Chapitre 36

4 minutes de lecture

Les semaines passèrent, sans que je ne parvienne à joindre Julien.

Il ne m’avait pas bloquée, mais restait imperméable à toutes mes tentatives de rentrer en contact avec lui. C’était clair qu’il ne voulait plus entendre parler de moi.

D’un côté, je le comprenais : je l’avais laissé tomber pour passer une journée avec mon amie, alors qu’on avait tout prévu, qu’il avait pris un jour de congé et que j’avais prétendu vouloir le revoir avec beaucoup d’enthousiasme quelques jours plus tôt. Il a dû se dire que si j’étais capable de lui faire un coup comme ça sans m’en émouvoir, c’est qu’au fond, ce que j’avais dit ressentir n’étaient que des paroles en l’air.

Et pour se protéger lui-même, il avait décidé de ne plus s’investir dans cette liaison qui ne le mènerait selon lui qu’à plus de souffrance en s’attachant davantage.

Mais d’un autre côté, je lui en voulais de ne pas m’avoir accordé le bénéfice du doute et de s’être fermé à toute proposition de réconciliation. Il ne lisait aucun de mes messages depuis l’enterrement de Grand-Tante Annie, il n’était donc pas au courant des motivations qui m’avaient poussé à annuler notre sortie si brusquement.

J’avais du mal à le reconnaitre, mais Julien me manquait énormément. À chaque fois que ses yeux noisette traversaient fugitivement mon esprit, je ressentais comme un coup dans l’estomac. Il m’arrivait de rêver de le revoir, d’avoir des papillons dans le ventre en le voyant s’approcher de moi, mais souvent nos échanges se changeaient en dispute et me laissaient vide et triste à mon réveil.

Evie, elle, allait beaucoup mieux. En creusant le sujet de ses plans futurs avec elle, on s’était rendue compte d’une chose : sa famille au Pays de Galles lui manquait terriblement. Cela faisait cinq ans qu’elle vivait à Paris et n’avait pas souvent l’occasion de les voir, surtout avec la situation financière dans laquelle elle s’était fourrée dernièrement.

Evidemment, je m’étais arrangée pour lui prêter de l’argent et lui permettre de commencer à progressivement remonter la pente. Il lui faudrait un peu de temps pour rassembler la somme totale de ses dettes et rembourser les gens à qui elle devait des sous, mais elle était sur la bonne voie.

Lorsque son préavis dans le magasin de vêtements avait pris fin, je lui avais fait le cadeau de lui offrir un aller simple pour le Pays de Galles.

– Ne prends pas ça pour un moyen de me débarrasser de toi, lui avais-je dit en lui tendant le billet d’avion.

Eberluée, elle était restée sans voix un bon moment, ne sachant pas quoi dire, ni même si je lui faisais une blague.

– Tu as besoin de ça, avais-je insisté, la forçant à prendre le bout de papier. Je pense que c’est mieux pour toi que tu y retournes.

Elle m’avait alors bondi dans les bras, des larmes ruisselant sur ses joues pâles.

– Nat ! Tu n’aurais pas dû… Vraiment, c’est… Je n’ai pas les mots, c’est trop…

Elle avait rassemblé ses affaires avec énergie le soir venu, et je l’avais accompagnée à l’aéroport le lendemain matin.

– Tu viendras me voir souvent, hein ? lui avais-je dit, émue, devant le panneau lumineux annonçant son vol.

– Seulement si toi, tu me rends visite au moins une fois par semaine, avait plaisanté Evie, sa bonne humeur et son regard pétillant retrouvés.

On s’était serré dans les bras l’une de l’autre de longues minutes, pleurant toutes les larmes de notre corps. C’était la première fois en cinq ans que j’allais être séparée d’elle plus d’un mois d’affilée.

J’ignore si elle reviendra vivre en France un jour, mais je suis plus soulagée que triste en pensant à son absence.

C’était la bonne chose à faire pour l’aider à lui insuffler l’élan d’un nouveau départ.

Elle a retrouvé sa famille, ses amis d’enfance, son pays natal. À ma plus grande joie, elle a aussi rapidement trouvé un nouveau travail, qui lui plait. Et elle m’a assuré qu’elle n’a plus touché à une cigarette depuis son départ.

Le mois de septembre s’installait sur Paris. J’avais entamé ma rentrée en EDA, et ma soutenance de mémoire s’était bien passée. Mon Master était donc officiellement derrière moi et validé.

Pour célébrer ça, et la réussite de mes anciens camarades de la fac, nous nous étions tous retrouvés chez l’un d’entre eux et avions fait une fête mémorable.

J’avais eu un peu de peine en quittant le cabinet d’avocats où j’avais fait mon alternance, je garderai de bons souvenirs aussi de mon pot de départ là-bas.

Comme mon école d’avocats n’est pas tout à côté de ma résidence universitaire, j’ai dû déménager au cours du mois d’août.

Je suis désormais installée dans un autre quartier de la capitale et travaille les weekends dans un salon de thé, pour alléger mes charges.

Un jour, je reçus un message de la part d’un numéro inconnu.

"Bonjour, je suis l’étudiante qui vit maintenant dans votre ancien studio en résidence universitaire. J’ai eu votre numéro par les résidents du studio voisin. En revenant de cours hier soir, j’ai trouvé un post-it sur la porte d’entrée, probablement à votre attention. Je voulais vous en informer."

Une photo du post-it était jointe. Il y était écrit :

"Nat. On peut parler ? Demain, 18h, Café Montorgueil."

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Hedwige et sa plume ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0