Chapitre I - Conférence à Humanitypolis - Partie 3

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L'ascension sembla durer une éternité pour Jeff et lorsqu'ils arrivèrent enfin, ils allèrent se positionner directement sur l'estrade. Celle-ci se trouvait au centre de l'auditorium dont le diamètre excédait les cent cinquante mètres. Tout autour et sur une hauteur fulgurante, se tenaient des balcons servant à accueillir les spectateurs. Tadeka inspira longuement, ferma les yeux brièvement avant de les rouvrir, marqua un pause et brisa le silence mortel qui régnait dans la salle de conférence.

 

« Bonjour à toutes et à tous, je suis Ayao Tadeka, président du projet de colonisation spatial Sierra. Beaucoup d'entre vous ont déjà eu l'occasion de m'entendre m'exprimer, ici même. Pour celles et ceux dont c'est la première fois, je suis ravi de vous compter parmi nous aujourd'hui. À ma gauche, se tient le Sergent Major Alphonso Mendez, qui a su rigoureusement former l'ensemble des marines enrôlés pour ce projet, marines ayant pour mission de faire régner l'ordre au sein du vaisseau de colonisation et d'assurer la protection des civils une fois arrivés sur la planète Sierra. À ma droite se tient le docteur Jefferson Bradley, inventeur de la première intelligence artificielle stable : Altaria, qui le seconde encore aujourd'hui dans ses recherches. La petite sœur d'Altaria, Lénora, a embarqué avec les futurs habitants de Sierra afin de les assister. Le Sergent Major Mendez et le docteur Bradley m'ont tous deux apporté leur soutien depuis la genèse du projet Sierra et méritent, à ce titre, d'en être les vice-présidents. Merci à eux. »

 

Un tonnerre d'applaudissements retentit. Des frissons traversèrent Jeff de toute part. Celui-ci venait de réaliser ce que représentaient réellement cinquante mille personnes. Il était terrorisé et bien qu'il sache que c'était bientôt à lui de prendre la parole, sa paralysie le rendait incapable d'entreprendre quoi que ce soit. Tadeka l'avait bien compris mais était impuissant devant tout ceci. Le silence revint dans la salle et sans un miracle, la conférence s’apprêtait à tourner au vinaigre.

 

« Docteur... Souffla Altaria d'une voix douce et rassurante à l'oreille de Jeff. Expirez... lentement... détendez-vous. Je vais compter jusqu'à trois... un... deux... trois...

 

- Mesdames et... Mesdames et messieurs, bienvenue au sein de la troisième Conférence Projet Sierra. Celle-ci étant tenu de faire état du projet aux mécènes ainsi qu'à l'humanité entière, nous tenions à cette occasion vous rappeler que nous faisons preuves d'une transparence totale quant à l'avancée dudit projet. Nous allons commencer par un rappel histoire. Comme vous le savez sans doute déjà, le 26 mai 2200, le vaisseau Humanity fut envoyé en direction de l’exo planète Sierra. L'atterrissage étant prévu entre le 11 et le 15 septembre 2204. Il devrait arriver sans encombre dans ce créneau avec à son bord les premiers sierranes.

Les écrans centraux s'allumèrent et diffusèrent des images historique du décollage du Humanity. Celles-ci filmés depuis la Terre mais aussi depuis les différentes stations orbitales de celles-ci. Illustrant ses propos, les images semblèrent captiver l'auditoire. Il reprit. 

