Chapitre 50

4 minutes de lecture


Des flashs de lumière bleue se mélangeaient dans ma tête, des uniformes, des exclamations se bousculaient sous mon crâne.

J’entendis qu’on me parlait d’ambulance, je compris qu’on s’apprêtait à nous emmener. Je balbutiai que je voulais savoir comment allait Julien, mais personne ne sembla me comprendre, ni même m’écouter.

Le brouhaha autour de moi se dissipa lorsque je fermai les yeux et laissai l’obscurité me faire basculer dans un autre espace-temps.

À mon réveil, la lumière du jour m’aveugla quelques instants.

Papillonnant des paupières afin de m’acclimater à la vive lumière qui inondait la pièce, je levai une main tremblante à mes yeux.

Il me fallut plusieurs minutes pour comprendre que je me trouvais dans une chambre d’hôpital, des perfusions sur chaque bras.

Dans les couchettes voisines, des femmes d’âge varié fixaient l’écran d’une télévision, reliée par un bras mécanique à l’un des lits.

Au bout de ce qui me sembla durer deux heures, un infirmer pénétra dans la pièce.

J’avais eu le temps de retrouver mes esprits et bondis sur l’occasion pour lui demander des nouvelles de Julien.

– Votre compagnon va bien, m’apprit-il, il est dans une autre chambre. Il n’arrête pas de demander de vos nouvelles.

L’angoisse qui noyait mon cœur sous une avalanche de questionnements, s’amoindrit aussitôt. Savoir que nous étions tous deux tirés d’affaire me procura un tel soulagement que j’éclatai d’un rire nerveux, qui fit sursauter mes voisines de chambre.

– T’es pas encore prête à partir, c’est pour ça, argumentait Julien, assis à-côté de mon lit.

Je ne comprenais pas pourquoi je n’étais pas autorisée à quitter l’hôpital, alors que je me sentais beaucoup mieux.

– Ce n’est pas une simple crève qui va me tuer, protestai-je. Ma fièvre est bien redescendue, je n’ai plus d’hallucinations depuis mon arrivée !

Cela faisait près de vingt-quatre heures que j’étais revenue à moi, mais j’étais forcée à rester alitée. Julien, dont l’état était plus positif, avait quant à lui été libre de partir dans la matinée. Il avait toutefois décidé de veiller à mon chevet, en attendant que je me rétablisse à mon tour.

– Tu te rends compte qu’il y a moins de deux jours, on aurait pu mourir dans la forêt, tenta encore de me raisonner Julien, patient. On a bien failli y rester et t’étais complètement shootée, c’est normal que tu doives passer plus de tests qu’un simple contrôle comme moi.

– Mais ils ne vont pas me garder en observation toute la semaine, quand même ? m’inquiétai-je, songeant à la tonne de révisions qui m’attendait en rentrant à Paris. Heureusement que je suis en vacances, je n’aurais pas toléré de prendre du retard dans mes cours… D’ailleurs, ton patron n’insiste pas trop pour que tu retournes travailler ?

– Je lui ai expliqué la situation, répondit Julien d’un ton apaisant. Il y a des choses plus importantes. Tiens, prends un caramel.

Alors que je m’apprêtai à ouvrir la bouche pour répliquer une nouvelle fois, balançant la confiserie normande entre mes dents, on frappa à la porte de la chambre.

Mes trois voisines braillèrent « Entrez ! » d’une même voix.

Je manquai d’avaler mon caramel de travers en reconnaissant ma sœur.

– Et donc, comment tu as su ce qui m’était arrivé ?

Clarisse, remuant sur sa chaise comme un ver mal-à-l’aise, expliqua :

– C’est Julien qui m’a contacté.

– Mais… je ne t’ai jamais donné ses coordonnées, m’exclamai-je à l’intention de ce dernier.

Clarisse échangea un regard gêné avec lui. Se raclant la gorge, il s’avança légèrement vers moi pour m’avouer :

– J’ai pensé que l’un de tes proches devait être au courant. Je savais que tu préférerais que ta sœur sache, plutôt que tes parents, et j’ai trouvé son numéro assez facilement. Tu connais mes qualités d’enquêteur en la matière…

– Tes qualités de psychopathe, oui, marmonnai-je en me frottant les yeux, sans bien savoir si j’étais contente ou non qu’il ait pris l’initiative de prévenir Clarisse.

Mais surtout, j’étais surprise qu’elle ait fait le déplacement pour me rendre visite.

– Qu’est-ce qui t’a poussé à venir ? l’interrogeai-je d’un ton dur. La curiosité et l’espoir de voir mon corps affreusement mutilé par le froid ?

Ma sœur haussa les sourcils et rétorqua d’un ton égal :

– Je ne vois pas pourquoi j’aurais eu envie d’une telle chose. Je ne te déteste pas, contrairement à ce que tu as l’air de penser.

– Ah non ? raillai-je, sans élever la voix. Non, c’est sûr que tu m’adores, j’ai tellement de photos de nous dans mon téléphone – enfin, avait, puisqu’il est cassé, maintenant. Oui, on a partagé des moments si mémorables, toutes les deux, ces dernières années, j’avais complètement oublié…

– Arrête, s’agaça Clarisse, c’est ridicule de penser que je te hais. Je ne prétends pas qu’on a un super lien, mais je n’ai pas de raison de te détester, on se contente de s’ignorer, tu ne crois pas ?

Après un silence de réflexion, je lançai, toujours sceptique :

– Tu es sûre qu’il n’y a vraiment aucune intention cachée derrière ta visite ? Quoi que tu dises, ça me parait louche…

– Une intention comme quoi ? Je n’ai rien à tirer de cet acte, non. Ce n’est pas comme si tu avais quoi que ce soit à léguer, je te signale…

Marquant une pause incertaine, elle reprit, rougissant légèrement :

– J’étais juste inquiète. Je voulais te rendre visite pour voir que tu allais te remettre.

Face à mon expression goguenarde (je l’avais bien poussée à aller au bout de son raisonnement), elle s’empressa d’ajouter, pour masquer son embarras :

– …Et m’assurer que je pourrais continuer à bénéficier de la préférence des parents. Si tu n’avais pas survécu, tu serais devenue bien plus sympathique à leurs yeux.

– Oh, je n’en doute pas, raillai-je, j’aurais été une martyre regrettée.

Nos regards se croisèrent et nous nous mîmes à rire au même moment.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Hedwige et sa plume ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0