Chapitre 19 : Les doutes.

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Dès leur arrivée à l’hôtel, Lysen fonça à la douche tandis que son frère prenait place sur un des appuis de fenêtre de la magnifique suite. Pour une fois, la connexion wifi dans la chambre était à la hauteur de ses espérances.

Pendant vingt bonnes minutes, Billy garda son nez rivé sur son écran de téléphone. Il ne se souvenait plus de ce nom et soudain en voyant les oiseaux sur les toits, il plissa les yeux pour s’en rappeler. Il trouva enfin ce qu’il avait oublié.

Voyant son frère ravi, Lysen fit sa petite curieuse :


  • Qu’est-ce que tu regardes ? fit-elle en se faisant rebondir sur le bord du lit. “The Raven’s” ? Qui est-ce ? continua-t-elle en penchant la tête.
  • Un vieux groupe que j’aimais bien quand j’étais plus jeune…
  • Tu voudrais les contacter ? se demanda-t-elle.
  • Non, non, ça fait longtemps qu’ils ne sont plus en activité. Je ne tombais juste plus sur le nom...
  • Hum, ok. J’espère qu’ils ont un bon service dans leur restaurant…

Billy ne l’écoutait qu’à moitié. Féru de musique, le visage de Dossan lui avait rappelé le chanteur. Tout comme il rattachait sa silhouette à un vague souvenir de celle aux côtés de sa mère et qui n'appartenait pas à celle de son père. Maintenant qu'il avait sa réponse, il doutait clairement de ce qu'il devait en faire. A priori, c'est quelque chose qu'il conserverait uniquement pour lui.

***

Dans le bar à Smoothie, Dossan cherchait des explications :

  • Pourquoi tu ne me l’as pas dit ? Une récompense pareille ! Je ne comprends pas… Tu ne comptais pas m’en parler ? s'indigna-t-il.

Très gênée d’avoir gardé le silence, Kimi ne sut plus où se mettre. Elle aurait forcément dû lui dire, mais seulement si elle gagnait. Pour le moment rien n'était sûr. Elle n’avait ni eu envie de nourrir des espoirs, ni de l’effrayer, car elle n’était jamais partie aussi loin, ni d'approfondir le sujet.


  • Je ne sais pas trop… Je pensais que tu ne voudrais pas que j’aille aussi loin avec un inconnu… avoua-t-elle d’une moue triste.
  • Mais enfin Kimi ! Pourquoi je n’accepterais pas ? Évidemment que si tu gagnes, je veux te savoir en sécurité, mais j’ai confiance en la famille Makes…

Elle le regarda d’un drôle d’air. Comment pouvait-il avoir confiance en eux ? Dossan se mordit les lèvres, frustré de ne vouloir rien dire. Il souffrait déjà assez que le gamin qu’il avait serré dans ses bras ne se souvienne pas de lui.


  • Je veux dire que j’imagine que tu seras bien encadré, d’accord ? expliqua-t-il en frottant son visage de ses deux mains, comme épuisé.

Malgré son accord, Kimi ne se sentait pas mieux. Il le remarqua, ne passant jamais à côté de ses troubles.


  • Il y a autre chose ? demanda-t-il, soucieux.
  • Non… pas vraiment…
  • Pfff, ça se voit à mille kilomètres que tu dis pas tout, râla Leroy, son instinct sentant qu’elle était contrariée pour un truc débile.
  • C’est juste que… Sky ne voulait pas que je participe.
  • Mais qu’est-ce qu’on en a à foutre ! s’exclama le petit qui le détestait sans raison.

Sous les regards interrogateurs de son père, Kimi lui expliqua la situation. La vérité c’est que si elle ne regrettait pas d’avoir participé aux auditions, elle s’en voulait quand même à mourir d’avoir perdu son ami. Sans son accord, elle aurait l’impression de profiter de sa famille et de ne pas mériter sa place.


  • Un ami, mes couilles… Tu craques pour lui, grogna son frère.
  • Leroy ! Un peu de tenue, l’enguirlanda Dossan.
  • Je ne craque pas pour lui !
  • Il te mérite pas de toute façon. C’est un con.
  • Peut-être, répondit-elle, fâchée.
  • Revenons au problème principal, si vous vous voulez bien. Tu t’en veux ? Est-ce que tu as essayé de lui en parler ?
  • Oui.
  • Et de t’excuser ? demanda-t-il ensuite.
  • Il ne m’écoutera pas…
  • Tu ne le seras pas tant que tu n’auras pas essayé.
  • Est-ce que je dois vraiment me rabaisser à ça ? bouda-t-elle en croisant les bras.
  • Kimi… Si tu veux récupérer ton ami, mets-y un peu de bonne foi. Je suis d’accord sur le fait qu’en tant qu’ami, il aurait dû te soutenir, mais tu dois aussi le comprendre. Être un Richess…

Il en disait clairement de trop.


