[One-shot]

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Après tant de mois à parcourir le monde pour retrouver sa trace, à le chercher sans relâche, à fouiller la moindre trace, le moindre indice qui pourrait l'amener jusqu'à lui, enfin, il pensait l'avoir débusqué. Ce monstre sans vergogne se déplaçait avec une rapidité exemplaire, semant le chaos avec efficacité. Malgré ses déplacements incessants, Liuga le savait, son adversaire avait forcément un point de repli. Il avait eu raison : le monstre avait pris refuge au milieu de la plus majestueuse des montagnes. Cette dernière, un volcan éteint depuis des siècles, protégeait dans son immense cratère des plaines sauvages à perte de vue. Depuis quelques jours, Liuga sillonnait cet espace infini, luttant contre le vent et peinant à trouver de quoi se nourrir. En effet, l'ancien volcan n'abritait aucun arbre dans ses entrailles et seuls des insectes ou de petits rongeurs gambadaient ici. L'homme n'en avait cure, la seule proie qu'il désirait mesurait plusieurs mètres de long et la vengeance était la seule nourriture qui animait son corps et ses pensées.

Le soleil se couchait à présent. Équipé de ses lunettes préférées –qui lui conféraient une classe indiscutable- et d'une vieille malle assez petite, Liuga regardait les couleurs de l'aurore se parer d'un feu mélancolique, le même qui bouillonnait au plus profond de lui. Il décida que les recherches étaient terminées pour ce jour. De toute façon, la bête se montrerait quand elle le voudrait. Il s'accroupit et ouvrit sa malle. Après de longues minutes à farfouiller dans le bazar, il en avait sorti une nappe, quelques maigres restes, une vieille théière et une tasse et referma son bagage afin de s'asseoir dessus. Être en vadrouille, certes, mais avec un minimum de confort tout de même !

Liuga, sirotant tranquillement sa tasse, contemplait l'immensité et le calme qui s'était rapidement imposés. Le vent ne galopait plus à travers champ. L'herbe autour de lui reposait dans une torpeur enivrante. Bizarre pour une fin de journée. Un tel silence ... cela aurait dû l'inquiéter. Son instinct le mit en garde quelques secondes après, mais il était déjà trop tard. A peine avait-il eu le temps de se lever qu'une houle d'une incroyable violence l'emporta comme un vulgaire sac quelques mètres plus loin, le faisant tomber d'une manière peu élégante. La tête dans l'herbe, Liuga reprit rapidement ses esprits, rattrapa ses chères lunettes qui reposaient à ses côtés et se releva comme il put. Un cri effrayant se fit entendre dans son dos. Il avait déjà compris. Regardant ses lunettes, il tremblait d'excitation tellement il avait imaginé cet instant. Il se laissait petit à petit submerger par la vengeance, et, après s'être recoiffé, se retourna et fit face à son adversaire : le légendaire Lugia.

« Te voilà enfin satané pokémon ! Tu croyais que j'allais abandonner, n'est-ce pas ? Eh bien regarde, me voici ! Je suis là pour mettre fin à cette mascarade et te renvoyer là d'où tu viens ! » Le monstre lui lança un cri sourd comme réponse, semblable à un rire sarcastique.

