71. Estelle et Yanis

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Estelle, 16 ans
« Je ne vais vraiment pas bien… »

Au mois de mai, nous sommes de retour à Jadielle et nous avons gagné notre huitième badge contre Agatha qui a utilisé une équipe de Pokémon de types Sol et Spectre. Régis Chen a décidé de continuer à travailler pour son grand-père, alors il a demandé à une vétérane de la Ligue Pokémon de le remplacer. Elle est sympathique, cette vieille dame, quoiqu'un peu effrayante avec ses Pokémon Spectre.

J’ai passé deux semaines à Parmanie afin de rencontrer un psychologue recommandé par Yuki. Elle a fini par me rejoindre par téléphone. J’ai recommencé à lui parler. Elle va beaucoup mieux et sa thérapie à Kalos semble aller à merveille. Ses parents ont terminé la procédure de divorce et son père a vendu la maison familiale pour aller vivre avec une autre femme. Yuki vit désormais chez sa mère à Laurier-Ville. Il paraîtrait que c’est une ville charmante au bord de l’eau.

Monsieur Plante, le psychologue, m’a vu trois fois. La première fois était pour la rencontre, la seconde fois pour lui parler de mes problèmes et la troisième fois pour prendre de mes nouvelles et me donner quelques exercices à faire d'ici à notre prochaine rencontre. Il m’a donné rendez-vous à son bureau à Céladopole dans un mois, quelque temps avant le début de la Ligue Pokémon. Ce qu’il m’a dit m’a beaucoup aidé jusqu’à présent. Il m’a prescrit des calmants que je peux prendre lorsque j’ai mes crises de paniques, mais il recommande aussi de faire beaucoup de sports afin de libérer des endorphines dans mon cerveau.

Il pense que quelques sessions avec lui vont me faire le plus grand bien, puisque j’en ai beaucoup sur la conscience. C’est quand même cher par rendez-vous, mais je suis capable de me débrouiller pour ramasser la somme, chaque fois. Il travaille au privé, au lieu d’à travers le système de santé. C’est pourquoi je dois toujours économiser quand je vais chez lui.

La Ligue Pokémon m’offre malgré tout assez d’argent, maintenant que j’ai un niveau d’expérience assez avancé avec mon équipe et que j’ai mes huit badges. Mon dernier combat contre un autre Dresseur m’a rapporté un bon vingt-quatre mille pokédollars. C’est quand même un bon montant. Kylie fait plus ou moins la même chose.

Scottie de son côté doit se trouver des petits emplois à la pige, ici et là, car la Ligue ne finance pas autant les simples voyageurs que les Dresseurs qui veulent participer au tournoi officiel. Il a gagné quelques compétitions entre-temps et s’est mis de côté une grosse somme dernièrement. Il semblerait qu’il soit sur le point de pouvoir payer son arène à Bourg Geon et que la Ligue Pokémon de Johto aurait accepté de rembourser un grand pourcentage des frais. Ça s’annonce bien pour lui.

J’observe mon téléphone portable alors que nous nous éloignons de l’arène d’Agatha. Akira m’a envoyé un texto stipulant que Yuki et lui préparent leurs bagages pour revenir à Kanto dans une semaine. Il nous reste environ un mois avant la Ligue Pokémon, donc ils ont décidé d’aller s’entraîner dans la Route Victoire.

Yuki a renoncé à participer au Grand Festival, car elle a décidé de changer de carrière. Ça m’étonne beaucoup d’elle, mais elle paraît plus heureuse. Elle tient quand même aller au dernier Concours de l’année en tant que spectatrice, parce qu’elle adore le côté artistique et souhaite encourager ses amis.

Elle a commencé à suivre des cours de chant pour s’améliorer, ainsi que des cours de danse afin d’approfondir ses techniques. Elle compte entrer dans une académie d’arts modernes l’année prochaine et poursuivre sa thérapie jusqu’à ce qu’elle en ait plus besoin. Bien entendu, ses Pokémon la suivront, car il semblerait que le cursus permette aux étudiants et étudiantes d’emporter ces derniers en cours. Ça m’intrigue de savoir où se trouve cette école. J’aimerais bien visiter les lieux lorsque je serai de passage à Kalos.

