CHAPITRE 20

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L’arrivée de ce bébé amena Sylvia à reconsidérer sa relation avec sa propre mère. Elle n’avait jamais totalement perdu le contact avec Louise et elles s’écrivaient régulièrement. Elle vivait cette grossesse avec plus de sérénité et plus de maturité puisque quatorze années étaient passées depuis la naissance de Nicolas. Elle en voulait toujours à sa mère de ne pas avoir su la protéger et la défendre vis-à-vis d’Henry, mais elle comprenait mieux la position difficile dans laquelle elle se trouvait à l’époque. Tiraillée entre son amour maternelle et l’homme de sa vie, Louise avait fait ce qu’elle pensait le mieux pour préserver son couple et son équilibre, au détriment du bien-être de Sylvia. Avec l’âge et l’expérience, cette dernière avait compris ce terrible dilemme et sa position extrêmement inconfortable et l’avait accepté.

Maintenant qu’elle était à nouveau enceinte, elle éprouvait un terrible besoin de ce lien mère-fille qui lui manquait depuis tant d’années. Elle n’était pas prête à revoir Louise et surtout pas Henry. D’ailleurs sa mère lui avait avoué dans l’un de ses courriers, que son père avait totalement rayé Sylvia de sa vie, allant jusqu’à faire retirer toutes les photos d’elle dans la maison et les albums familiaux. Cette révélation avait été un coup de poignard en plein cœur pour la jeune femme et il lui avait fallut du temps pour faire le deuil de son père. Pour elle désormais, il n’existait plus. Il était mort.

Mais il restait Louise. Sa douce et tendre maman. Sylvia lui avait téléphoné une fois. Elle avait terriblement envie d’entendre cette voix familière et rassurante qui lui manquait tant. Elle était restée plusieurs minutes devant le téléphone, à cherche le courage de décrocher le combiné et de composer le numéro. L’angoisse lui vrillait les tripes. Et si c’était Henry qui décrochait ? Que devrait-elle faire ? Est-ce qu’elle devrait lui dire qui elle était ou bien raccrocher sans même émettre un son ? Il était possible aussi que ça soit Louise qui réponde et alors elle se trouverait bien bête d’avoir eu si peur pour rien. C’était d’une main tremblante qu’elle s’était emparée de l’appareil et avait composé les chiffres qu’elle n’avait pas oublié malgré toutes ces années. Chaque battement de cœur résonnait un peu plus fort dans sa poitrine, jusqu’à en être douloureux, à chaque sonnerie. Elle retint sa respiration en entendant le cliquetis annonçant qu’il y avait une personne à l’autre bout du fil. Elle pût enfin reprendre son souffle lorsqu’elle reconnut la voix de sa mère. Les larmes lui montèrent aux yeux et elle mit quelques secondes avant d’arriver à prononcer un seul mot sans fondre en larmes. Lorsque Louise fût remise du choc qu’elle venait de subir en reconnaissant la voix de sa fille, elles parlèrent pendant plus d’une heure. Louise dût raccrocher précipitamment en entendant la voiture d’Henry se garer devant la maison. Elle demanda à sa fille de ne plus la rappeler, mais surtout de continuer à lui écrire.

Louise s’arrangeait pour aller récupérer le courrier avant Henry et dissimulait la lettre de sa fille dans la poche de sa blouse avant d’aller la mettre en sécurité avec les autres dans une boite à chaussure cachée sous sa table de nuit. Elle savait que si Henry découvrait leur correspondance, il les détruirait toutes. Elle n’avait pas le choix.

Cet échange vocal avec sa mère, lui avait fait un bien fou et lui avait retirer un gros poids de la poitrine. Elle était désormais certaine qu’elle existait encore dans la mémoire de quelqu’un, de sa famille et qu’elle n’était pas qu’un fantôme. Elle savait que quelqu’un pensait à elle, attendait de ses nouvelles et l’aimait. Elle pouvait continuer à avancer dans sa vie car elle n’était pas totalement coupée de ses racines et il subsistait un maigre fil qui la reliait à sa vie d’avant, à son enfance, son adolescence, ses périodes pendant lesquelles elle avait grandit et s’était construite.

Dans ses lettres Sylvia racontait à sa mère, ses voyages, son travail, sa vie avec Raphaël, puis leur séparation et … Marco. Elle ne lui dépeignit que les bons aspects de la personnalité de son compagnon, ne voulant pas l’inquiéter, ni être jugée. Il était difficile d’exprimer par écrit, que Marco n’était pas un homme foncièrement méchant, mais qu’il avait sa fierté et qu’il était très impulsif. Louise n’aurait pas compris et elle voulait aussi préserver sa mère en lui assurant qu’elle allait bien, était en sécurité et heureuse dans son couple.

Une fois, Sylvia osa envoyer une photo d’elle à sa mère. Elle voulait qu’elle voit de ses propres yeux, la belle jeune femme forte et heureuse qu’elle était devenue. Elle voulait qu’elle voit qu’elle avait grandi, changé et qu’elle allait bien. Elle voulait que sa mère ait une image récente d’elle à chérir.

Sa correspondance avec sa mère était devenue un besoin, un rituel comme celui d’écrire ses pensées dans un journal intime. Chaque semaine ou à chaque évènement important de sa vie, dès qu’elle avait quelques minutes à elle, il fallait qu’elle se confie à Louise par l’intermédiaire de son stylo et d’une feuille de papier. Ça lui faisait énormément de bien de consolider ce lien avec sa mère et également d’écrire ses pensées, ses doutes, ses joies, ses espoirs, sa vie. Elle imaginait sa mère attendre avec impatience ses lettres, les ouvrir et les lire en secret avec les larmes aux yeux, mais un sourire aux lèvres. Elle l’imaginait s’installer à la table de la cuisine pour lui répondre pendant qu’Henry était parti voir ses copains au bistro ou bien en train de bricoler dans le garage.

Sylvia avait attendu quelques semaines avant d’annoncer sa nouvelle grossesse à sa mère. Elle avait peur de sa réaction et de faire ressurgir de mauvais souvenirs, mais elle devait le lui dire. Elle allait être à nouveau grand-mère, une nouvelle génération allait naître et elle était en droit de connaitre l’existence de ce bébé. Elle fût rassurée lorsque Louise lui répondit qu’elle était extrêmement heureuse de cette nouvelle et qu’elle lui souhaitait d’être comblée autant qu’elle-même l’avait été avec ses enfants. Sylvia avait pleuré en lisant cette lettre. Sa mère était heureuse et ne regrettait pas de l’avoir mise au monde et ça, ça lui faisait un bien fou.

Elle pouvait désormais poursuivre sa grossesse et donner vie à ce bébé avec cette certitude qu’elle avait été désirée, aimée et qu’elle avait fait le bonheur de sa mère, tout comme l’enfant qu’elle attendait allait faire le sien.

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