Haut dans le ciel, la bête se mit à battre des ailes avec plus d'amplitude et rendait le vent aussi déchaîné qu'en temps de tempête. Liuga peinait à rester debout. Son lourd manteau, déchaîné, avait découvert toute une ceinture de pokéballs accrochée à son buste et l'attirait en arrière, menaçant de lui faire perdre son équilibre. Ce dernier vit avec effroi le contenu de son pique-nique s'envoler au-dessus de lui et entendit au loin le bruit du bronze qui s'écrase au sol et de la porcelaine qui se brise en mille morceaux. La nappe, quant à elle, était restée coincée sous la malle tenace. Le pokémon légendaire passa à vive allure tout près de lui, le faisant reculer encore. Il se dépêcha alors de se relever et courut tant bien que mal vers sa malle, se jetant dessus en l'agrippant au moment où le monstre repassait. Il l'ouvrit en actionnant rapidement les deux boutons-pression et fouilla à l'intérieur en y rentrant presque totalement le buste. La violence du vent fit s'envoler de nombreuses feuilles barbouillées -témoignage de son parcours-, un chapeau de cow-boy et quelques vêtements. Liuga sortit finalement un petit rouleau noir. Bizarrement, la fine bande plastifiée semblait solide comme une corde épaisse. Il l'enroula comme un lasso et la lança sur Lugia quand ce dernier passa une nouvelle fois près de lui. Il attrapa le coup du pokémon dès le premier essai et eut à peine le temps de s'agripper à son adversaire avant qu'il ne l'emporte dans les airs. La bande étranglait à moitié le cou de la bête qui se débattait et faisait valdinguer le petit homme. Liuga réussit tant bien que mal à s'accrocher au corps du pokémon et à monter sur son dos, comme s'il avait voulu dresser un cheval sauvage.

Après quelques instants à se débattre dans le vent, Lugia s'arrêta net. Le silence régna pendant un court instant. Accroché aux poils de la bête, Liuga, qui avait supporté les cris stridents de son adversaire depuis tout ce temps, supportait maintenant un léger acouphène et attendait de connaître la suite des événements. Les couleur du ciel s'assombrissaient de plus en plus au milieu de ce combat irréel. Cependant, par-dessus ce bourdonnement d'oreille, il commençait à entendre un rire lointain. Il lui semblait avoir déjà entendu ce rire quelque part. Il tressaillit inconsciemment. Le son semblait se rapprocher et un autre rire vint s'ajouter au précédent. Liuga était hypnotisé par ces bruits, il attendait qu'ils se rapprochent afin de savoir à qui ils appartenaient ...

« Lugia ! » Il se retourna avec sursaut. Personne derrière lui.

« Eh Lugia ! » Une sueur froide perlait sur son front.

« Quelque chose ne va pas Lugia ? »

Non, ce n'était pas possible. Pas encore, pas maintenant. Tout ceci ne pouvait pas être réel ; il entendait tout cela ... mais la prairie sauvage était toujours aussi déserte qu'à son arrivée. Les rires étaient devenus forts et incessants, entremêlés de gens qui l'appelaient par un nom qui n'était pas le sien. Liuga voulu plaquer ses mains contre ses oreilles mais cela ne changeait rien. Les souvenirs de ces derniers mois lui revenaient en tête, quand cet enfoiré de pokémon se mit à corrompre les esprits de tout le monde. Petit à petit ils s'étaient mis à confondre son nom avec celui de son ennemi. Le but de son plan machiavélique était de le faire oublier du peuple et s'approprier sa gloire. Liuga n'était pas parvenu à arrêter la catastrophe à temps et depuis il parcourait le monde pour retrouver sa place injustement volée. Le mot « Lugia » résonnait sans cesse dans sa tête à présent ; des voix d'hommes, de femmes, aiguës, graves, violentes, amusées, lointaines, trop proches, douloureuses, très douloureuses, insupportables ...

Voyant son adversaire se recroqueviller, Lugia sourit et le fit tomber d'un mouvement sec. Liuga se tint à peine à ses poils et finit par tomber en lâchant la bande en plastique. Il atterrit lourdement au sol, les voix continuant à se moquer de lui dans sa tête. Ce bruit incessant le rendait fou. Il se revoyait durant ces moments horribles ... Les gens prenaient tout cela pour des plaisanteries, mais lui savait que son temps était compté. Pourtant il n'avait rien pu faire ! Lugia par-ci, Lugia par-là, plus personne ne le reconnaissait ! Il vivait un véritable cauchemar depuis ce jour. Il voulait retrouver sa vie d'avant et ne rien connaître de ces moments de solitude.