Akira de son côté est toujours déterminé à gagner cette Ligue. Il paraîtrait qu’il a passé les derniers mois à entraîner son équipe et qu’il a combattu plusieurs Champions d’arènes qu’il aurait croisées par le passé, lorsqu’il était là-bas. D’après les descriptions de Yuki, il est devenu imbattable. Ça reste à voir, parce que Kylie et moi, on ne compte pas baisser les bras aussi facilement.

Nos équipes n’ont pas tellement changé depuis le mois d’avril, même si nous nous servons beaucoup plus de nos Pokémon d’Alola afin de récolter des données pour le Professeur Chen. On l’a rencontré à nouveau lorsque nous étions de passage au Bourg Palette. Il était ravi de revoir Efflèche, Matoufeu et Otarlette et nous a offert des biscuits et du thé pour prendre de nos nouvelles. Il était surtout heureux de passer un peu de temps avec ses anciens employés. Il a constaté que Kylie était beaucoup plus de bonne humeur qu’avant et qu’elle prenait soin d’elle-même. Il l’a complimenté, en plus. Mon amie punk, toute rouge, a essayé de se cacher parce qu’elle n’est pas habituée qu’on lui fasse des éloges. Ça nous a bien fait rire, Scottie et moi.

Je me souviens qu’à l’époque où elle travaillait pour lui, elle était encore en dépression et mangeait à peine ce que Scottie lui préparait. Il a félicité mon ami jumeau pour ses durs labeurs et a hâte pour lui que son projet d’arène soit réalisé à Bourg Geon. Il compte aller lui rendre visite un jour, lorsqu’il passera par là.

En route vers Jadielle, on a eu le malheur de croiser son petit-fils Régis qui a combattu contre Kylie et moi – oui, j’ai oublié de mentionner ce détail, plus haut. Il était sérieusement plus fort que nous deux, alors on a eu beaucoup de difficulté à le vaincre.

Notre défaite nous a fait réaliser qu’il avait déjà fait la Ligue avec ses Pokémon et que nous allions devoir redoubler d’efforts si nous voulions nous rendre loin dans les championnats.

Régis est non seulement puissant, mais rusé. Un peu arrogant, mais quand même très intelligent. Il s’est excusé au moins lorsqu’il a réalisé qu’il était un peu trop mesquin, puis est reparti assister son grand-père dans ses tâches personnelles.

Dès mon retour de Parmanie, suite à mon dernier rendez-vous avec mon psychologue, j’ai recommencé à m’entraîner avec Kylie.

J’ai arrêté de compter les jours et les semaines qui se sont écoulées, tellement nous étions concentrées à améliorer nos stratégies de combats. Finalement, on a combattu tour à tour contre Agatha et nous avons réussi à gagner nos derniers badges.

Nous nous déplaçons en ce moment près du Centre Pokémon de Jadielle, fraîchement rénové, et nous mangeons tous trois des cornets de glace, alors que Braségali est en train de chasser dans les bois. Il fait de plus en plus chaud et j’adore cette température. J’ai choisi un cornet pistache, Kylie préfère la fraise et son frère a choisi caramel et noix. La crémerie est reconnue pour son excellente crème molle, mais prépare aussi de la bonne crème dure. Nous y sommes passées hier avant d’aller nous entraîner. Ça me rappelle les nombreuses fois où je sortais avec mon père pour aller en acheter (ils ont la même compagnie à travers toute la région), puis on se rendait ensuite au grand parc de la ville.

J’espère ne pas trop vous avoir perdu avec mes descriptions à la con…

Aujourd’hui, nous n’avons pas d’autre plan que d’attendre pour l’arrivée de Martyr Runefield et Yanis Thiercelieux. Ces derniers ont donné rendez-vous aux jumeaux afin de passer quelques heures ensemble. Je ne suis toujours pas à mon aise de fréquenter Monsieur Thiercelieux, mais celui-ci n’est pas une si mauvaise personne que ça. Je ferai de mon mieux pour ne pas gêner la situation.

Rares sont les occasions qu’on se croise de toute manière.

