68. De retour à la réalité

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Estelle, 16 ans
Future étudiante… mais en quoi ?

Quelque temps après être revenus à Kanto, l’absence de Jake s’est fait sentir dans notre groupe. Nous avons passé d’excellents moments pour le reste des vacances et les journées se sont toutes déroulées rapidement. Nous sommes à présent au mois d’avril. Après notre retour d’Alola, nous avons passé quelques jours au manoir avant de repartir pour notre quête.

À notre arrivée chez nous, j’ai reçu des lettres et des photos de la part de Jenny et son groupe. Je les ai toutes lues. Ils m’envoyaient leurs vœux, même si tout ça avait déjà été fait par téléphone. J’étais quand même ravie de voir qu’ils m’avaient envoyé une photo d’eux, encadrée. Celle-là, je la mettrai dans ma chambre.

Papa Gabriel s’est mis sur une diète à partir de janvier et a perdu au moins une dizaine de kilos depuis la période des fêtes. Aux dernières nouvelles, le bébé grandit normalement dans son ventre et devrait naître d’ici au mois de juillet. Il semblerait que mon gros père triche par moments sur son régime, mais il compte continuer le tout jusqu’à son accouchement, après quoi il retournera probablement à ses vieilles habitudes. Voilà qui fait son affaire, puisqu'il se marie avec Papa Flint en juillet. Nous sommes tous trois invités, bien entendu. Je me demande comment mes parents vont gérer la venue de mon frère dans leurs vies, en plus des noces…

Ce serait bien si mes grands-parents se manifestaient plus souvent dans nos vies. On les a à peine vus dès notre retour à Céladopole. Mais comme toujours, le travail paraît occuper une bonne partie de leur temps. Il y aura bientôt des élections et mon grand-père compte se présenter comme candidat pour devenir le président de Kanto. Quand Chris viendra au monde, Grand-Maman a mentionné qu’elle compte prendre des vacances pour venir aider mes parents au manoir, durant les premières semaines.

Jake a commencé le Tour des Îles. Aussi, il aurait collectionné plusieurs Cristaux Z. Il semblerait que dans ses recherches, l’un des gardiens des îles l’aurait aperçu dans un combat et lui aurait offert un bracelet spécial  ; ce qui lui permet de synchroniser avec ses Pokémon pour qu’ils puissent lancer des Capacités Z.

Quant à son emploi pour le Professeur Euphorbe, Jake nous a dit par texto que le prototype du Pokédex fonctionne mieux qu’il ne l’avait imaginé. Il n’a pas vraiment le droit de nous donner des détails en ce qui concerne l’engin, car c’est confidentiel et ça va leur prendre au moins quelques années avant de commencer à produire cette version du Pokédex en masses. Je suis curieuse d’apprendre à quoi ça ressemble, mais je vais faire confiance à mon ami pour aider Monsieur Euphorbe dans son projet.

Je m’arrête devant le miroir des toilettes pour femmes, au Centre Pokémon de Parmanie. J’ai coupé mes cheveux jusqu’aux épaules récemment et j’ai changé de vêtements pour un style plus printanier. Puisque la neige commence à fondre, les Dresseurs commencent à sortir un peu plus de chez eux afin de poursuivre leurs aventures à travers la région. Quant à nous, nous avons bravé certaines tempêtes pour gagner des badges. Kylie a donc réussi à gagner ceux que j’ai déjà obtenus durant sa visite à Johto ; j’en ai profité pour me mesurer à nouveau à Érika et Koga, dans le but de voir comment nos styles de combats ont changé depuis nos derniers duels.

