Le prix du dévouement

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Nihulf se posta derrière un arbre au milieu des fougères. C'était bientôt le moment. Plusieurs mois que leur groupe attendait le moment propice. Leur chef fit signe de se baisser. Les quelques cavaliers en retrait gardèrent leurs montures silencieuses. Le franc serra sa spatha dans sa main droite et de sa main gauche reposa son bouclier contre son torse. L'épée était si longue qu'une fois en main elle dépassait de sa tête.
 C’est alors que le son strident d'un cor déchira la tranquillité de la voie forestière. Un instant plus tard, un second lui répondit et une vingtaine d'homme tapis des deux côtés se rua sur la délégation qui l'empruntait. Hennissements de chevaux et cris de guerre macabres se succédèrent. Quelques armes de jet lancées eurent raison de défenseurs qui n'avaient pu se regrouper. S'en suivit le choc frontal ou des boucliers anonymes percutèrent ceux aux chrismes.
 Nihulf se trouvait maintenant au cœur de la mêlée. Le byzantin en face de lui se défendait avec vigueur. Derrière, il vit un de ses compagnons se faire désarçonner et un membre de la délégation s'échapper avec la monture. Le chef avait été clair, aucun survivant ne devait arriver à Ravenne. La cité n'était plus qu'à une demie journée. En un éclair, il se dégagea en repoussant de toute sa force son opposant et se mit à courir. Rengainant son arme et lâchant son bouclier, le franc ramassa une framée au sol et la lança avec détermination sur le fugitif mais la lance s'échoua un mètre derrière ce dernier. Sur le côté, à la lisière des bois un autre cheval avait perdu son cavalier. Il reprit sa course et une fois sur la monture il commença la poursuite. L'étranger avait déjà une bonne avance sur lui. Nihulf jeta un œil derrière lui, il ne pourrait espérer de soutien pour le moment. Ça serait donc un duel entre lui et l'envoyé de Constantinople.
 Les bois défilaient à vive allure. Cependant malgré ses efforts pour lancer le cheval encore plus vite, le franc ne reprenait pas de terrain sur son adversaire. Ce dernier n'en gagnait pas non plus d'ailleurs. De même corpulence et sur des destriers similaires, il n'eut pas le choix.
 Nihulf commença par jeter son casque révélant une chevelure mi longue à la couleur brune clair. Son visage avait les traits tirés après une campagne si longue, loin de chez lui. Ses yeux bleus profond scrutaient en détails son ennemi du jour. Sur sa joue gauche, des traces de brûlures sévères en forme de gouttelettes rappelaient le jet l'huile bouillante qu'il avait reçu un jour. Sa barbe couvrait avec peine l'ensemble. Il entreprit ensuite de se débarrasser de quelques autres protections puis se résolut à quitter sa côte de mailles.
 Devant, le byzantin l'avait observé et l'imita abandonnant immédiatement casque et cape. L'homme d'âge mûr à la chevelure noire et courte à la mode impériale était impeccablement rasé, il avait tout du dignitaire de haut rang. Ses yeux noisettes inspiraient le respect à quiconque l'abordait de près. L'aristocrate après s’être débarrassé de l'essentiel de son équipement ne put de son côté se résoudre à lâcher son plastron en cuir recouvert de plaques métalliques.
 Désormais Nihulf rattrapait le fuyard. Il avait encore sa francisque à la ceinture et quand ils sortirent de la forêt il fut à portée de tir. C'est alors que le byzantin se retourna et le prit pour cible avec un angon qu'il avait du trouvé attaché à la selle. Le franc ne dut son salut qu'à la réaction rapide de son cheval qui fit un écart sur la gauche au dernier moment, évitant le javelot. Maintenant s'était à lui de tirer. Il se saisit de sa hache quant à l'horizon apparut dans la plaine, une rivière et un vieux pont en pierre.
 Il délimitait la frontière de l'exarchat byzantin, ce petit bout de terre, avant poste en occident. Au fur et à mesure de leur chevauché, les champs en jachère bordant la forêt laissèrent place à diverses cultures aux belles couleurs illuminées par le soleil de printemps de cette fin de matinée. Ils n'étaient bientôt plus qu'à quelques encablures du pont. Nihulf ajusta son tir et la francisque s'abattît sur le postérieur de l'animal qui s'écroula dans un nuage de poussière sur la route pavée délabrée. Le byzantin se releva rapidement, dégainant sa lame.