- Après avoir effectuer trois rotations autour du Soleil dans le but d'utilisé sa fronde pour se propulser, le 15 décembre 2200, les habitants du Humanity purent contempler pour la troisième fois la surface de mars depuis l'espace. Après quinze jour à côtoyer des astéroïdes colossaux, ces mêmes habitants pouvaient apercevoir à travers leur hublots les lunes de Jupiter, accompagnants de leurs balais, le passage à l'an 2201. Suivit de celles de Saturne dès Février. Il dépassèrent ensuite les orbitent d'Uranus et Neptune de mars à juin sans avoir la chance de les croiser. Ayant atteint leur vitesse de croisière adaptée au Système Solaire, ils pilotèrent brillamment le vaisseau au sein de la Ceinture de Kuyper, puis d'Oort dont ils nous offrirent les premières images et analyses de prélèvement de matières qui nous permettent chaque jour d'avancer vers la connaissance ultime de notre univers. Humanity sort de la zone d'influence du soleil le 14 octobre 2201. Quelques jours plus tard, l'amiral Jenkins nous fait parvenir sa crainte quant à l'allumage des réacteurs principaux : l'usure de ces derniers au repos depuis bientôt, dans le lieu confiné que constitue le navire, est plus importante que prévu. Il nous révèle qu'il prend déjà des mesures d'urgences de réparation car, selon lui, le temps de réponse Terre/Humanity constitue un frein dans la résolution de ce problème inattendu. Ayant prouver maintes foi sa fiabilité et son dévouement, nous nous en sommes remis à lui pour toute décision à prendre concernant la sûreté du vaisseau et de son équipage, dans un soucis de simplification administrative. Ces réparations de dernières minutes s’avérèrent primordiales et l'Amiral Jenkins pu poursuivre sa mission. Celui-ci fut décoré depuis la Terre à distance pour ses prouesses et sa vigilance. Les moteurs principaux sont allumés à pleine puissance depuis 2202, et à bord, dit-on, l'espace file à tout allure derrière soit tel une pluie d'étoiles filantes perpétuelle. Deux ans de voyage dans la quiétude pour nos pionnier. Cependant, depuis lundi, les communications ont cessé entre Humanity et la Terre de manière inattendue. Jusqu'ici, aucun accroc n'avait eu lieu et tout s'était déroulé parfaitement. De plus, rien, dans les derniers échanges avec le vaisseau, ne laissait présager une telle rupture dans notre communication avec celui-ci. Le contrôle des dispositifs d'échanges ainsi que des antennes relais venait d'être effectué et ces derniers ne montraient ni défaillance, ni traces d'usures potentielles. Par conséquent, la cause de la rupture ne peut être que ponctuelle. Nous avons établi trois Hypothèses plausibles visant à expliquer cet incident. La première est la moins probable : une collision entre le vaisseau et un objet quelconque en orbite dans le système stellaire de Sierra aurait eu lieu, causant des dégâts matériels variant selon la taille dudit objet. Allant d'une détérioration partielle comprenant les dispositifs de communications ou encore les batteries dédiées à l'alimentation desdits dispositifs à une destruction total du vaisseau... »

 

A l'annonce de cette nouvelle, le désordre s'installa dans l'auditorium, ne laissant pas à Jeff l'occasion de continuer son discours.

 

« Assassins ! Cria quelqu'un situé plus haut.

 

- Vous les avez sacrifiés. Hurla quelqu'un d'autre. »

 

On se mit à les siffler, à les huer. La situation devenait de plus en plus incontrôlable et ça n'allait pas s'améliorer. Altaria se mit à bouillir, incapable de garder son sang-froid.

 

« Branchez-moi aux hauts parleurs ! Je vais calmer cette bande d'abrutis ! »

 

Le docteur Bradley s’exécuta, impuissant devant ce spectacle désolant. La voix féminine d'Altaria retentit aussitôt dans toute la salle de conférence.

 

« Je vous prie de garder votre calme. Tout ceci n'est pas constructif. »

 

L'auditoire, surpris d'entendre une voix inconnue, se tut. Mais, brisant le calme nouvellement revenu, un vieil homme cria :

 

«  Qui c'est, celle là?

 

 - Je suis Altaria, Intelligence artificielle créée par le docteur Bradley. Pour rappel, cette théorie est la moins probable, je suis en capacité de vous en expliquer les raisons si vous prenez la peine de m'écouter...

 

- Comment peut-on faire confiance à cette machine... ce vulgaire robot de pacoti... Ajouta le vieil homme en colère.

 

- Silence ! »

 

Dans la tribune des chefs d'états, l'homme le plus influant du monde - Gordon Hawkwood, le président des États Unis - s'était levé, asseyant d'un simple mot, son autorité sur le causeur de trouble.

 

« Je tiens à écouter cette explication jusqu'au bout. Puisse-t-elle être convaincante. »

 

L'intelligence artificielle reprit la parole sans attendre.