Érika m’a aussi donné quelques conseils sur la croissance de mon Ortide et a remarqué que je lui donnais beaucoup de vitamines. Elle m’a offert deux pierres, une Pierre Soleil et une Pierre Plante. Je suis libre de me servir de l’une d’entre elles afin de faire évoluer mon Pokémon. J’ai donc le choix d’obtenir une Joliflor comme celui de Jake, ou bien, une Rafflesia. Pour être honnête, je ne suis pas certaine de vouloir faire ce choix. D’après Érika, j’aurais plus de facilité à dresser une Joliflor qu’une Rafflesia, parce que la fleur des Rafflesia demande quand même beaucoup d’entretien. Aussi, les spores toxiques des Rafflesia peuvent causer beaucoup d’allergies. Mais je crois que si je choisis d’aller dans cette voie, que ça m’apporterait sûrement un avantage stratégique dans certains combats.

Scottie a commencé à travailler pour mon père en tant que concierge à l’aéroport de Céladopole, puisqu’il trouvait qu’il ne se faisait pas assez d’argent. Quoique cela ait été temporaire, Papa a aidé mon ami de son mieux. Après les quatre derniers mois, il est revenu à notre groupe, satisfait de ce qu’il a collecté. C’est sûr que ce n’est pas un poste qui donne beaucoup de pokédollars à qui que ce soit, mais puisque Scottie est aussi un Dresseur, les duels lui permettent de se faire un certain revenu. Nos dépenses sont moins élevées qu’avant, comme Jake ne voyage plus avec nous. J’ai décidé de mettre un peu d’argent de côté afin de l’aider. Tout ça, je le gagne à travers mes duels.

C’est presque la fin du mois d’avril, et le Parc Safari a commencé à ouvrir plusieurs sections qui ont été fermées durant l’hiver. Nous planifions d’aller nous promener un peu là-bas avant de nous rendre à Cramois'Île. Aujourd’hui, après plusieurs heures d’entraînement, nous sommes revenus au Centre Pokémon afin de soigner nos Pokémon et nous reposer. On l’a bien mérité.

Mon Brindibou a récemment évolué en Efflèche, le Flamiaou de Scottie est devenu un Matoufeu et l’Otaquin de Kylie, à son grand malheur, est devenu un Otarlette.

— Mais il est trop ridicule… s’est plaint la jeune femme en remarquant sa nouvelle forme.

— Tu t’attendais à quelque chose de plus musclé ? a soupiré son frère. C’est un phoque…

— Ouais, mais il a l’air d’une fillette…

— Ota ? a couiné le Pokémon aux longues oreilles en formes de bulles.

Kylie a soupiré et rappelé le pauvre Otarlette dans sa Poké Ball. Elle ne l’a pas rappelé depuis cet incident. J’ai bien peur qu’il va finir dans une boîte et être oublié pour le reste de ses jours. Efflèche est un peu bizarre, mais il me fait rire quand même avec ses drôles d’expressions. Matoufeu est le plus mignon des trois. Scottie a vite réalisé l’ironie d’élever un Pokémon dont la dernière forme sera liée aux Ténèbres alors qu’il se spécialise avec les Pokémon Psy. Cependant, il est très fier de ce chat et ce dernier s’entend bien avec sa Miaouss.

Après avoir fini de me remémorer les derniers évènements devant le miroir, je sors des toilettes pour dames et part rejoindre les jumeaux et Braségali à la cafétéria. Le jour où j’ai fait couper mes cheveux, Kylie et Scottie ont décidé de se faire teindre les leurs afin de retoucher les couleurs qui s’étaient dissipées avec le temps. Je vois donc la tête mauve et la tête bleutée des jumeaux se tourner vers moi alors qu’ils mangeaient chacun des morceaux de pizza qu’on sert au menu de la cantine. J’en achète une part avant de servir des croquettes à mon Braségali. Celui-ci ne tardera pas à partir à la chasse, de toute manière, donc ça ne m’étonne pas de le voir se lever lorsque je m’installe avec mes deux compagnons de route.

Kylie pouffe de rire en lisant un texto et se tourne vers moi.