  • Ce n’est pas aussi simple que tu le penses. S’il y a un conflit dans leur famille, je ne peux pas imaginer les conséquences. De ce que tu me dis, pour Sky, tu le trahis en fricotant avec son frère…
  • Je ne fricote pas avec lui !
  • C’est une manière de dire, mais si ça l'insupporte, alors tu dois t’excuser et sincèrement, tout en lui faisant comprendre que tu n’aurais pas changé ton choix. C’est la meilleure des solutions.

Elle ne trouva rien à répondre. Il prenait rarement un ton aussi strict. Si elle n’avait pas autant confiance en lui, elle aurait pu penser qu’il lui cachait de nombreuses choses. Il allait sans dire que c’est pour cette raison que Dossan se sentait aussi mal.

***


Le week-end battant son plein, Alex se préparait dans sa chambre pour sa sortie au cinéma avec Faye. Ils allaient à la séance de vingt-heures, mais ils n’avaient pas encore jeté leur dévolu sur un film en particulier. Pour le bien de l’éternel galanterie, il la laisserait choisir.

Dans ce genre de situation, il bénissait sa folle de mère qui lui achetait sans cesse des vêtements sans même lui demander son avis. Ses cheveux blonds bien coiffés et tirés vers l’arrière, il sortit un blouson en cuir de sa garde robe. Vêtu tout de noir, sauf sa chemise blanche, il se sentait cool. Alex chassa très vite de sa tête l’idée de prendre une photo pour Marry. Il voulait lui faire plaisir, mais pas qu’elle le harcèle de questions, ni prendre le risque de semer des doutes.

Quand il rejoint Faye, il la trouva aussi habillée d’un fin cuir qu’elle avait accordé d’une jupe moulante en jeans et de grosses bottines à talons noirs. Alex s’en réjouit en venant attraper sa main :

  • On est assorti ce soir, lui dit-il d’une voix chaude.
  • C’est gênant, rougit-elle en le tapant gentiment pour prendre ses distances.

Heureux et à la fois déçu qu’elle ne le laisse pas prendre ses aises, ils se rendirent sur place. Dans la salle pour le premier film de la trilogie Hungers games, ils s’installèrent sur ces fameuses places à trois sur le côté à la plus haute des rangées. Personne n’oserait venir les déranger. Très excité par ce qu’il considérait comme un premier rendez-vous, Alex n’arrêtait pas de la taquiner, lui tendant un popcorn avant de le jeter dans sa propre bouche. S’il n’y avait pas autant de monde, il ne se serait pas gêné pour l’embrasser.

De son côté, Faye fut plus à l’aise une fois que les lumières s’éteignirent. Il lui fallut un temps d’adaptation pour se plonger dans le film, complètement perturbée de ce qu’il se passait avec Alex. Des sexfriends au cinéma ? Si ce n’était pas une belle manière de gâcher tout le principe d’amis avec bénéfices. En tout cas, le but principal de leur relation avait fonctionné : elle ne se droguait plus. Dernièrement, elle n’en ressentait plus le besoin. Alors pourquoi continuer ? Elle ne voulait pas s’avouer accro à quelque chose d’autre. Elle aurait même préféré dire que c’était au contact charnelle, mais non. Le film était génial. Les scènes tristes familiales lui crevaient le cœur, pensant à sa mère. Alex glissa gentiment sa main sur la sienne à ce moment-là et après beaucoup de combats, vint la fin de la séance.


Vers vingt-deux heures la nuit tombait et le temps de se rendre au bar, il la chopa par l’épaule afin qu’ils soient proches. Faye ne savait vraiment pas comment réagir face à toute cette affection. Alors elle riait, mais elle appréhendait aussi l’instant où il serait assis face à face. De quoi pourraient-ils bien discuter ? Les craintes partirent rapidement, les deux passant un excellent moment, le tout autour de plusieurs verres.

Alex l’admirait : son immense sourire, ses yeux pétillants et charmeurs. Sans compter, sa magnifique chevelure rousse qu’il adorait attraper pendant… Son esprit divaguait. Il la draguait, parcourant avidement son décolleté. Il avait l’impression d’être un chacal, mais il n’y pouvait rien. Tout lui plaisait dans son physique. Au départ, c’était juste platonique, mais maintenant… Il la contemplait d’un regard si amoureux que même lui ne se reconnaîtrait pas. Faye baissa la tête légèrement, mais ne le quittait pas des yeux non plus. Elle triturait nerveusement une mèche de cheveux.