 

« La probabilité d'une collision avec un objet de faible taille au sein de notre système solaire est en moyenne quasi-nulle, de l'ordre de 0,001 %. Cependant, dans la ceinture de Kuiper ou d'Oort, cette probabilité augmente à 0,1 %. Le risque d'entrer en collision avec des objets de grande taille – ceux qui causeraient la destruction totale du vaisseau - est bien moindre : 1 chance sur 10 millions. Le système stellaire de Sierra étant très similaire au notre, nous pouvons y appliquer de façon quasi-certaine ces probabilités. Si collision il y a eu, il est très peu probable, voire impossible, qu'il s’agisse d'une collision avec objet de grande taille.

 

-Merci pour cet éclaircissement. Qu'en est-il de la seconde hypothèse ? Dit le président des États Unis, froidement. »

 

Le sergent major Mendez s'avança et enchaîna.

 

« La seconde hypothèse évoque quant à elle un sabotage. Celle-ci est peu probable dans la mesure où tout l'équipage a été suivi par une équipe psychologique durant l'année précédant le départ. En aucun cas nous n'aurions envoyé un sujet psychologiquement instable vers Sierra risquant ainsi la mise en péril de notre mission. Néanmoins, il est possible que malgré les aides psychologiques mises en place sur Humanity, le moral ou encore l'état mental d'un membre de l'équipage se soit dégradé au point qu'il ait pu en arriver à commettre un tel acte... Rien n'est en mesure de prouver la véracité de nos spéculations. Il s'agit de simples voies de réflexion visant à expliquer la rupture de communication... finit-il par admettre. »

 

Depuis l'intervention du président américain, hormis quelques chuchotements isolés, le calme régnait au sein de l'auditorium, pour le plus grand plaisir de Jeff. Le président Tadeka vint remplacer le sergent major Mendez et poursuivit avec la troisième hypothèse.

 

« La troisième hypothèse, la plus probable des trois, est basée sur la possibilité qu'un problème technique - non dû à l'usure - ait interrompu la communication. Il est fortement possible qu'un des membres du Humanity ait, par erreur, modifié certains paramètres ou qu'une connectique se soit débranchée ou abîmée lors d'une manipulation de maintenance. Si cela s'avère être vrai, nous verrions la communication se rétablir sous peu. Avez-vous des questions ? »

 

Les lumières de la salle de conférence s'allumèrent afin que l'on puisse voir ceux qui allaient s'exprimer. Après un long moment où personne n'osa demander la parole, une jeune journaliste se revendiqua et on vint lui apporter un micro.

 

« Megan Kurpin, de la revue Astro. Vous faites ici état du vaisseau Humanity, mais qu'en est-il du Tommorow ? Vous en aviez parlé lors de la conférence précédente. Son départ est-il toujours prévu ? »

 

Tadeka, après avoir fait comprendre à ses confrères qu'il allait se charger de répondre, s'exprima sans trop d'hésitation.

 

« L'accord que nous avons passé avec les financeurs du projet stipule que le départ du Tommorow est prévu un an après atterrissage du Humanity sur Sierra. Une réunion aura inévitablement lieu avec ces derniers afin de modifier le projet existant ou négocier un nouveau projet. Un communiqué de presse sera transmis quand nous en saurons plus à ce sujet. D'autres questions ? »

 

Une femme âgée d'une quarantaine d'années demanda la parole. Son maquillage avait coulé et sa voix était saccadée.

 

« Mon fils Henry... mon petit Henry est partie là-bas... Di... Dites-moi ce... ce qu'il lui est arrivé ! Je ne v...vous laisserai p... pas impunis pour ça ... Je vous t... traînerai devant un tribunal ! … Assassins... »

 

Le Sergent Major Mendez la coupa de façon autoritaire.

 

« L'ensemble de l'équipage, votre fils compris, a lu et signé la charte d'honneur du Humanity. Tous connaissaient les risques qu'ils encouraient et ont accepté de les prendre. S'ils ont échoué dans leur mission, et rien ne le prouve encore, c'est avec honneur qu'ils l'auront fait car ils représentent l'espoir de l'humanité et nous n'oublierons jamais leur sacrifice ! »

 

Par la suite s'enchaînèrent maintes autres questions du même ordre et la conférence prit fin. Le public se dispersa peu à peu et Jeff en profita pour filer discrètement, évitant ainsi les discussions ou les questions fâcheuses.

 

Pour gagner du temps, il emprunta la passerelle de service menant à sa loge. Au bout, dans l’encablure de la porte, un mystérieux homme encapuchonné semblait attendre quelque chose.

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