Chapitre 12

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À mon réveil, la première chose que j'entendis fut le bruit de fond de la télévision.

Il me fallut quelques instants pour réaliser que je n'étais pas dans mon lit, mais sur le canapé-lit de Julien, dans son petit studio en bazar, à Nanterre.

En me relevant lentement sur un coude, baillant, je me remémorai la journée de la veille. Tout ce qui s'était passé hier semblait si improbable que j'aurais pu croire qu'il s'agissait d'un rêve. Mais non, c'était bien réel.

Julien était assis un peu plus loin, sur une chaise devant l'écran de sa télé. Ses cheveux châtains étaient ébouriffés, de ma position je voyais nettement l’épi qui pointait du haut de son crâne. Remarquant que j'étais éveillée, il tourna ses yeux couleur noisette vers moi.

- Salut, dit-il.

- Salut.

Frottant mes yeux, je me mis debout. Je réalisai que mes vêtements, que je n’avais pas quittés pour dormir, étaient sales et froissés.

- Tu t’étais endormie sans même rentrer sous les couvertures, m’apprit Julien. Je voulais pas te réveiller, donc je t’ai juste recouverte d’un plaid.

- Merci, dis-je d’une voix pâteuse. Quelle heure est-il ?

Le jour filtrait à-travers les fins rideaux de la porte-fenêtre qui faisait face au frigo, laissant supposer que la matinée devait être déjà bien entamée.

- Il est midi. Je suis debout depuis deux heures.

- Tu n’es pas censé travailler ? l’interrogeai-je, me rappelant soudain ses horaires contraignants.

- J’ai pris un jour de congé. Même si t’avais pas été là, je me serais pas senti en état, précisa-t-il en voyant mon expression coupable.

Je hochai lentement la tête, les yeux fixant le vide. J’étais moi-même en train de manquer mon cours de droit des affaires. Si je ne m’étais pas sentie aussi assommée, je sais que j’aurais bondi dans un taxi sur-le-champ pour rentrer à Paris.

- Tu veux déjeuner ? me demanda Julien.

Il éteignit la télévision et se leva. Il revêtait un tee-shirt gris et un pantalon de survêtement rouge.

- C’est plutôt l’heure du repas, maintenant, dis-je. Est-ce que ça te dérange si je reste un peu chez toi avant de partir ?

- Non, bien sûr que non, t’es la bienvenue. Par contre, il va falloir me filer un coup de main pour la cuisine, je voulais pas faire de bruit donc j’ai rien préparé.

- Pas de problème. Laisse-moi me changer et j’arrive.

- Prends une douche, tu empestes, me charria sans détour Julien. Tu trouveras des serviettes propres dans le placard, sous l’évier.

- Merci bien, répliquai-je, d’un ton faussement vexé. Mais je n’ai pas de vêtements de rechange… Je n’avais pas prévu de passer la nuit sur Nanterre.

Julien ne répondit pas et se contenta de farfouiller dans sa penderie. Il me jeta un sweat noir et un jean, que j’attrapai au vol.

- « La grève de la RATP et de la SNCF se poursuit…, » lus-je, sur l’écran de mon portable. « Nous pouvons nous attendre à une prolongation jusqu’à demain, mardi. »

Nous étions à table, autour d’un plat de pâtes au pesto fumant. Les vêtements que m’ont prêté Julien sont trop grands pour moi, aussi avais-je retroussé les manches du sweat et le bas du jean, qu’une ceinture venait ajuster à ma taille.

La bonne douche froide que j’ai prise m’a fait un bien fou. Non seulement je me sens de nouveau propre et à l’aise dans mon corps, mais j’ai les idées bien plus claires.

- Tu vas faire comment, alors ? Tu réserves un nouveau Blablacar ou tu prends le taxi ?

L’égratignure sur la joue de Julien parait moins vilaine à présent qu’une petite croûte s’est formée. Les autres écorchures que nous avons ne sont déjà presque plus visibles.

- Je vais voir, répondis-je, scrollant dans ma barre de notifications.

Je n’ai jamais eu à traiter autant de messages et d’annonces d’un coup. D’ordinaire, je réponds immédiatement, mais hier, j’ai à peine touché mon téléphone de la journée et me voilà désormais inondée.

- Dans tous les cas, repris-je, levant les yeux de mon écran, je dois être rentrée pour demain. Je commence à huit heures. Par contre, je n’ai pas cours cet après-midi, donc autant que je me repose ici avant de repartir.

Julien sourit et approuva d’un hochement de la tête.

- Dommage qu’on se soit tant pressés à finir l’expo sur les avocats hier, dit-il, j’ai plus grand-chose à te proposer en termes d’activité, maintenant…

Je lâchai un rire navré.

- Tu sais, je me contenterai très bien d’un bol d’air frais et d’une journée de repos. Je crois que j’ai eu ma dose d’émotions pour un moment…

- J’ai besoin d’aller faire les courses, mais tu peux rester ici, si tu veux.

- Non, je t’accompagnerai. C’est une activité amplement suffisante pour moi aujourd’hui et ça me permettra de m’aérer.

Je piquai une penne au pesto du bout de ma fourchette et la portai à mes lèvres. Julien, lui, avait déjà fini son assiette. Nos regards se croisèrent et je sentis mon cœur battre plus fort.

Je ne parvenais pas à m’expliquer cette envie soudaine, mais je voulais tout à coup rester avec lui dans ce studio et ne plus en partir.

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