— Ah, les voilà ! dit Kylie qui se lève d’un bond. Ils en ont mis du temps ! Je me demande si Martou a déjà combattu Agatha…

Je tourne la tête au loin pour remarquer le jeune homme, aux cheveux blancs et aux yeux bleus, qui marche dans notre direction. Il porte son habituel chandail aux rayures bleues et noires. Il est accompagné de sa Jungko chromatique, Pollen, et d’un grand homme aux longs cheveux noirs qui a un Cornèbre sur la tête.

La dernière fois que je les ai vus, ils étaient tous deux sur un lit d’hôpital. Yanis a toujours une figure émaciée et cireuse, mais il sourit et est de bonne humeur. Il semble en parfaite santé.

Je vois que le moine porte les vêtements neufs que Kylie lui a achetés durant le temps des fêtes. Il n’a pas beaucoup d’argent, mais en a assez pour se nourrir. Il paraîtrait qu’il ne garde pas la moindre pièce sur lui, car il croit en la charité humaine. Il garde donc le strict minimum avec lui. Il transporte l’essentiel dans un vieux sac à dos, le même qu’il avait avec lui lorsqu’on l’a rencontré. Le vieux sac va bientôt se détériorer, tellement il s’en est servi.

Martyr de son côté ne porte que des trucs neufs, à part son chandail. Son sac paraît avoir été acheté l’année dernière. J’ai cru comprendre qu’ils se sont entraînés plusieurs semaines sur les Îles Écume alors que nous étions de passage à Cramois'Île. L’adolescent maladroit a déclaré aux jumeaux qu’il est fin prêt pour le championnat et qu’il ne compte perde sa place dans le Top 10. Je me demande si nous allons réussir à le battre…

— Hé ! lance ce dernier en nous saluant de la main.

— Salut ! répond Kylie.

Elle termine son cornet, puis jette le reste à la poubelle avant de se mettre à courir dans leur direction. Son frère se hâte à terminer le sien alors que moi je viens de finir ma dernière bouchée. Tout comme Kylie, je jette le reste et m’essuie les mains sur du papier essuie-tout qu’on a ramassé à la crémerie.

Déjà, je sens un malaise qui monte dans mes tripes tandis que je vois l’itinérant poser son regard sur moi. Dois-je en déduire qu’ils ont fait tout ce chemin parce qu’il devait me parler ? Il me fait signe de le suivre. Je cligne des yeux, réticente à l’idée qu’il veuille que je m’éloigne des autres. Qu'a-t-il à me dire ? Je m’approche donc de lui, alors que Kylie discute déjà avec l’adolescent aux cheveux aussi blancs que la neige.

Yanis me conduit prêt d’un lampadaire et se tourne vers moi.

Je suis nerveuse, car je sais qu’il a quelque chose derrière la tête. Lorsqu’il a quelque chose à dire, il n’est pas du genre à mentir, d’après ce que j’ai cru comprendre.

— Um… pourquoi m’avoir éloignée des autres ? je demande. Est-ce qu’il y a une mauvaise nouvelle que tu dois m’annoncer ?

— J’ai effectivement quelque chose d’important à te dire, mais je ne peux pas te dire tout de suite que c’est une mauvaise nouvelle. Tout ce que je peux te dire, c’est que j’ai récemment reçu la visite d’un brave serpent dans mes rêves et qu’il tenait à te dire ces mots… Sois brave, Maman. Ton vœu le plus cher sera bientôt exaucé.

— Un brave serpent… ? Minute…

— Je sais que ton Arbok a été tué, il y a quelques mois de cela. Martyr m’en a parlé. Ton Pokémon veille sur toi jours et nuits et d’après les esprits, l’un de tes souhaits les plus chers est sur le point de se réaliser. Arbok s’ennuie de toi, mais il aimerait aussi que tu puisses donner la chance à ton nouvel Abo de faire connaissance avec toi.

