de se laisser aller à ses passions en l'honneur de son défunt mari. A n'y rien comprendre ! Bon, d'accord, la troisième semblait la plus compréhensible. Cette pauvre Delphine était obligée de partir, car elle ne voulait pas entacher le bonheur de Léonce, alors remarié avec une autre femme.

Même si je dois y laisser ma vie, sache que moi je ne t'abandonnerai jamais. Je ne comprends pas le choix de ses femmes. Lorsqu'on aime vraiment quelqu'un, nous devons nous battre pour cette personne, non ? Tu n'es pas d'accord ? Je me demande, est-ce que toi tu te bats pour moi ? Oui, bien sûr que oui. Je ne devrais même pas douter de cela.

Je t'aime. Et c'est pour cela que je vais trouver un moyen de te retrouver. Je te le promets. Nous allons bientôt être réunis. Juste un petit peu de patience, s'il te plaît. Je serai pas une autre Princesse de Clèves, Delphine, ou Renée. Jamais !

Annotations

Vous aimez lire Blanche Plume ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0