Chapitre 19

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Un café et un coup d’eau fraiche sur le visage plus tard, nous étions assises sur le balcon d’Evie, une tartine de beurre à la main.

Dans la rue en contrebas, la circulation allait bon train ; il était onze heures et demi passées.

La brève sonnerie m’indiquant l’arrivée d’un nouveau message sur mon téléphone me fit baisser les yeux sur mon écran.

Mon estomac se retourna lorsque je vis le nom de Julien affiché. Il écrivait :

"Oui, il s’appelle Bruno. Pourquoi ? Moi, ça va nickel, je suis avec des potes. Et toi, tu passes une bonne soirée ?"

Fronçant les sourcils, je mis un temps avant de réaliser que je lui avais envoyé un message la veille, apparemment juste avant d’arriver chez Evie, d’après l’heure.

Je ne pus m’empêcher de lâcher un ricanement exaspéré en relisant ce que je lui envoyé :

"Salut Juju, comment ça va ? Ton frère, il s’appelle Bruno ?"

« Depuis quand je l’appelle Juju, moi ? » me lamentai-je, embarrassée par le cran que l’alcool m’avait donné la veille.

- Qu’est-ce qu’il y a ? m’interrogea Evie.

Je mis un temps avant de répondre, soudain plongée dans mes pensées.

- Ton Bruno, là, dis-je lentement, à quoi il ressemble ?

Aussitôt, je vis le visage de mon amie s’illuminer et elle s’empressa de débiter, ravie :

- Oh, il est absolument parfait. Il a tout pour lui, tu verras. Mais je ne veux pas te gâcher la surprise, il faut que tu le rencontres toi-même…

- Non, mais, dis-moi quand même, insistai-je. Je ne suis toujours pas intéressée, au passage.

La mine de ma meilleure amie se renfrogna un peu. Elle lâcha, l’air déçu :

- Il est blond aux yeux bleus, et il est incroyable. Comme ce dont on avait convenu au bar, la dernière fois qu’on s’était vues, tu te souviens ?

- Non, Evie, la repris-je sans parvenir à masquer la pointe d’agacement dans ma voix. On avait convenu de rien du tout, moi je t’avais dit que je ne…

- Oui, oui, je sais, me coupa Evie avec un grand sourire espiègle, mais tu sais bien comment ça me fait plaisir de me mettre au service du cœur de mes amies…

Je soupirai, exaspérée mais amusée. Le cœur battant un peu plus vite, je tapai une réponse à Julien, qui me répondit un peu plus tard :

"Il est brun, avec une barbe et une mâchoire bien carrée, et il fait une tête de plus que moi. Des fois j’ai peur de lui mais je préfèrerais plutôt m’exiler en Corée du Nord plutôt que de le lui avouer. Je viens de te confier un sacré secret, tu n’as pas intérêt à le répéter…"

Un sourire se dessina sur mes lèvres lorsque je lus son message. Je me tournai alors vers Evie et lui dit :

- Bon, je pense qu’il y a eu un couac quelque part, dans ton histoire de post-it, ça ne concorde pas, ma belle…

Après vérification du numéro de téléphone qu’elle m’avait donné, Evie insista :

- Non, c’est bien ça j’ai noté le numéro de Bruno sur le post-it que j’ai collé dans ton garage. Bon, c’est vrai que j’étais pressée parce que je devais aller en cours ensuite et je me suis un peu précipitée… Mais je n’ai pas écrit de mauvais chiffre, en tout…

Elle s’interrompit subitement, semblant réaliser quelque chose en voyant l’écran de son portable.

- Quoi ? l’interrogeai-je.

Mon amie se tapa le front du plat de la main et rit :

- J’avais complètement oublié que j’avais deux Bruno dans mes contacts… Je viens de le voir.

- Ah, voilà, je me disais aussi… Mais dans ce cas, comment se fait-il que ce Bruno-là ne sache pas qui tu es ? Il m’a dit, lors de notre tout premier échange téléphonique, qu’il ne connaissait pas d’Evie Prest.

- Eh bien, moi aussi, j’avais totalement zappé son nom, à ce bonhomme. En fait, je lui avais vendu mon canapé-lit sur Leboncoin, l’année dernière. Il était venu le chercher chez moi et j’avais nommé son contact le temps de la transaction. Apparemment, j’ai dû oublier de le supprimer ensuite…

Je me moquai :

- Moi, pour ne pas avoir de doute, quand je fais ce genre de choses, je marque « Leboncoin » ou autres, à côté du nom de la personne. Ça m’évite de m’emmêler les pinceaux…

- Oui, je sais, mais à ce moment-là je ne connaissais pas d’autres Bruno et je pensais simplement en avoir pour quelque temps avant de finaliser la transaction, se justifia Evie. J’ai juste zappé de l’enlever de mes contacts après.

Je la fixai en secouant la tête, pouffant.

En repensant à ma nuit chez Julien, je me rappelai alors de la réflexion que je m’étais faite en voyant le canapé-lit jaune sur lequel j’avais dormi. À ce moment-là, j’étais trop épuisée pour réfléchir de manière cohérente, et je m’étais endormie presque aussitôt, sans réaliser que ce n’était pas une coïncidence si le canapé-lit du frère de Julien était en tout point identique à celui qu’avait autrefois Evie.

« Oui, me souvins-je avec un sourire, semblable jusqu’au trou de cigarette sur le même accoudoir… »

- Eh bien, voilà un mystère résolu, dis-je d’un ton sarcastique. Si ça, ce n’est pas un signe que je ne suis pas faite pour ton idyllique blondinet aux yeux bleus…

Mon cœur se serra lorsqu’une petite voix dans ma tête me glissa :
« Ou alors, c’est un signe qu’au contraire, tu es faite pour être avec Julien parce que le destin vous a réunis par un fortuit hasard… »

Je chassai cette pensée, irritée et blessée, et me concentrai sur la contestation d’Evie me relatant les qualités irrésistibles de son satané Bruno… Le blond, évidemment.

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