Je déglutis. Il a eu une vision d’Arbok et il est au courant pour mon deuxième Abo ? Pas de doute, il ne ment pas dans ce cas. Je n’ai jamais parlé de mon nouvel Abo aux jumeaux…

— À en juger ton expression, tu me crois enfin, dit-il avec un regard lointain. J’ai croisé Arbok à quelques reprises dans mes rêves, mais ce n’est qu’il y a un mois environ qu’il a enfin pu me dire quelques mots. Ça m’a pris plusieurs nuits afin de déchiffrer certaines paroles… Les esprits ne sont pas tout le temps faciles à comprendre. Un lien puissant l’a relié à ce monde, quoiqu’il fût déjà apaisé lorsque je l’ai rencontré.

— Qu’entends-tu par : apaisé… ?

— Il est déjà passé à l’au-delà… Comment dire… le monde spirituel est plus complexe qu’on l’imagine. Il y a plusieurs barrières qui séparent les bons esprits des mauvais. Un peu comme l’on décrit le paradis et l’enfer dans certaines bibles. Arbok faisait partie de la dimension sereine où les meilleures âmes reposent éternellement, cependant il a dû faire un arrangement afin de venir dans la dimension neutre, celle que la plupart des médiums perçoivent en tout temps.

— J’imagine que c’est dans cette dimension où Vicky est partie après qu’elle t’a parlée.

— J’en ai déjà trop dit, mais oui, elle se trouve dans la dimension paisible du monde spirituel. Maintenant, passons aux choses sérieuses… Ce n’est pas la seule raison pour laquelle je suis venu te voir.

Cornèbre sur la tête de son maître, croise son regard avec le mien, avant de lâcher un croassement. Il se nettoie ensuite sous son aile et le vagabond poursuit ce qu’il est venu faire.

— Je n’ai pas été capable de demander à Arbok ce qu’il insinuait par ce message, puisque notre lien s’est coupé dans mon dernier rêve. Par contre, j’ai compris le sens de ses paroles, commente-t-il. Aussi, j’ai fait beaucoup de recherche dans le monde spirituel, grâce à l’aide de mes amis esprits, et nous en sommes venus à la conclusion qu’une énergie négative rôde autour de toi. Un esprit malsain de vengeance te guette depuis quelque temps, mais tu as un ange gardien, tout près de toi, qui veille sur toi lorsque cet esprit malsain refait surface…

Je cligne des yeux en me tournant sur moi-même.

— C’est toujours d’Arbok, dont on parle ? je demande. Ça ne peut être que lui, puisque tu parles de mon serpent…

— Oui, c’est bel et bien lui. Il lui arrive de quitter le monde céleste rien que pour prendre possession de ton corps… quand tu es en détresse. Bien qu’il soit apaisé, comme je l’ai dit, j’ai ressenti en lui une profonde détresse lors de notre dernière rencontre.

— Effectivement, je marmonne en baissant la tête. Il s’est pris une balle pour me sauver la vie lorsqu’un sbire de la Team Rocket a essayé de me tuer. Tu l’as déjà dit… Je pensais qu’il reposait en paix…

— C’est le cas… mais il a choisi dernièrement de rester auprès de toi. Je ne crois pas qu’il souffre, mais d’une certaine façon, il juge que son travail n’est pas encore terminé. Alors, il souhaite rester à tes côtés jusqu’à ce que celui ou celle qui lui a fait ça, soit arrêté pour de bon. Dans la plupart des cas, les esprits de ce genre errent aux côtés des gens jusqu’à la fin de leurs vies. Puisque c’est ton protecteur, il ne te fera aucun mal. Il est fort possible qu’il soit ton guide spirituel lorsque tu mourras. Celui-ci te guidera à la dimension dans laquelle tu reposeras éternellement.

— C’est un peu glauque tout ça, je formule en secouant la tête.

— Tu finiras par passer à autre chose… Bref, je ne peux quand même pas m’empêcher de m’inquiéter puisque tu es liée aux amis de Martyr et il s’en fait beaucoup pour vous. Cet esprit de vengeance qui vous guette, ai-je raison de croire qu’il est venu vous persécuter à plusieurs reprises ? Parce que si c’est le cas, il va encore essayer de vous nuire.

Je décide qu’il vaudrait mieux lui dire ce qui s’est passé avec Diana, du début, à la fin. Pendant les dix prochaines minutes, je lui raconte tout, dans les moindres détails. Lorsque j’ai terminé, il se prend le menton et hoche la tête.

