Chapitre 12 - Jour 3 : en eaux troubles

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Nous entendions des coups de feu qui venaient du garage. Les autres avaient besoin de nous. Tout ce grabuge avait attiré une meute de monstres aux abords de la station-service. Ils arrivaient d’un peu partout, comme attirés…par la faim. Des râlements, en continu. Ils étaient une vingtaine. On en voyait deux ou trois par terre au crâne percé par balle, mais ça ne suffirait pas à les contenir.

Deux créatures s’étaient jetées sur Barry devant le bar, qui les retenait du mieux qu’il pouvait avec son fusil à l’horizontal. Trois secondes plus tard, je tuai les deux monstres d’une balle dans la tête, et Jessie aida Barry à se relever. Dean et Sarah tenaient du mieux qu’ils pouvaient barricadés derrière des étales en fer du garage fermé, mais nous arrivions à leur niveau pour les aider.

Un bruit de moteur nous vint du fond de l’atelier. Surpris, je me retournai et vit James au volant d’une voiture bonne pour la casse qui fonctionnait par je-ne-sais-quel-miracle.

« Poussez-vous et levez ce putain de rideau ! nous cria t-il.

Je vis tout de suite là où il voulait en venir.

- Jessie, tu me couvres à droite. »

Je courus vers le rideau pliant et appuya sur le bouton qui permettait de le lever. Jessie et moi tirions à vue sur les créatures qui entraient.

James, pied au plancher, renversa le reste du groupe dans sa course. Des créatures s’écrasaient éparses dans un bruit de succion et de craquement. Ce qui nous laissa une chance de sortir, de tuer ceux qui étaient parvenus encore à entrer et à abattre les autres à même le sol.

Puis, plus rien, plus un bruit. Plus rien ne venait. C’était terminé. L’arme à la main, nous regardions droit devant nous en reprenant notre respiration, tandis que James, revenu à lui, sortit hébété de la voiture. Nous nous en étions sortis, ou du moins avions-nous tenu bon jusqu’ici.

« Allô. Allô. Vous me recevez ?

Allô. Test. Si vous me recevez, répondez.

Allô.

Personne ne s’y attendait le moins du monde, et pourtant, c’était vrai, il y avait bien un émetteur radio dans cette poubelle roulante. James se jeta dessus pour répondre.

- Allô. Qui est là ?

- Je suis Jacob. Qui êtes-vous ?

- Je m’appelle James.

- On a un endroit. Un camp avec assez de vivres. On vit en communauté. On est en sécurité ici. On est au bord du fleuve. Où êtes-vous ?

- On est dans le centre administratif de Portland, dit-il dans un mensonge.

- C’est pas la porte à côté. Vous êtes combien ?

- Tu lui dis rien, murmurai-je à James.

- Ca va aller, me répondit-il.

On est six.

- Il y a des enfants ?

- Non.

- Tant mieux. Pour nous rejoindre, il faut emprunter le fleuve. Laissez-vous porter par le courant, restez sur l’eau jusqu’aux rapides. Le courant est très fort par endroit, c’est dangereux. On a perdu des gens. Vous en avez pour deux jours en suivant le courant. Prenez des vivres en plus.

- Et après les rapides ?

- Vous verrez un ponton. Après ce ponton, vous trouverez un mur avec une porte. C’est notre…

- Votre quoi ? Allô ? Jacob ?

Fin de la transmission.

- C’est peut-être vrai, me dit James.

- Non, ça ne me suffit pas, lui répondis-je.

- Et si Jacob peut nous aider ?

- Et si c’était une arnaque ?

- On n’aura plus de bouffe, on devra bouger, dit Sarah.

- Tu crois que j’en ai pas conscience ? lui aboyai-je.

Qu’est-ce que tu espères ? demandai-je à James.

- Je te retourne la question, Kal.

- Ca sent le piège. On est dehors depuis trois jours à la merci de choses dangereuses, et maintenant on a un espoir, malgré tout ce qui se passe ? C’est pas Noël, James. Ne te fais pas de fausses idées.

- On a tous besoin d’un peu de rêve, Kal. A quoi ça sert, sinon ?