Dans un énième sursaut, il tourna la tête et vit qu'à côté de lui se trouvait la vieille théière en bronze toute cabossée. A côté d'elle se trouvait quelques bouts de porcelaines de son ancienne tasse. Alors c'était là que tout allait se terminer ? Il avait fait tout ça en vain ? Il s'était battu contre vents et marées depuis si longtemps, et il allait abandonner devant la plus grosse des vagues ? Etait-il aussi lâche ? Non ... je ne peux pas m'arrêter là ... je dois continuer pour mon honneur et pour rétablir la vérité ! Il se releva avec difficulté, s'accroupit, voulant chasser la douleur de son esprit. Il y arriverait, point final. A présent il entendait à peine les voix moqueuses de ces gens inconnus et le cri horrible de la bête qui volait au-dessus de lui, appréciant sa chute et espérant sa défaite. Non, maintenant il entendait la voix de ses amis qui lui disaient que tout s'arrangerait, que le temps passerait et qu'il arrangerait tout. Mais c'était bien lui, Liuga, qui allait tout arranger.

Alors il se releva complètement et se dirigea une nouvelle fois vers sa malle. Il courut sans s'en rendre compte. Il fouilla encore dedans, l'esprit bien décidé à en finir avec cette maudite bête. Il en sortit quelques cassettes qui, au premier coup d'œil, semblaient tout à fait banales. Il était difficile de distinguer les dessins sur les vieilles étiquettes décolorées ; une forme minuscule, une bien plus imposante, un blason, quelques dessins de ce style. Mais ces cassettes n'avaient rien de banal, bien au contraire.

« Vous voilà mes jolies. »

Comme pour lui répondre, deux lames finement aiguisées en forme de griffe sortirent de chaque cassette. Lugia hurlait dans le ciel et s'apprêtait à renouveler ses attaques, sentant que quelque chose n'allait pas. Liuga se retourna vers lui.

« Viens là sale bête ! Viens te confronter à moi une bonne fois pour toute ! Toutes tes manigances n'ont servi à rien car je suis bien plus fort que toi ! »

Il tenait une cassette fermement dans chaque main, prêt à lancer ses armes. Bien que le pokémon se trouvât loin de lui, les deux ennemis se faisaient face au milieu du vent déchaîné. Les bruits ne comptaient plus, la vengeance coulait dans ses veines. Lugia, quant à lui, ne riait plus, et s'élança sur Liuga qui projeta ses cassettes. Il en avait gardé plusieurs près de lui et les envoyaient à vive allure. Elles tournaient sur elles-mêmes en faisant un arc de cercle, comme un boomerang. Lugia ouvrit la gueule, forma un intense amas lumineux et lança un laser, comme un projectile, avec une incroyable rapidité. Effrayé, Liuga couru vers la gauche pour tenter d'échapper à cette attaque. Plus vite, plus vite ! Ce message était autant destiné à ses jambes qu'aux cassettes-boomerang. Il esquiva de justesse le laser. Au même moment, il entendit des cris terribles de douleur venus du ciel. Les lames avaient blessé au sang le corps du pokémon légendaire. Quelques cassettes s'étaient coincées dans la chair et ne semblaient pas vouloir en ressortir de sitôt, les autres étaient tombées par terre. Bien que la bête n'en ressortît qu'avec des blessures relativement superficielles, les armes de Liuga avaient fait leur petit effet.