  • Qu’est-ce que tu as ? Tu me trouves trop belle c’est ça ? plaisanta-t-elle pour détendre l’atmosphère.
  • Si tu savais, pouffa-t-il en observant le fond de son verre.
  • Quoi, ahah ? Je te plais, c’est ça ? continua-t-elle, maintenant mal à l’aise.
  • Beaucoup trop...

Elle lisait très clairement l’ambiance et se sentit soudainement étouffée. Elle paniquait presque en voyant son sérieux, son regard si persistant… L’arrivée d’une jeune serveuse lui permit de reprendre une bouffée d’air.


  • Quelle belle manière de commencer mon service, commença cette dernière.

Faye et Alex la dévisagèrent en même temps. Elle ne devait pas avoir dix-huit ans, grande, taille mannequin… Une très belle blonde avec des yeux à vous en faire perdre votre virginité. Alex se retint d’attraper son front dans sa main en la reconnaissant.


  • Comment tu vas toi ? fit-elle en lui collant la bise et en jouant de ses doigts dans son cou.
  • Ça va, hum…
  • Faye Fast ? fit-elle en déposant une main sur sa taille de guêpe. Mais c’est que tu joues gros, maintenant. Fais attention à toi, depuis que je l’ai entraîné, c’est devenu une arme de guerre. Mais peut-être que tu préfères revenir t’amuser avec moi ? ajouta-t-elle en venant lui chuchoter à l’oreille et en provoquant Faye d’un regard malicieux.

Cette dernière voyait rouge, ne sachant plus où se mettre. Alex avait l’air si mal à l’aise qu’elle voulait lui en foutre une et à cette pimbêche aussi. Elle ne fut même pas soulagée de le voir la repousser doucement.


  • On verra plus tard, ok ? dit-il maladroitement.
  • Même pas drôle ! Je vous envoie un autre serveur, toute cette vue m’écoeure…

Alex souffla très fort, comme s’il venait d’échapper à la mort, puis essaya directement de se justifier.


  • “Plus tard” ? répéta Faye d’un ton blessé.
  • Ouais… Si je ne disais pas ça, elle ne nous aurait jamais laissés tranquilles.
  • Mais c’est pas après moi qu’elle en avait… C’est qui cette meuf ? demanda-t-elle en la dévisageant depuis sa place.
  • Hum… C’est…hésita-t-il, ma première fois ?
  • Oh. Ah bon ? rit-elle amèrement. Bah… pourquoi tu as pas accepté sa proposition ?

Il n’en revint pas de cette réaction, mais ça voulait peut-être dire qu’avec un peu de chance ses sentiments s’avéraient réciproques. Il avait envie de la titiller.


  • Arrête. Te voir jalouse, ça me donne chaud.
  • Jalouse ?! Euh, je crois pas non.

Une bien belle erreur.

  • Tu as le droit de coucher avec qui tu veux, tu sais ? continua-t-elle en faisant mine de ne pas être énervée.
  • Allez, c’est bon… Comme si j’allais coucher avec d’autres.
  • Et pourquoi pas ?!
  • Faye, si je voulais…
  • Bah moi, je vais pas me priver ! fit-elle en attrapant sa sacoche.

Le jeu se retournait contre lui. Elle ne pouvait pas vraiment penser ce qu’elle disait. Alex tenta de garder son calme, avalant sa salive comme pour faire disparaître sa colère.


  • Tu coucherais avec d’autres gars ?
  • Qui te dit que je ne le fais pas déjà ? le provoqua-t-elle d’un air hautain.
  • Difficile à croire quand je suis tous les soirs dans ton pieu…
  • Pas ces derniers temps. Les examens c’est stressant. Tu n’es pas le seul à te taper tout ce qui bouge.
  • C’est ridicule...
  • Ne me fais pas croire que je suis ton exclusive quand je vois ce genre de pétasse ! Tu… fit-elle en se mordant les lèvres. Tu sais quoi ? Je me casse ! s’exclama-t-elle en se levant d’un coup.

Très rapidement, elle s’empressa de quitter le bar et Alex voulut la suivre, mais il fut rappelé à l’ordre par un serveur mécontent. Il ne pouvait pas partir sans payer pour leurs verres. Chose faite, il sortit à l’extérieur pour la chercher, mais il ne la trouva pas. Toute sa colère se déversa sur une poubelle, jetant un coup de pied violent dans le pauvre objet. Quel con, mais quel con ! Il s’en voulait de l’avoir amené à cet endroit, mais comment aurait-il pu savoir ? Et si elle couchait vraiment avec d’autres, alors qu’il se dédiait entièrement à elle. Non, elle bluffait. Il essayait de s’en convaincre, mais la jalousie installa confortablement le doute en lui.

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