 Nihulf préféra descendre de cheval pour l'affronter. Il ne voulait pas risquer la vie de sa monture et surtout rentrer à pied. L'étranger lança une première attaque que le franc para avec peine. Il lui hurlait du charabia en grec mais Nihulf ne comprenait qu'avec peine le latin alors une autre langue étrangère c'était peine perdu. Les lames s'entrechoquèrent avec violences ponctuées de différents coups bas pour faire vaciller l'adversaire. Au loin, après le pont, un nuage de poussière se rapprochait d'eux. Nihulf redoubla d'efforts. Il devait se débarrasser de son opposant avant que l'escorte envoyé par l'exarque n'arrivent en renfort.
 L'aristocrate dos au pont n'avait rien vu et lança une attaque verticale de toutes ses forces. Le franc l'esquiva et réussit à briser l'arme de son adversaire qui prit dans son élan s'écroula par terre. Nihulf s'approcha pour lui asséner le coup fatal mais un violent coup de pied le repoussa en arrière. Le franc en tomba au sol perdant son épée qui se trouva hors de portée. Le byzantin s'étant relevé, il lui hurlait à nouveau dessus mais cette fois dans un latin parfait. Nihulf comprit qu'il parlait du mariage entre le souverain franc et la basileus Irène.
 L'aristocrate ne devait pas comprendre pourquoi les francs désavouaient la décision favorable de leur propre souverain. C'était pourtant simple aux yeux de Nihulf. Aucun noble ne voulait guerroyer si loin de ses terres pour soutenir les byzantins en difficulté en Orient. Cela dépassait de loin les quelques mois annuels de service militaire obligatoire dut par chaque homme libre au roi. On parlait ici d'années loin de son domaine. Les absents pouvant se faire voler celui-ci par un frère moins avantagé dans le précédant partage des terres familiales ou même par un gendre agissant au nom de sa femme prétendument lésée. La solution la plus simple pour tous était de faire disparaître l'ambassade sur son chemin du retour. Sans nouvelle, le pouvoir impérial ne pourrait en conclure qu'un refus. Le byzantin se saisit de la spatha de Nihulf qui était tombée à proximité. Le franc se releva à son tour et dégaina sa scramasaxe attachée à l'arrière de sa ceinture. C'était maintenant qu'il fallait en finir, la troupe de cavaliers arrivait sur eux. Il se rua sur le byzantin qui se mit sur la défensive. Au dernier moment le franc se jeta par terre les pieds en avant et fit tomber l'aristocrate qui surprit ne put donner qu'un coup de lame approximatif avant de se retrouver au sol. Se relevant plus vite que son adversaire et profitant encore de l'effet de surprise, Nihulf enfonça son coutelât dans le ventre de l’impérial. Le coup mortel vida la victime de son sang instantanément.
 Le franc passé l'excitation, sentit alors une violente douleur le prendre à la cuisse. Le byzantin l'avait touché. Il voulut courir vers son cheval afin de s'échapper mais il ne pouvait se mouvoir qu'avec difficulté. Il entendait maintenant les bruits de sabots tout proche. Le franc arrivait à sa monture quand il entendit un sifflement et juste après une flèche se ficha dans son omoplate. Il rassembla ses dernières forces pour enfourcher son cheval mais une seconde flèche dans le dos le mit à terre. Effrayé l’animal déguerpit au galop. Cherchant du regard un hypothétique salut, Nihulf vit en direction de la forêt les siens apparaître. Le chef du détachement byzantin perché sur sa monture arriva à la hauteur du blessé et cria en latin aux autres francs.
 —Vous êtes sur les terres de l'empire, au nom du Basileus Nicéphore, nous vous ordonnons de faire demi-tour.
 Nihulf n’en crut pas ses oreilles, Irène avait été renversé. Il eut un sourire de dépit, tout ça pour rien. Le chef byzantin banda son arc en direction du blessé à côté de lui et l’acheva. Au loin, les autres francs firent demi-tour, ils avaient compris le message.

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Le prix du dévouementChapitre1 message | 6 ans

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