— Cette femme, je ne l’ai jamais rencontrée. Toutefois, son esprit malsain résonne dans mon subconscient et je peux ressentir son emprise sur Arbok et toi, explique l’homme aux longs cheveux noirs. Je ne suis que le messager du monde spirituel, je ne peux pas vraiment intervenir autrement qu’en livrant les mots des morts à leurs familles ou leurs amis… J’aimerais pouvoir vous aider, mais je n’en ai pas les moyens. Cependant, le message de ton défunt Pokémon tient toujours. Ton souhait le plus cher sera bientôt exaucé. J’imagine que cela a un lien avec Diana…

— Au moins, ça me rassure… un peu.

— Tant que tu auras la foi et que tu feras le bien autour de toi, les esprits veilleront sur toi. Encourage ce qui est bien autour de toi, inspire les gens comme tu l’as toujours fait. Arbok veillera à ce que rien ne t’arrive jusqu’au jour où tu seras destinée à le suivre là-haut…

— Minute… Est-ce que ça veut dire que je n’en ai pas long à vivre ?! je hoquette. Est-ce pour cela que j’ai perturbé son sommeil ?

— Je ne peux pas prédire la mort, comme je ne peux pas ressentir la faucheuse. Mon don de clairvoyance ne fait que prédire l’avenir des gens, tant qu’ils sont vivants. Je peux aussi ressentir les esprits et entendre leurs messages, mais c’est beaucoup plus clair lorsque je dors. Sinon, je suis incapable de te dire quand tu mourras.

— Je… je vois.

Je suis choquée d’entendre tout ça, mais il semblerait qu’il sache de quoi il parle… et si ça se trouve, c’est Arbok qui m’a influencée la dernière fois à mordre Diana sur l’épaule. Je regarde encore à ma gauche, puis ma droite. Je me demande s’il ressent mes émotions.

— Il peut lire dans tes pensées, comme je peux entendre les échos de ce qu’il ressent, explique Yanis. Pense à lui, montre-lui que tu lui fais confiance. Il est là pour toi. Il ne peut pas toujours interagir avec le monde matériel, mais fera de son mieux pour être là lorsque tu auras besoin de lui. Votre lien est si fort que c’est la raison pour laquelle il est capable de prendre possession de ton corps lorsque tu es en danger. Ça m’est déjà arrivé avec le père de Cornèbre, celui-ci nous a délaissé quand son fils a commencé à devenir plus fort.

J’ai envie de pleurer.

Arbok me manque tellement et pourtant, le simple fait de savoir qu’il est là me rassure. Il est là. Je ne peux pas le voir, mais il est là.

— C’est hélas tout ce que j’avais à te dire, dit-il en s’inclinant légèrement. J’espère que mes paroles t’aideront à passer à travers les épreuves que l’esprit maléfique tente de te faire subir.

— Penses-tu que Diana est possédée ou bien c’est d’elle-même que vient ce problème ? je demande.

— Je ne saurai dire. Parfois, des gens comme elle ont une âme si vilaine, si cruelle que les médiums de mon genre n’arrivent pas à faire la distinction entre ces âmes ou l’énergie psychique des esprits errants. Tout ce que je peux te dire, c’est que tu dois être prudente avec elle. Les esprits qui rôdent dans cette région ont ressenti la puissance de son impureté et ils ont peurs d’elle.

— Il n’y a donc aucune chance de lui faire retrouver la raison.

— J’en ai bien peur… Mais laisse le monde spirituel s’occuper d’elle lorsqu’elle mourra. Pour le moment, tout ce qu’on peut faire, c’est de la mettre derrière les barreaux et espérer qu’elle s’assagisse avec le temps.

— Mais elle a déjà été arrêtée par les flics. Elle s’est évadée…

— Je sais, mais rien ne nous dit qu’elle réussira son coup la prochaine fois que la police mettra la main sur ses acolytes et elle.

Je soupire et tourne la tête en direction de Martyr et des jumeaux.

— Comment ça se passe avec l’aimant à poisse ? je formule.