- Ca sert à ce qu’on survive.

- Survivre, c’est pas vivre.

- En tous cas, c’est sûr qu’on crèvera si on t’écoute.

- Vivre, c’est pas seulement accepter la réalité, c’est aussi croire qu’il y a de meilleures choses qui sont possibles. C’est pas ce que tu me disais ce matin en sortant de cette foutue armurerie ? On n’a aucun moyen de savoir, alors pourquoi on n’irait pas vérifier par nous-mêmes si c’est vrai ou pas ? Si c’est notre seule chance de rester en vie, alors je crois que ça vaut la peine. »

Je m’en retournai vers la station-essence, une pierre sur mon chemin finit d’attiser ma colère suffisamment pour que je la prenne et que je l’envoie violemment contre le mur.

C’est Dean qui revint me voir plusieurs dizaines de minutes plus tard.

« On a vérifié la voiture.

Il s’assit près de moi.

- L’essieu ne tiendra pas longtemps, et il n’y a pas toutes les pièces ici pour le réparer. Qui plus est, on aura tout juste assez d’essence pour faire quoi, une quinzaine de kilomètres tout au plus en y allant doucement.

- Où tu veux en venir à la fin ?

- Le Nord était notre meilleur passage en dehors de cette ville. Donc dans tous les cas, il nous faudra passer par le fleuve. S’il y a une chance qu’on s’en sorte, Kal, et qu’on la rate à cause de toi…je te jure, je te tuerai, Dieu me vienne en aide. Ces gens-là sont des gens biens, ils ont su montrer de quoi ils étaient capables et prouver leur loyauté. Tu les laisserais abandonnés à leur sort, comme des chiens, tout ça parce que tu te méfies ? Tu as sûrement tes raisons, et oui, ça semble trop beau vu les circonstances, mais qu’est-ce qu’il nous reste, Kal ? Marcher indéfiniment sans aucune protection au fil d’éventuelles opportunités ? Si une occasion comme celle-là se présente, c’est qu’elle vaut au moins la peine qu’on se penche dessus et qu’on l’envisage sérieusement comme une porte de sortie. Tu veux tenter ta chance ? Alors c’est le moment. »

Puis il quitta la pièce.

J’étais accroupi par terre, je faisais mon inventaire. Je n’avais plus que la moitié de mes munitions de départ. Nous n’aurions pas l’avantage si nous rencontrions une horde complète, c’était certain. Il nous faudrait encore nous concentrer et rester extrêmement vigilant.

Sarah couvrait notre sortie, tandis que nous sortions un à un sur la droite vers notre prochaine destination.

La fatigue commençait à venir. Au croisement d’une rue, une créature vint sur notre droite. Dean lui tira un coup à l’épaule, et un autre dans la tête pour se corriger, ne voyant pas tout de suite le monstre qui venait sur notre gauche. James, qui l’avait en ligne de mire, le tua sans sommation. Nous avancions désormais en petites foulées, sans demander notre reste.

Nous étions au beau milieu de l’après-midi, nous y étions presque. Mais le temps commençait à se couvrir. Nous marchions toujours les genoux pliés au pas de course vers les berges. On commençait à entendre le flux de l’eau.

« Là, un escalier », dit Jessie.

Marche après marche, nous finissions notre descente sur les bords caillouteux du fleuve. Sur le côté, une barque retournée était cachée là sous des branchages. Nous la retournions doucement pour la mettre à l’eau, tandis que je posai les rames à l’intérieur. Il commençait à pleuvoir quand nous étions tous les six partis sur les flots vers des rives inconnues.

Nous nous laissions porter par les eaux depuis plusieurs heures maintenant pour économiser nos forces. La pluie n’avait pas duré longtemps, mais nous étions encore trempés. Les filles s’étaient enveloppées dans leur couverture pour se réchauffer. Le silence régnait parmi notre équipage de fortune.

Nous avions organisé un roulement pour ramer et je pris le premier tour. Partout le long du fleuve s’étalait une forêt aux sapins gigantesques. Jusqu’à ce que nous soyons surpris par une brume de plus en plus dense au-dessus de l’eau.

« Hé, ho !