— Bah, devine quoi, Est’ ! dit-elle. Dans les nouvelles mondiales, il semblerait que le connard qui a molesté Yuki, s’est fait enculer en prison et qu’il serait en train de passer un sale quart d’heure. Il va passer en cours dans les semaines à venir parce que son avocat veut le placer dans une meilleure prison… Pouahaha, n’importe quoi !

— Ce n’est pas vraiment quelque chose dont j’aimerais me réjouir, mais il l’a bien cherché, dit Scottie. Ce pédophile n’a que ce qu’il mérite.

— Sinon, il se passe quoi avec Yuki et Akira ? je demande. Vous ont-ils contacté dernièrement ? Parce que moi je n’ai rien reçu d’eux.

Techniquement parlant, je n’ai pas donné mon numéro de téléphone portable à ni l’un, ni l’autre, mais ils peuvent toujours me rejoindre par courriel ou bien me contacter sur les réseaux sociaux. Il semblerait que Yuki prenne beaucoup de photos de ses Pokémon dernièrement et que sa thérapie fonctionne bien à Kalos. À part ça, Akira n’en a pas dit plus. Tout ce qu’on sait d’eux, c’est qu’ils forment désormais un couple et qu’ils ne se quittent plus.

Les jumeaux haussent les épaules, ils sont tout aussi à l’écart que moi.

— Tant pis, je dis. En même temps, elle ne cause plus d’ennuis à personne et a l’air de se sentir beaucoup mieux que la fois où elle a tenté de nous contacter afin de faire ses excuses.

— Elle a fait une vidéo de chant sur sa page, l’autre jour, révèle Scottie. Sa voix n’est plus aussi forte qu’avant, mais ça devrait revenir d’après elle.

— J’crois que c’est parce qu’elle est en dépression, dit Kylie. Laisse-lui quelques mois et elle va recommencer à nous casser les couilles.

— Parle pour toi, moi, j'adore ses chansons.

Ah ces deux-là ! Toujours à se chamailler. Enfin, ma vie serait très banale sans leur présence… De plus, j’ai été seule avec Kylie durant les seize dernières semaines et par moments, nos conversations avaient pris des tournures étranges. J’ai vite remarqué que l’absence de son frère et celle de Jake avaient apporté un énorme vide dans notre groupe. Toutefois, nous avons croisé quelques têtes familières sur la route avec qui on a dû passer quelques jours à rire et faire les folles. Jenny et son groupe allaient ici et là et puisqu’ils se rendaient à tous les endroits où des concours se produisaient, on avait la chance de les croiser durant nos entraînements.

Aussi, il semblerait que Jenny n’ait pas vraiment participé aux sports d’hivers comme elle n’était pas vraiment spécialisée dans ce domaine. Du coup, elle a entraîné ses Pokémon aux combats et a fait des duels ici et là. Elle a aussi commencé à amasser les badges, car elle songe peut-être de se rendre à la Ligue Pokémon. Elle ignore néanmoins si elle compte se rendre en finale. Elle veut simplement passer du bon temps avec son cousin et sa cousine.

J’ai profité du moment de notre rencontre pour leur offrir les souvenirs que j’ai promis à Katia lorsque j’étais à Alola. Une nouvelle carte mémoire pour l’appareil photo de la petite Coordinatrice, un chronomètre pour Jenny puisqu’elle a tendance à égarer les siens et un carnet électronique pour Tom, car il prend beaucoup de notes sur ses découvertes. Le carnet de notes, par contre, mon père me l’a payé parce que je n’avais pas les moyens de l’acheter. Je l’ai déjà remboursé.

Je crois que mes amis étaient tous ravis de leurs présents. Surtout Katia, puisque je me suis souvenue à la dernière minute qu’elle aime prendre beaucoup de photos dernièrement.

J’ai profité de cet hiver pour capturer de nouvelles espèces et faire évoluer celles-ci. J’ai arrêté de compter au bout de vingt Pokémon, mais je sais que j’en ai capturé beaucoup. Kylie aussi semble avoir rajouté de nouvelles bestioles dans son équipe, même son frère. Nous avons fait beaucoup d’entraînements en solo et on parlait très peu de nos captures. Ce qui est bizarre puisque nous aimons nos Pokémon.