A présent il ne lui restait plus qu'une carte à jouer. Liuga aurait aimé que la bête soit plus affaiblie, elle pouvait encore facilement se débattre. Toutefois, elle semblait relativement étourdie vu la quantité de projectiles qu'il lui avait lancés. C'était le moment ou jamais. Dans un souffle, il attrapa une des pokéball accrochées à sa ceinture. Il y en avait de toutes les couleurs, mais il ne fit pas attention à celle qu'il prit. Sa main tremblait. Si ça rate, je suis mort ... Faites que ça réussisse ! Il la lança sans trop réfléchir et la petite boule rouge se hissa à peine de quelques mètres. Merde ! Il ne pouvait pas se permettre de rater trop de fois, Lugia allait vite se rendre compte du stratagème. Il se secoua la tête pour se concentrer de nouveau et cette fois-ci il fit attention à la pokéball qu'il décrocha. Une hyperball, toute noire. Peut-être que cela irait. Il fixa sa cible et projeta la petite boule de toutes ses forces sur Lugia ... qui fut touché ! L'hyperball aspira le pokémon puis tomba au sol en se refermant. Elle se mit ensuite à bouger sur le sol, il semblait se débattre à l'intérieur. Cependant, au grand dam de Liuga, l'hyperball s'ouvrit de nouveau et laissa échapper la bête. Merde ! Merde, merde merde ! A peine sorti, le pokémon fonça sur lui à une vitesse ahurissante. Vite, il fallait réagir vite ! Liuga, tremblant de tout son corps, scruta une nouvelle fois sa ceinture, et puis il l'a vit : cette couleur mauve, surplombée de deux rond rouges, qu'il était bête, il avait une masterball ! Comment avait-il pu l'oublier ?! Il l'attrapa dans la précipitation et se concentra une ultime fois, ne bougeant pas face au missile vivant qui fonçait vers lui et lança au dernier moment la masterball contre Lugia, se recroquevillant à moitié dès ce geste effectué. Il attendit ... mais n'avait pas eu l'impression de recevoir une masse d'une tonne contre lui. Il ouvrit les yeux : il ne l'avait pas raté ! La petite boule violette avait aspiré sa cible et était tombée au sol. Elle se trémoussait maintenant en rythme, clignotant rouge en son milieu. Ça allait marcher, forcément, c'était son seul et unique espoir ! Encore un peu ... Allez s'il te plait ... Comme s'il l'avait entendu, la pokéball s'arrêta simplement de bouger ... Liuga mit quelques secondes à comprendre, mais ... ça y'est ! Il l'avait fait, il avait vaincu et attrapé Lugia, le pokémon légendaire !! C'était terminé, enfin ! Il sauta de joie et lançait ses lunettes fétiches partout. « Ça y'est, ça y'est, ça y'eeeest !! » Son périple était enfin terminé, il allait pouvoir rentrer chez lui, retrouver ses amis et sa gloire ! Tout allait rentrer dans l'ordre : on allait enfin l'appeler LIUGA.

Épilogue :

A présent le soleil s'était couché parfaitement, laissant apparaître une myriade d'étoiles qui n'étaient cachées par aucun nuage. Demain serait un beau jour, naturellement. Le vent frais du soir rafraîchissait doucement l'atmosphère quand Liuga rangea ses affaires. Il avait ramassé le plus de morceaux de tasse qu'il avait pu trouver. Il ne pourrait la réparer, mais il ne voulut pas la laisser totalement ici. La vieille théière reprit sa place dans sa malle, aux côtés des cassettes aux lames ensanglantées et du rouleau de bande plastique. Liuga avait hésité à laisser la pokéball sur place, mais il avait eu peur que quelqu'un ne vienne la prendre pour semer de nouveau de chaos. Ainsi viendrait-elle aussi chez lui, gardée bien précieusement dans un endroit secret. Il mit par la suite plusieurs heures à retrouver son lourd manteau qui s'était échappé bien trop loin dans la prairie. Il avait profité de la longue nuit calme à regarder les étoiles couché sur l'herbe, un petit feu de camps allumé pour le réchauffer un peu. Il n'avait pas envie de dormir, il était bien trop heureux du dénouement dont il avait rêvé depuis si longtemps !

A l'aube, après avoir tout de même dormi une ou deux heures, il fit tranquillement marche arrière pour retourner chez lui. Il était heureux.

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