Nous étions tous surpris par ce que nous venions d’entendre.

- Vous avez besoin d’aide ? reprit la voix de l’homme au loin.

J’ai de la nourriture, vous devez sûrement avoir faim.

Jessie dégaina rapidement son pistolet en le gardant caché à hauteur de ses chevilles.

- J’ai trouvé un chevreuil dans la forêt…je sais que vous avez peur, mais il n’y a pas de quoi. Je vais pas vous faire de mal.

Nous approchions d’une sorte de plage, sans nous en rendre compte, nous nous étions beaucoup trop déportés sur le côté. D’un coup, l’homme dans l’eau en profita pour se saisir de l’arme de Jessie, mais James lui flanqua un coup de rame dans le ventre pour la défendre.

- J’ai vu une créature, j’ai vu la vérité. Celle bête était vraiment magnifique.

James frappa de nouveau de sa rame l’homme à la tête.

- Le monde sera purifié, nous dit-il encore sonné. Tout le monde doit ouvrir les yeux sur ce que ces créatures sont vraiment. »

Puis il s’évanouit dans l’eau, pour ne plus jamais terroriser qui que ce soit.

Dean m’avait relayé de sorte que je puisse faire une pause. Nous poursuivions notre voyage tandis que le brume se levait et que nous oublions cet épisode angoissant de notre traversée. Ce type était littéralement un fou furieux.

La lumière tombait peu à peu et nous naviguions toujours, maintenant à la recherche d’un creux de racine ou n’importe quoi où nous réfugier pour la nuit. Nous allions devoir dormir dehors cette nuit et c’était extrêmement risqué.

« Là-bas, on dirait comme une cabane de pêcheur », dit Barry.

Une petite structure en tôle et en toile sur pilotis se tenait sur notre droite, de gros piquets de bois nous permettait d’accoster et d’amarrer notre barque.

Dean s’aida des rames pour ralentir notre course et James attacha notre bateau à l’aide de vieux morceaux de corde moisis laissés là. Jessie, devant, fouilla la cabane.

« R.A.S » nous dit-elle.

Epuisés, les autres débarquèrent un à un et se réfugièrent à l’intérieur.

James était resté derrière pour s’assurer que la barque était solidement attachée. Je m’apprêtai à entrer à mon tour quand je l’entendis crier. Une goule immergée s’était agrippée au bateau, puis se jeta sur lui en le prenant violemment par le bras. James, renversé sur le dos, se débattait comme un forcené pour ne pas déséquilibrer le bateau. Je tirai dans la tête de la bête. Mais une deuxième vint se hisser, et entraîna James directement dans l’eau.

« A l’aide ! »

Il manquait de se noyer et la bête, enragée, lui dévorait la gorge et la cage thoracique dans une giclée de chair et de sang. Il hurlait, il hurlait. Je finis par abattre cette bête d’un coup dans la tête. Mais le corps béant de James resta inerte et sa dépouille déchirée s’éloigna à l’horizon avec le courant.

Mon Dieu !

Après cela, nous étions tous en cercle dans la cabane, les yeux cernés, à bout de force. La mort atroce de James ne fit qu’ajouter à notre peine. Nous étions choqués, endeuillés. Personne n’acceptait ce qui venait de se passer. Tout le groupe était déboussolé et personne, en réalité, ne comprenait ce qui s’était passé depuis l’atterrissage forcé de ce putain d’avion.

« Hey, euh, si vous voulez, on s’est dit qu’avec Dean, on pourrait se relayer lui et moi pour surveiller la barque, que personne ne nous la vole, proposa Sarah.

Jessie dormait profondément et Barry bâillait à tout rompre.

- Euh…OK, leur dis-je, soyez prudents. Je vais les surveiller, eux.

Du sable, sous un soleil de plomb.

Une explosion au loin.

Puis des râles, des rugissements, des cris. La chair qui se déchire, qui hurle. Une femme qui crie mon nom.

« Kal ! Kal ! Réveille-toi ! La barque n’est plus là et Dean et Sarah ont disparu ! me cria Jessie en me secouant.

Je me levai en me précipitant dehors.

- Les salopards ! MERDE !

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