Chapitre 39

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Cela faisait plus de deux semaines que nous nous étions retrouvés au café Montorgueil, Julien et moi.

Après avoir clarifié les choses entre nous, nous avions tous deux décidé de prendre sur nous pour faire l’effort de redémarrer sur des bases plus saines.

Nous ne nous étions pas définis comme un couple ; nous attendions de voir où cette aventure allait nous mener.

Lorsque nous avions quitté le café, j’avais proposé à Julien de venir visiter mon nouvel appartement.

C’était un deux-pièces, que je partageais avec une colocataire, une ancienne camarade de la fac qui avait déniché ce bon plan, une affaire en or pour nos moyens restreints.

– Ça doit te changer de ton petit studio, avait avancé Julien, après avoir salué ma coloc.

– Oui, c’est quand-même plus spacieux, et la rue est moins passante, avais-je répondu, en sortant des biscuits d’un placard.

Nous avions partagé un goûter, en discutant de tout, de rien, et beaucoup d’amour, puis Julien était parti.

Je ne l’avais croisé qu’une fois entre-temps, en coup de vent, lorsque j’avais terminé mes cours et que j’étais passée le voir à la boulangerie où il bosse désormais.

Ce samedi-là, Julien m’écrivit :

"Tu voudrais passer chez moi demain, si t’es libre ? Mon frère rentre que dans la soirée."

Traversée par une décharge d’adrénaline, je m’empressai de répondre que j’étais disponible et lui envoyai une ribambelle de cœurs dans la foulée, sous l’effet de l’excitation.

Je réalisai que je me laissais emporter par le genre de mièvreries écœurantes qui m’avaient toujours rebutée lorsque je voyais Evie échanger avec ses différents copains.

Mais au fond, je m’en fichais royalement, finalement. J’étais amoureuse, je n’allais pas m’en excuser.

Le lendemain matin, je pris le RER A, piétinant d’impatience mais légère comme le vent.

Je n’arrivais pas à réfréner le sourire béat qui étirait mes lèvres et me donnait un air probablement idiot mais également plus de baume au cœur que n’importe quelle bonne nouvelle.

Enfin, Julien et moi allions profiter d’une vraie sortie ensemble, rien que tous les deux, toute la journée, pour la première fois depuis notre rencontre, près de six mois plus tôt.

Avant de partir, j’avais choisi de porter une élégante robe bleu nuit, avais légèrement maquillé mes yeux, tressé mes cheveux, assorti des boucles d’oreille à un collier doré, et chaussé une paire de bottines sombres.

Le trajet jusqu’à Nanterre se fit sans encombre, mais j’avais du mal à contenir toute mon exaltation.

Après avoir saisi le code de l’immeuble, je grimpai les escaliers des trois étages me séparant du garçon qui ne quittait pas mes pensées, comme s’il s’était agi d’une simple volée de marches.

Mon cœur tambourinait par à-coups précipités dans mes côtes lorsque je frappai à la porte du studio dans lequel résidaient Julien et son frère.

J’avais déjà son parfum en tête, avant qu’il ne m’ouvre, comme si mes sens s’étaient préparés à le revoir aussi.

Il m’accueillit avec un sourire, et je me jetai à son cou, incapable de résister plus longtemps à l’envie de plonger dans ses bras.

– Doucement, je vais tomber, plaisanta-t-il, feignant de perdre l’équilibre sous mon poids.

Je me détachai de lui pour détailler son doux visage, que j’avais l’impression de croiser à chaque coin de rue, lorsqu’un passant lui ressemblant vaguement accrochait machinalement mon regard.

Ses yeux noisette, à l’éclat enjôleur, suivaient les miens, dansant au rythme de leurs déplacements. Il s’était rasé de près, je distinguais à peine les pigments des poils de sa barbe sur ses joues lisses. Ses lèvres étaient retroussées en un petit sourire qui faisaient chavirer mon cœur ému.

– J’ai fait un plat de cookies, m’informa-t-il, l’air content de lui, pour relever le niveau des biscuits infâmes qu’on a mangés chez toi, l’autre jour.

– Ils étaient à ma coloc, me défendis-je.

Je saisis un cookie, sur le plateau qu’il me tendait fièrement, et mordit dedans allègrement. Je m’étais préparée à le charrier d’une pique sur sa cuisine, mais je devais reconnaitre que c’était un délice.

– T’as pas eu ton CAP pour rien, articulai-je, entre deux bouchées de plaisir à l’état brut.

– Ravi d’avoir ta validation, je suis officiellement reconnu, dit Julien, d’un ton sarcastique mais ravi.

En prenant conscience de l’espace autour de moi, je constatai que l’indescriptible désordre qui régnait lors de ma première visite avait disparu. La pièce-à-vivre, qu’un beau bazar venait autrefois encombrer, était désormais nickel chrome. Pas un slip ne trainait sur le parquet ; pas une chaussette égarée n’attendait son heure sous les placards fraichement dépoussiérés ; et la porte du frigo brillait. Même le vieux canapé-lit jaune pisse d’Evie avait bénéficié d’un coup de neuf, ses couleurs semblaient ravivées. Seul le trou de mégot sur l’un des accoudoirs rappelait son passé.

Suivant la direction de mon regard, Julien expliqua :

– J’ai tout rangé cet été, quand je ruminais mes pensées par rapport… à nous. Ça m’a pris une bonne semaine pour tout trier et mettre en ordre, c’était un gros nettoyage. Mon frère comprenait pas ce que je fichais, il croyait que j’avais perdu la boule.

– Eh bien, bravo, répondis-je, impressionnée. Il y avait du boulot, je veux bien te croire là-dessus… Mais en plus, c’est encore entretenu, tu n’es pas retombé dans tes vieilles habitudes, je vois.

– En effet, se rengorgea Julien, aux anges, j’ai fait le ménage hier soir. Et dorénavant, je lâche pas mon frère pour le forcer à nettoyer et ranger derrière lui.

Son lit, assez convenablement fait, semblait nous attendre, dans un coin de la pièce.

Remarquant que j’avais l’air de partager la même pensée que lui, Julien m’attira contre son torse et pressa fermement ses lèvres suaves contre les miennes.

Je fermai les yeux, emportée par notre étreinte aussi douce que fougueuse.

Nos mains parcouraient fiévreusement le corps de l’autre, dans la même énergie de désir et de tendresse profonds.

J’ôtai hâtivement ma robe, tandis que Julien retirait son tee-shirt, les yeux brûlants d’un regard de braise, que je n’avais encore jamais vu danser ainsi dans ses prunelles.

Lâchant les rennes de toutes mes pensées et du temps, je me laissai embarquer sur son lit.

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