Acte I, Scène 1

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SORANE, ZENA

(La chambre de Sorane)

SORANE (elle va et revient dans toute la chambre). — Et si les convives ne me prenaient pas au sérieux ? Et si nos plats ne leur convenaient pas ? Et si une bagarre éclatait entre deux invités ivres ? Et si...

ZENA. — Votre Altesse ! C’est un soir de fête, pas un conseil d’Aldria ! Gardez votre sang-froid !

SORANE. — Est-ce que les musiciens sont prêts ? Les tables sont-elles correctement décorées ? Avons-nous la quantité de nourriture nécessaire pour tout le monde ? Ah ! Pourquoi ce rideau est-il plié par endroits ? Vite, qu’on le change !

ZENA. — Nos premiers invités sont déja là, nous avons eu assez de temps pour achever les derniers préparatifs. Et rassurez-vous, ils ne verront pas ce rideau, nous sommes dans votre chambre.

SORANE. — Oh ! Euh... Je... pardon. C’est la première fois que j’organise ce genre de réception en tant que reine, je me dois d’être à la hauteur.

ZENA. — Je comprends vos inquiétudes, mais nul besoin de s’alarmer. Considérez cela comme une journée de repos, après tant de moments éprouvants depuis votre couronnement. Maintenant, voulez-vous bien vous rasseoir et arrêter de gesticuler, que je puisse terminer de vous coiffer ?

SORANE. — Je n’ai plus une seconde à moi, à tel point que je n’aie que peu de temps libre pour mener des expériences dans mon laboratoire. (Elle soupire et se pose sur la chaise) Pourquoi mes parents m’ont-ils intronisé juste avant cet événement ?

ZENA — Ils souhaitent peut-être montrer une image plus fraîche de notre peuple. Après tout (elle peigne) vous êtes l’avenir de Skylae. Vous incarnez une génération pleine de promesses en laquelle les anciens ont confiance. Voyez tout ce que vous avez apporté à la cité céleste, alors que vous n’avez pas dépassé la vingtaine !

SORANE. — J’ai eu de bons professeurs. Ce sont eux qui ont su me transmettre leur passion et leurs connaissances. Je n’ai fait qu’appliquer leurs conseils et aller encore plus loin dans leurs recherches. Les hommages leur reviennent.

ZENA. — Une modestie qui vous honore, Votre Altesse. D’ailleurs, votre projet secret avance-t-il ?

SORANE. — Pas aussi rapidement que je le souhaite, mais je fais au mieux. Quelques problèmes persistent avec le déploiement de l’énergie magnétique nécessaire au désassemblage et au réassemblage des éléments. Je dois renforcer certains matériaux qui fondent ou se brisent du fait d'une trop grande solicitation. Le mode double pistolets demeure trop instable au moment de la canalisation de ma magie dans la chambre. De plus, il faut que je m'entraîne à la matérialiser dans ma main lorsqu’elle n’est pas sur moi. Et je dois découvrir un moyen de... (elle s’arrête, sentant Zena stopper ses gestes). Désolée, je me suis emportée...

ZENA (reprends sa tâche, tout sourire). — Cela prouve vous aimer ce que vous faites. Je n’ai pas compris un traître mot de vos explications, mais votre motivation est palpable.

SORANE. — C’est une promesse, je vous ferai une démonstration une fois mon invention achevée.

ZENA. — Et je suis sûre et certaine que ce sera un franc succès. (Elle pose le peigne) J’ai terminé, ils n’ont jamais été aussi soyeux ! Et maintenant, la touche finale... (Elle place un serre-tête aux formes complexes dans la chevelure) voilà !

SORANE (elle se lève de sa chaise et va s’observer devant son miroir). — Je ne suis pas habituée à les voir détachés.

ZENA. — Les maîtres tailleurs ont vraiment fait de l’excellent travail pour votre robe ! Elle vous met en valeur sans trop vous dévoiler en plus d’être parfaitement assortie à vos cheveux flamboyants !

