Chapitre 28

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– Grand-tante Annie est morte ? répétai-je, sans la moindre émotion.

– Oui, je viens d’en être informée. Elle a fait une terrible chute dans les escaliers de son immeuble. L’un de ses molosses aurait vu un autre chien plus bas et l’aurait renversée en la bousculant pour le poursuivre. Mais elle n’a pas souffert longtemps, c’est le principal.

– C’est une bonne chose, marmonnai-je. Désolée d’entendre cette affligeante nouvelle.

– La famille est en train de planifier ses funérailles, je te recontacterai pour t’informer de la date et du lieu. Tu as intérêt à être présente, je te préviens.

– Oui, je m’arrangerai pour venir, si je peux.

Et si ça peut m’assurer une petite partie de l’héritage…

Je raccrochai et me tournai vers Julien. Sa mine absolument décomposée me fit fondre.

– Ta grand-tante… est décédée ? dit-il, l’air incertain.

– Ouais, elle a fait une mauvaise chute.

– Oh… Toutes mes condo…

– C’est rien, je ne suis pas tellement touchée, à vrai dire.

Je vis les yeux de Julien s’écarquiller et son expression tourner à l’indignation.

– Mais tu ne…

– Je n’étais pas proche d’elle du tout, précisai-je. Désolée pour cette interruption. Bon, on en était où, déjà ?

Je fis mine de m’approcher de lui pour m’installer de nouveau sur ses genoux, mais tout désir avait quitté son regard. Il me lança d’un ton un peu froid :

– Je sais pas, en fait, j’ai plus trop envie, maintenant… Comment tu peux… ?

– Quoi ? Ce n’est pas cette annonce qui va m’ébranler au point de me désintéresser de toi !

J’avais sorti ça pour le faire rire, ou lui faire plaisir, mais ma plaisanterie n’eut aucun des effets escomptés. Au contraire, son visage se durcit davantage.

– Je sais pas quel lien t’avais avec ta grand-tante, mais quoi qu’il en soit, tu viens d’apprendre son décès. Et même si ça avait pas été une personne de ta famille, je comprends pas comment tu peux être aussi détachée…

Je haussai les épaules.

– C’est la vie, elle était âgée. Et aigrie. Enfin, si tu préfères qu’on joue aux cartes, je ne vais pas te forcer, hein…

– Oui, pourquoi pas un rami ?

– C’était une blague. Mais j’ai un paquet de cartes dans le tiroir de ma table de nuit.

Deux heures et demi plus tard, nous commencions à nous lasser de tous les jeux de cartes à deux mais nos sujets de discussion, eux, ne tournaient jamais en rond et demeuraient aussi passionnants. Bien qu’on ne soit souvent pas du même avis.

– Et qu’est-ce qui te fait dire qu’on se réincarne pas en huitres ou en scarabées, après la mort ? argumentait Julien, en battant machinalement ses cartes. Hein, y a pas de raison !

– J’en sais rien, pour moi ce serait illogique, mais si tu le penses…

L’espace de quelques secondes, seul le bourdonnement de la circulation dans la rue se fit entendre. Puis Julien rassembla ses cartes en un petit tas, qu’il me tendit, et dit :

– Nat, écoute, j’ai passé un très bon moment avec toi, mais ce serait pas raisonnable de rester plus longtemps. Je suis censé me lever dans six heures et je dois faire le trajet retour jusqu’à Nanterre, ça va piquer.

– Je comprends, répondis-je avec un sourire. C’est bien normal.

– Désolé, grimaça-t-il, j’aurais aimé avoir plus de temps devant moi. Mais avec mes semaines de malade, je suis crevé…

– Evidemment, tu as des horaires impossibles ! Et ne t’excuse pas, moi aussi j’ai dû m’enfuir la dernière fois, je sais qu’on se reverra. Fais bon voyage !

Après tout, c’était déjà bien d’avoir pu se revoir… Et tout ce qui s’était passé entre nous me donnait presque le vertige. Dire que je me rongeais les sangs à douter de la nature de ses sentiments à mon égard à peine quelques heures plus tôt !

– Merci, souffla Julien. On se trouve rapidement une vraie date pour sortir tous les deux, ok ?

J’acquiesçai et accueillit ses lèvres sur les miennes avec délice.

Je l’escortai jusqu’au rez-de-chaussée et lui ouvrit le portail. Avant de s’éloigner dans la rue, où tombait la nuit, il me fit signe de la main.

Quelques instants plus tard, il était hors de ma vue.

Son parfum m’accompagna sur le chemin retour à mon studio, puis dans mes rêves ce soir-là.

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