Chapitre 16

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Avec mon objectif en vue, tout m’avait paru plus simple et fluide : les cours m’avaient tout à coup semblés moins barbants ; mes parents plus supportables. Je savais qu’il fallait que j’aie mon bac pour entamer des études de droit, alors je m’étais mise au travail. J’avais tant de retard que je devais réviser durant la majeure partie de mon temps libre, ce qui m’avait progressivement éloignée de mes amis peu fréquentables. Je n’avais plus de temps à leur consacrer et ma vision des choses avait évolué au fur et à mesure que ma motivation croissait.

J’avais finalement eu mon bac. Je m’étais reprise en main. J’avais de nouveau un rêve, un projet à accomplir, qui me poussait à me dépasser. J’avais tout de suite pris mon appartement sur Paris, à ma rentrée en fac de droit. Bien sûr, comme j’avais tenu à être complètement indépendante, j’avais tout de suite combiné mes études à un petit boulot. Depuis la fin de ma licence, je n’étais plus en mesure de travailler en parallèle de mon Master bien trop prenant, mais je travaillais chaque été et toutes les vacances scolaires.

En prenant mon autonomie, je n’avais pas coupé les ponts avec ma famille, mais je n’avais pas non plus cherché à maintenir nos liens déjà bien abimés, surtout avec tout le travail que j’avais. Evidemment, eux non plus ne s’étaient pas bousculés pour me témoigner leur soutien et je ne les voyais qu’à de rares occasions.

En fait, depuis mes dix-huit ans, je n’ai que rarement de leurs nouvelles. Ma mère me passe un coup de fil une fois par mois, pour la forme. C’est seulement pour se convaincre qu’elle fait son boulot de mère, je pense, mais ça m’importe peu.

Sinon, je croise mes parents et ma sœur uniquement aux mariages, aux enterrements et parfois à Noël, lorsque je ne passe pas les fêtes avec mes amis. Cela ne me dérange absolument pas, je m’en porte d’ailleurs très bien.

Depuis la révélation qui m’a donné l’élan de tout donner pour être avocate, j’ai beaucoup évolué. Je ne ressemble désormais en rien à la jeune ado colérique et renfrognée que j’étais avant de quitter mon domicile familial, même si mon caractère toujours un peu tempétueux m’attire encore des ennuis de temps en temps.

Mais dans l’esprit de mes parents, même si j’ai maintenant « rattrapé ma vie » selon eux, je reste la pâle imitation de leur seconde fille. À leurs yeux, je ne peux rien être de plus qu’une ancienne junkie dépravée, dont ils ont eu honte pendant des années.

C’est pourquoi je n’étais guère surprise de la façon dont ma mère m’avait traitée au téléphone. J’étais irrattrapable, selon elle.

« Mais elle n’avait pas à me rabaisser ainsi, malgré tout. » songeai-je, amère.

Cela faisait longtemps que j’avais arrêté de rentrer dans son jeu, je ne cherchais plus à polémiquer ad vitam, désormais j’avais mieux à faire.

Le tintement caractéristique m’indiquant que j’avais reçu un message me sortit de ma torpeur. Je laissai mon regard glisser sur l’écran du téléphone avec, le quart d’une seconde, l’espoir naïf qu’il s’agissait de ma mère s’excusant pour ses paroles.

Mais évidemment que non, c’était une pensée insensée et parfaitement utopiste. Ce n’était qu’Evie, qui répondait à ma proposition de sortie :

"Il y a une soirée chez un pote samedi, tu m’accompagnes ?"

Je pris un instant pour réfléchir. J’avais beaucoup de travail. Mais d’un autre côté, je savais que j’avais vraiment besoin de divertissement, de me vider la tête.

Une petite décharge douloureuse piqua mon cœur lorsque l’image de Julien s’imposa dans mon esprit. La lueur espiègle dans ses yeux noisette alors qu’il me racontait le piège tendu à ses voisins pour Halloween me revint en tête, sans que je ne parvienne à la chasser.

Réalisant que je tombais de nouveau dans ce dangereux piège auquel j’avais tenté de m’extraire depuis mon retour, je m’empressai de taper ma réponse à Evie :

"Go. Où, quelle heure et j’amène quoi ?"

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