Chapitre 5

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Je ne comprendrai jamais les garçons. En tout cas, je savais que dans l'histoire, je n'avais pas à en vouloir à l'homme bourru, appelé donc Lauris, mais à son petit frère insupportable. Petit frère d'après la voix.

Le lendemain, je me sentais de nouveau moi-même. Je n'étais plus "Mademoiselle-la-furie-qui-détruit-tout-sur-le-passage-de-ses-colères".

Ce jour-là donc, j'ai même salué le voisin du dessous, qui m'a regardée de travers, (je ne vois pas pourquoi), je suis allée voir Annie avec la ferme intention de m'excuser, mais elle n'était pas là. Ou peut-être a-t-elle refusé de m'ouvrir. Tant pis, je reviendrai un autre jour.

Aujourd'hui, nous sommes deux jours après l'aveu du frère de Lauris.

Tout d'abord, j'ai pris le bus plus tôt que prévu, car je veux poster un courrier d'excuse chez Annie.

"Chère Tante Annie,

Je suis passée hier, mais tu n'étais pas là. Je suis sincèrement désolée de t'avoir provoquée et de mon comportement vis-à-vis de toi. Vraiment, je regrette. Je ne sais pas ce qui m'a pris et ce n'est pas une conduite à avoir. Tu n'es pas obligée de me pardonner, mais je te promets de faire plus attention à mes propos à l'avenir. Je repasserai prochainement.

Encore pardon de t'avoir oûtrée,

Bonne semaine à toi et tes chiens.

Nathalie."

En relisant ma lettre, j'avais l'impression d'entendre le discours du petit frère de Lauris. Je lui apporterai un cadeau d'excuses le jour où je reviendrai me faire pardonner.

Savoir que mon discours ressemblait à celui de ce jeune homme me fit redescendre, les pieds un peu plus sur Terre. Moi aussi je fais des erreurs, je crois que j'aime oublier ça.

Et puis il me rappela. Le frère de Lauris me rappela.

- Bonjour, excusez-moi, mais puis-je savoir dans quelle ville vous habitez, s'il vous plait ?

Je m'étais calmée depuis son dernier appel, et je répondis :

- En quoi cela va-t-il changer quoi que ce soit ?

- Vous verrez bien. Enfin, n'ayez pas peur, c'est pas quelque chose de méchant.

- Si vous le dites. J'habite à Ivry-sur-Seine, mais j'étudie et passe tous mes weekends avec mes amis à Paris. Voilà, ça vous va, comme descriptif de ma vie ? m'emportai-je. Ça ne vous servira à rien de savoir ça, puisque de toute manière, vous ne connaissez pas mon nom. Vous ne pouvez rien m'envoyer. Et pas la peine de me demander mon adresse exacte, espèce de harceleur.

- Merci, au revoir !

Et ce freluquet avait raccroché.

Encore quelques jours plus tard, je reçus un petit colis joliment enrubanné.

"Comment est-ce possible ? Il ne connait pas mon nom !" m'étonnais-je en déballant son cadeau.

Il contenait des livres sur le droit, ainsi qu'une lettre. Des livres sur le droit ? Mais comment avait-il su que je faisais du droit ? À moins que ce ne soit dû au hasard et qu'il m'ait prise pour un vide-grenier !

Sa lettre était rédigée avec soin, il était plus attentionné que je ne le pensais.

"Bonjour Mademoiselle Jourdain,

Vous vous demandez sûrement comment j'ai obtenu votre nom, mais ne vous en faites pas : je ne vous harcèlerai pas, promis. Je suis Julien Lanterreau, le jeune frère de Lauris.

J'ai vingt-cinq ans, je travaille comme apprenti boulanger à Nanterre.

À présent, vous connaissez ma vie tout autant que je connais la vôtre. Je vous promets de ne rien divulguer sur vous à personne (même à mon frère).

En espérant que ces quelques ouvrages vont seront instructifs,

Bonne journée,

Julien."

Sa démarche me rappelait encore la mienne auprès de ma tante. Nous sommes tous les deux dans la même situation : à avoir fait des erreurs et à faire une lettre d'excuse.

Je décidai d'appeler son frère pour remercier Julien.

- Allô ?

- Bonjour, excusez-moi de vous déranger, j'aimerais parler à votre frère Julien, s'il vous plait.

- Ah oui ? Il n'est pas encore rentré. Je vous donne son numéro.

Et c'est ainsi que j'obtins le numéro de Julien Lanterreau.

- Allô, Julien ?

- Oui, c'est moi. Ah, bonjour Mademoiselle Jourdain ! répondit-il.

- En fait nous avons presque le même âge, donc nous pouvons nous appeler par nos prénoms.

- C'est d'accord. Nathalie.

- Dites, comment se fait-il que vous ayez autant d'informations sur moi ? C'est vraiment suspect, j'ai presque pris peur.

- Vous ne voulez plus que je vous appelle par votre prénom ?

- Non, ce n'est pas ça. Je veux dire... Merci pour votre colis.

- C'est normal. Je suis un petit con, c'est dans ma nature. Mais je voulais quand même m'excuser.

- Mais... Comment avez-vous su que je m'appelais ainsi et que je faisais du droit ?

- J'ai tout simplement demandé à mon frère s'il connaissait votre nom. Il m'a dit que lors de votre premier appel, vous avez déclaré vous nommer Nathalie Joudain ou quelque chose dans ce genre-là. Il m'a aussi dit que vous aviez parlé de l'une de vos amies : une certaine Evie dont le nom de famille lui échappait. Je vous ai donc appelée pour savoir dans quelle ville vous habitiez. J'ai ensuite recherché avec ces informations, votre nom, en tapant Joudain, au lieu de Jourdain, désolé c'est mon frère qui ne se rappelait plus trop. J'ai trouvé deux familles Joudain et une Jourdain. J'ai appelé la première famille et ce n'était pas la vôtre, puis je vous ai trouvée. J'ai su que c'était vous sans avoir besoin de vous appeler, car sur votre profil Facebook, on voyait nettement que vous étiez amie avec une Evie résidant dans la même ville que vous. Voilà.

Je mis du temps à répondre. Ce Julien tenait vraiment à se faire excuser.

- Eh bien, quel Sherlock Holmes... Tout ça pour un cadeau !

- Et j'ai su que vous faisiez du droit car vous l'exposiez sous votre profil Facebook, compléta-t-il, avec dans la voix quelque chose qui ressemblait à de la fierté.

- Bon. Je n'ai pas à m'inquiéter, je crois que vous êtes quelqu'un de bien. Ces livres que vous m'avez offerts... Je me sens gênée. Vous n'auriez pas dû, ça n'en valait pas la peine. Tout le monde fait des erreurs, dans la vie.

Je rougis un peu en prononçant ces dernières paroles : je me sentais gênée de lui dire ça alors que j'avais moi-même fait un peu pareil quelque temps plus tôt.

- N'en parlons plus. Si vous voulez devenir avocate, je vous conseillerais de passer à Nanterre pour l'exposition sur les justices rendues à travers les âges, les procès faits et les avocats célèbres. Elle commence dans une semaine environ.

- J'y réfléchirai, merci, dis-je en pesant mentalement le pour et le contre.

- Je vous en prie. Au revoir.

- Au revoir.

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