Chapitre 15

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À peine avais-je fermé l’application de textos, que je reçus un appel de ma mère.

- Oui, maman ? dis-je en décrochant, encore à moitié vêtue de mon manteau d’hiver.

- Bonsoir, Nathalie, répondit la voix de ma mère à l’autre bout du fil.

Quelque chose dans son ton me dit qu’elle ne m’appelait pas pour venir aux nouvelles de mon oral. Mon intuition se vérifia lorsque, après seulement quelques échanges de banalités, elle lâcha :

- Nathalie, ta tante m’a appelée, l’autre jour.

Je m’attendais certes à un reproche, peut-être sur la façon dont je gérais mon budget, ou mon manque d’investissement dans les activités de notre famille, mais pas à ça. En fait, j’avais complètement oublié la façon dont j’avais traité ma tante Annie, avant mon aventure à Nanterre.

- Je lui ai envoyé une lettre d’excuse, me justifiai-je, avant même d’attendre que ma mère développe.

- Est-ce que tu grandiras un jour ? répliqua ma mère, d’une voix courroucée. Comment peux-tu te montrer aussi grossière et irrespectueuse ? Et vis-à-vis d’une personne de ta famille, qui plus est ! J’ai tellement honte, ton comportement…

- Maman, la coupai-je, je me suis emportée contre elle pour rien, c’est vrai. Mais elle non plus n’a fait aucun effort pour me…

- Je ne veux pas entendre tes excuses ! Ta tante était tellement furieuse qu’elle m’a dit qu’elle ne voulait plus te voir. Et ce n’est pas la peine de repasser chez elle à l’improviste, ni de lui envoyer des mots d’excuses ! Mais pour qui te prends-tu ?

- J’ai fait une erreur, je le reconnais, mais j’aimerais qu’elle me laisse lui parler pour discuter calmement, comme des adultes…

- C’est le problème avec toi, Nathalie, rétorqua sèchement ma mère, tu fais des erreurs et tu penses encore que tu vas changer… Alors que tu sais tout comme moi que c’est peine perdue. Mais en attendant, tu ne peux pas continuer à agir ainsi et croire que tu peux te faire pardonner encore et encore, réparer les choses ensuite. Ça ne marche pas comme ça, dans la vie, ma pauvre fille, et je suis bien navrée de te le dire, mais tu finiras par te retrouver seule, à force.

Un silence suivit la déclaration de ma mère.

- Bonne soirée, maman.

D’un geste rageur, je raccrochai sans lui laisser le temps de riposter.

J’inspirai un bon coup, puis expirai brutalement pour chasser la sensation de mal-être qui s’était installée en moi.

Ma mère avait le don fabuleux de me restreindre à mes faiblesses et de m’enfermer dans mes erreurs, et je savais qu’elle avait raison d’être en colère contre moi, mais j’avais de plus en plus de mal à digérer la façon dont elle me faisait passer ses messages de reproches.

Mais même si j’étais payée pour le faire, je refuserais d’admettre que ses mots m’avaient atteinte.

Quoi que je fasse, malgré mes efforts pour m’améliorer, rien ne la ferait changer d’avis sur mon sort : je n’étais qu’une petite sotte égoïste et insensible à ses yeux. Pourtant j’avais changé, depuis mon adolescence, malgré tout je ne serais jamais à la hauteur de ma sœur, Clarisse. Elle, c’était l’enfant réussi de la famille, qui rattrapait l’embarrassante tache que j’étais.

D’accord, ma famille avait des raisons de m’en vouloir pour mon caractère pour le moins imprévisible. Disons qu’il y avait des antécédents.

Lorsque j’étais au collège, j’avais commencé à fréquenter des individus plus âgés que moi que mes parents qualifiaient, à tort, de « camés aux allures de voyous », d’après leur style vestimentaire et leurs scooters trafiqués. En réalité, ils ne se droguaient pas et étaient doux comme des agneaux.

Par contre, au lycée, j’avais enchainé les petits copains pour le moins louches, je le reconnais, et j’avais développé un esprit rebelle en opposition à l’éducation stricte de mes parents. Et c’est vrai, mes fréquentations à cette époque, n’avaient souvent pas que des substances licites sur eux. Et encore moins dans le sang.

Tandis que ma sœur Clarisse, de deux ans plus jeune que moi, excellait et brillait dans tous les domaines, j’avais petit à petit écorché la relation que j’entretenais avec mes parents, ne cessant de les provoquer, de leur créer des ennuis pour les mettre hors d’eux… J’avais toujours été une élève dans la moyenne à l’école et n’ai obtenu mon bac avec mention que grâce à l’électrochoc que m’avait provoqué une réminiscence impromptue.

Je me souviens parfaitement de ce moment.

À ce moment-là, tout se passait mal ; je n’avais rien envie de faire, rien ne m’intéressait, je ne me projetais pas dans le futur. J’avais passé une semaine atroce, entre les cours du lycée qui m’ennuyaient à mourir et les incessantes engueulades avec mes parents lorsque je rentrais le soir. Je ne pouvais pas les fuir, étant privée de sortie pour une bêtise, que j’ai oublié.

J’étais dans ma chambre, ruminant furieusement ma rage, après une énième prise de bec avec ma mère. J’avais alors donné un violent coup de pied dans la pile de livres, cahiers, feuilles en désordre qui s’entassaient dans un coin de la pièce. C’est là que j’avais remarqué qu’un petit carnet doré avait glissé du fouillis. Je l’avais instantanément reconnu, même si j’avais complètement oublié son existence pendant des années.

En l’ouvrant, j’avais retrouvé mes gribouillis d’enfance, des notes prises durant mes années de primaire. Et au milieu de dessins maladroits de sirènes et de chevaux ailés, j’avais imaginé ma vie de rêve. Je m’étais représentée, plus grande, à Miami, entourée de célèbres acteurs Hollywoodiens. Mais ce qui m’avait particulièrement marquée, c’était la description sous mon ignoble croquis : "Nathalie, grande avocate, connue pour sa gentillesse envers tous les animaux."

Lorsque j’avais relu cette phrase, quelque chose s’était rallumé en moi. Je n’aspirais pas à une vie de luxe à Miami aux côtés de Leonardo DiCaprio, mais au fond, la simple évocation du métier d’avocat m’avait rendu le rêve que j’avais laissé de côté en grandissant.

Au départ, ma détermination de devenir avocate était venue d’un film, que j’avais vu chez mon grand-père quand j’étais toute petite, dans lequel un avocat défendait corps et âme un client soi-disant irrécupérable. C’était un film de grand, mais même à l’époque, ça m’avait captivée.

Quand tout m’était revenu, mon petit carnet doré entre les mains, la Nathalie de dix-sept ans que j’étais avait reçu un vrai choc, je dois dire. Et sans me poser plus de questions, je m’étais mise en tête d’atteindre ce rêve, né des années auparavant.

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