SORANE. — Elle est magnifique mais je n’apprécie guère les vêtements trop féminins. J’ai l’impression de n’être qu’une simple femme de la ville basse. Je me sens... presque humaine.

ZENA. — Vous êtes d’une beauté comparable à celle de la grande Talyss elle-même ! Il ne manquerait plus qu’un beau jeune homme vienne vous courtiser lors de cette soirée.

SORANE (elle rougit). — Je ne suis pas encore prête à avoir un époux ! Comment oses-tu ?

ZENA (elle rit). — Je plaisantais. Prenez votre temps pour ce genre de chose. Avez-vous une préférence ?

SORANE. — Aucune en particulier.

ZENA. — Vraiment ? Pourtant vos prétendants semblent nombreux, au vu du nombre de présents que vous recevez chaque jour.

SORANE (elle soupire). — Certains sont des héritiers des familles les plus influentes de la cité haute. Des chiens salivant devant le second trône...

ZENA. — Vous êtes trop méfiante, ne voyez pas le mal partout.

SORANE. — Ma lignée règne sur Skylae depuis la transcendance de la grande Talyss. Il est hors de question que son nom soit bafoué par les ambitions de nobles avides de pouvoir. Je choisirai l’élu de mon cœur avec soin. Un prince consort juste et digne de son rang pour répondre aux attentes de nos congénères. Pendant que moi, je continuerai à faire avancer les recherches.

ZENA (offusquée). — Vous comptez épouser quelqu’un juste pour vous dérober à vos obligations ?

SORANE. — Je suis peut-être la reine des anges, mais je reste la technomancienne suprême. Pour être honnête, je me sens mille fois mieux à assembler des rouages miniatures, développer des inventions ou à faire des expériences alchimiques que d’être le derrière posé sur un coussin à prendre des décisions qu’une personne au quotient intellectuel correct pourrait trancher d’elle-même. Pas plus tard qu'hier, j'ai dû approuver l'alimentation en magie d'une forge, alors que tous les bâtiments de la ville, sans exception, le sont déjà ! Regardez la Grande Prêtresse des elfes, elle trouve le temps de prier sa divinité en plus de diriger son peuple.

ZENA. — Car elle a accordé sa confiance envers beaucoup de conseillers. Si vous en faisiez autant et donniez leur chance à certains intellectuels de la cité, votre charge de travail n’en serait que plus allégée.

SORANE. — Ils ont du potentiel, mais sont encore trop couards pour assumer seuls de telles responsabilités. (Elle marche vers la porte) Je m’en vais inspecter les préparatifs.

ZENA. — Votre Altesse, il est trop tard maintenant. Votre mère ne devrait pas tarder à venir vous chercher, pendant que votre père discute avec les premiers invités.

SORANE. — Et s'ils...

ZENA. — Ils ne tiendront pas rigueur de quelques imperfections. Si l’image d’un peuple devait se mesurer à la qualité d’une réception, alors les sirènes seraient la risée de notre monde, puisqu’elles n’en ont jamais organisé.

SORANE. — Tu as raison. Quoi qu’il arrive, nous leur resterons supérieurs.

ZENA. — Cela dit, gardez bien à l’esprit qu’elles ont tout récemment perdu leur dirigeante, et de manière horrible parait-il.

SORANE. — Lâchement assassinée. Quelle tragédie...

ZENA. — Je ne peux que vous conseiller de faire preuve de retenue et de compassion avec Mizuna, leur nouvelle impératrice. Elle a malgré tout confirmé sa présence, avec sa fille. Alors même si nous ne les portons pas dans notre cœur, mettons notre amertume de côté le temps de cette soirée et essayons de leur apporter notre soutien et un peu de joie. (quelqu’un frappe à la porte) Ah ! Ce doit être Son Altesse votre mère !

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