— Bizarrement, depuis que je suis avec lui, les esprits farceurs semblent moins vouloir lui jouer des tours, explique le médium. Cependant, il semblerait que Martyr soit parfaitement capable de se mettre les pieds dans les plats, sans l’intervention de l’au-delà… Il est très maladroit. Je fais de mon mieux pour l’assister dans son aventure, mais je crois que ma simple présence lui permet d’augmenter ses chances de survie.

— Ce n’est pas un peu cruel comme destin, de te forcer à voyager avec lui ?

— Pas vraiment, dit-il. À vrai dire, je n’ai nulle part où aller et je n’ai pas de maison où retourner. Il me tient compagnie et je veille sur lui, comme s’il faisait partie de ma propre famille. Je crois que c’est tout ce qui compte.

— Alors… Est-ce que ça veut dire que tu vas quitter le continent avec lui, lorsqu’il partira ?

Il hoche la tête, puis se croise les bras pour retrousser les manches de son chandail de laine.

— Là où Martyr ira, j’irai, explique-t-il. Je compte l’accompagner encore quelques mois, jusqu’à ce que les esprits me guident dans une autre direction. Pour le moment, ils insistent à ce que je reste à ses côtés. Ça ne me dérange pas tellement pour être honnête.

— Tant que ça fasse ton affaire.

Quelques secondes plus tard, il sursaute.

— Oh ! fait celui-ci.

Cornèbre croasse, car il a failli tomber de son nid.

— Qu'y a-t-il ? je formule, inquiète.

— Ce n’est rien… Arbok vient simplement de rentrer en contact avec moi. Ce coquin m’a léché la main et m’a surpris.

Yanis me fait alors son plus beau sourire avant de se tourner vers ce qui semble être l’esprit de mon Pokémon. Il lui caresse la tête. Je ne vois rien… Je ne ressens rien. J’approche ma main, moi aussi, mais je ne touche que du vide. Je suis déçue…

— Ne t’en fais pas, Estelle. Arbok sait que tu lui manques, m’explique Yanis. Il est juste heureux que je lui aie rendu ce service.

— Franchement, j’aimerais qu’il retourne au paradis. Il n’a pas besoin de s’en faire pour moi. Il a mérité son repos.

Yanis prend un moment à me répondre. Il écoute quelque chose. Sûrement les murmures de mon serpent. Si ça se trouve, il a besoin de bien se concentrer.

Enfin, le médium me répond :

— Arbok me dit de ne pas t’en faire. C’est son choix que de te servir d’esprit protecteur, car il souhaite être toujours là pour toi. Aussi, il est fier de tout ton parcours, en tant que Dresseuse et a hâte de rencontrer… ton frère ? Tu vas avoir un frère, je crois… Ai-je raison ?

Je hoche la tête et pouffe de rire. Je lui explique alors ma situation familiale et ensuite, nous discutons un peu de tout et de rien. Dans le fond, Yanis est un homme sympathique. Plus âgé que nous, mais plein de sagesse. Les jumeaux avaient raison à son sujet. Il ne veut que notre bien. Même s’il est un peu bizarre.

Nous retournons un instant plus tard près des autres.

Nous allons passer le reste de la journée ensemble afin de prendre des nouvelles de Martyr et de partager nos histoires avec Yanis et lui.

Ça change un peu de la routine, mais maintenant que j’ai parlé un peu avec le médium, je me sens rassurée. Je pense que ça m’aidera à progresser dans ma thérapie, bien que je ne pense pas qu’il soit une bonne idée de dire à mon psychologue que j’ai un serpent fantôme qui veille sur ma sécurité. Je ne pense pas qu’il soit une bonne idée d’en parler aux jumeaux présentement. Je compte attendre que Martyr et Yanis soient repartis afin de discuter de ce que je viens d’apprendre, au risque de provoquer un malaise dans le groupe.

Le reste de la journée se déroule ensuite sans anicroche.

C’est agréable de passer du temps avec nos amis. J’ai même eu la chance de servir du thé vers la fin de la soirée, chose qu’on n’a pas fait depuis belles lurettes.

Je me demande comment ça se passe pour Jake, à Alola. J’espère qu’il s’amuse avec le Tour des Îles… Il me manque…

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