Chapitre 41

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Comme électrisée par le bruit de la serrure qu’on déverrouille, j’avais immédiatement relevé le drap sur ma poitrine nue. La porte d’entrée s’était ouverte sur un homme frôlant la trentaine, de grande taille, aux larges épaules carrées, comme sa mâchoire, recouverte d’une barbe sombre.

En nous voyant, tous les deux, serrés l’un contre l’autre dans le lit de Julien, le gaillard avait ouvert des yeux ronds.

Un embarrassant silence flottait dans l’air et, pétrifiée, je n’osais rien dire. Pourtant, il allait bien falloir engager la discussion à un moment donné, c’était inévitable…

– Bruno, bafouilla Julien, se reprenant plus vite que moi, content que tu rencontres enfin Natacha.

Je tournai un regard désabusé vers lui.

« Sérieusement ? Il ne va pas faire les présentations comme ça, j’espère ! Quoique là, c’est vrai qu’il n’y a probablement que l’humour pour nous sauver… »

– Enchantée, bredouillai-je, sans regarder le frère de Julien dans les yeux.

– Eh bah, de même, lâcha-t-il en retour, l’air désarçonné. Je pensais pas que…

– Ouais, excuse-toi, s’il te plait, dit Julien, on était en pleine partie de Monopoly, t’abuse…

Je tirai davantage le drap qui recouvrait ma nudité, vers mon cou, et me forçait à rire à la suite des deux garçons, mal-à-l’aise.

– Alors du coup, t’es dans une école d’avocats, Natacha ?

J’avalai une gorgée de soda et hochai la tête, avant de répondre à Bruno, d’un ton que j’espérais détaché :

– Oui, c’est ça. Et à la fin de ma formation, je souhaiterais intégrer un cabinet d’avocats sur Paris.

Bruno, Julien et moi, étions assis autour de la table bien astiquée du studio. Le charpentier nous avait laissé le temps de nous rhabiller en toute intimité, avant que l’on se rejoigne pour partager une boisson fraîche afin de faire plus ample connaissance dans de meilleures conditions.

J’essayais de faire abstraction de ma gêne face à la situation, tout en tentant de renvoyer la même impression de désinvolture. Ce n’était pas exactement dans ces conditions que j’avais imaginé rencontrer le frère de Julien…

Ce dernier pensait que nous avions la journée entière devant nous avant son retour, mais Bruno était finalement rentré plus tôt que prévu au studio.

– Bah c’est cool, ça, dit-il, l’air de ne pas savoir quoi dire.

Alors que je portais ma cannette de soda à mes lèvres, j’aperçus la dégaine de Julien, qui avait revêtu un simple tee-shirt et un caleçon. Son expression et ses cheveux plus en épi que jamais étaient tout bonnement hilarants, combinés. Je lus dans ses yeux qu’il se retenait également de rire de l’absurdité de la situation et lorsque nos regards se croisèrent, nous éclatâmes aussitôt d’un irrépressible rire communicatif.

– Même si j’aurais souhaité que ça se fasse autrement, je suis quand même content que t’aies rencontré mon frère, commenta Julien, alors que nous nous promenions dans les rues de Nanterre.

Je lui lançai un regard espiègle, encore empreint de notre fou rire passé.

– Oui, moi aussi, j’imagine. C’est avec lui que tout a commencé, quand je l’ai appelé sans savoir qu’Evie s’était plantée de numéro…

Après notre petit échange commun autour de la table, Julien et moi avions décidé de s’éclipser du studio. Nous avions fait un tour dans le centre-ville et visité quelques boutiques de vêtements, plaisantant de l’incident qui nous avait pris de court un peu plus tôt.

– Allez, ça va être l’heure, dit alors Julien, en consultant son portable. Viens, on y va.

– L’heure de quoi ?

Il me répondit par un regard énigmatique et plaça son bras sous le mien, pour me guider.

– Tu as prévu une activité ? l’interrogeai-je encore, curieuse.

Mais ce farceur ne daigna pas dévoiler la moindre information jusqu’à ce qu’il me conduise à un arrêt de tram proche.

– J’espère que t’as faim ? dit-il d’un ton mystérieux.

J’acquiesçai, un sourire naissant sur mes lèvres.

Quelques arrêts plus tard, nous marchâmes une centaine de mètres avant que Julien ne m’arrête devant la façade d’une crêperie, qui ne semblait pas payer de mine.

– Oh, c’est ça, ta surprise ? ne pus-je m’empêcher de lâcher, un peu déçue.

– Fais-moi confiance, répliqua Julien, le sourire aux lèvres, tu vas bientôt déguster quelque chose d’encore plus jouissif que notre « Monopoly » de tout à l’heure.

Je le fixai d’un air dubitatif, peu convaincue qu’une galette de sarrasin puisse égaler ce que nous avions partagé un peu plus tôt.

Sans répondre, je le suivis et pénétrai dans le petit restaurant, aussitôt assaillie par de bonnes odeurs de légumes grillés et de fromage fondu.

Julien avait peut-être exagéré sa comparaison, mais je devais reconnaitre que la galette aux Saint-Jacques et poireaux que j’avais commandé égalait n’importe quel plat ordinaire dans un bon restaurant.

Julien, qui avait déjà englouti sa galette, en avait commandé une de plus. Son regard avide lorgnait mon assiette, tandis qu’il piaffait d’impatience.

– Eh, arrête, tu vas bientôt baver sur ma crêpe, le rabrouai-je en riant. Tiens, goûte, tu me fais de la peine, avec cet air de chien battu à qui on a retiré son os…

Il ouvrit la bouche pour accueillir le bout de ma fourchette, sur lequel j’avais piqué un bout de galette. Son regard de gratitude, tandis qu’il mâchait allègrement sa bouchée, me fit pouffer de rire.

Sortis de la crêperie artisanale, l’estomac agréablement plein, je remerciai Julien de m’avoir fait découvrir cette bonne adresse.

– Bon, et si on digérait un peu, maintenant ? proposa-t-il. Je pensais qu’on irait en tram jusqu’à l’activité que j’ai réservée pour nous, mais finalement, ce serait tout aussi bien qu’on s’y rende à pied.

– Tout dépend de la distance, tempérai-je, me tenant le ventre.

– C’est pas si loin, et il fait bon. Allez, suis-moi !

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