Rendu là, je préfère ne plus me casser la tête et place dans mon équipe des Pokémon de divers types afin de maintenir un équilibre.

Bien entendu, Braségali et Pikachu demeurent dans ma formation comme ils sont mes favoris. Efflèche commence aussi à prendre une place importante dans mes stratégies. Tortank se repose présentement au laboratoire du Professeur Chen et je l’ai remplacé par un Otaria que j’ai capturé près des plages, au sud de Kanto.

Sinon, Roucoups a finalement évolué en Roucarnage après beaucoup d’entraînement et j’ai récemment commencé à m’en servir pour me déplacer dans les airs. Il est très grand et ses puissantes ailes me permettent de planer au-dessus de la région. Je peux facilement me rendre au Bourg Palette si j’en ai envie ou bien me rendre à Céladopole quand me vient l’envie d’aller rendre visite à mes parents. En plus, ça me prend moins d’une demi-heure pour chaque trajet. C’est cool, puisque j’aime bien voler !

Il n’y a plus grand-chose à mon épreuve dans cette région, si ce n’est que le fait auquel je doive confronter les deux derniers Champions d’arènes et ensuite me rendre au Plateau Indigo pour les manches éliminatoires de la Ligue. Il nous reste environ trois mois avant de pouvoir y participer, donc ça nous laisse amplement le temps d’exécuter nos plans.

C’est alors que je vois la tête d’Otarlette bondir par-dessus la table afin de voler la croûte de pizza qui restait dans l’assiette de Kylie. Celle-ci ne réagit même pas et continue à consulter ses textos. Ah, ça veut dire qu’il a commencé à l’amadouer. Pauvre petit phoque, il a encore du chemin à faire s’il veut se tailler une place dans le cœur de sa Dresseuse. De mon côté, je trouve qu’il a de très bonnes attaques et qu’il pourrait facilement aider Kylie à se rendre loin dans la Ligue, si elle mettait plus d’efforts dans son entraînement.

— Eh, ma croûte ! s’exclame la punk, une minute plus tard.

— Otarrrlette, couine son Pokémon, la tête sur son genou.

— Il est coquin, ce p’tit phoque, dit son frère.

— Ça te dirait qu’on échange ? lui propose sa sœur.

— Sans façon, mon Matoufeu a de la classe !

Kylie pose son téléphone de côté, puis se croise les bras en fronçant des sourcils.

— Allons, Otarlette n’est pas si mal que ça, je dis. Il t’a quand même aidé à vaincre Koga avec ses bulles géantes. Si tu lui donnais sa chance, il pourrait encore devenir l’un de tes meilleurs combattants.

— Otaarr, otarrr ! exprime le Pokémon en sautillant près de Kylie.

— Et ce n’est pas l’enthousiasme qui lui manque, ajoute son frère.

Kylie soupire, puis caresse la tête de son Pokémon, bien qu’elle ne soit toujours pas impressionnée par son physique. De ce côté-là, elle est très superficielle. Elle n’est pas vraiment fan des Pokémon qu’elle considère trop mignons. Elle m’a aussi demandé si je ne voulais pas échanger mon Efflèche contre Otarlette à quelques reprises. J’ai décidé de garder mon hibou. D’ici peu, elle risque de se débarrasser de son phoque dans un échange quelconque. Comment la convaincre qu’Otarlette mérite de rester avec elle ?

— Ouais… si seulement on pouvait se débarrasser de sa jupette… grogne-t-elle. Il est vraiment ridicule avec ça.

— L’Infirmière Joëlle te déconseillerait d’enlever ça, sinon il ne pourrait pas survivre sous l’eau, dit son frère. En plus, ce serait comme une amputation pour lui…

— Les volants lui permettent justement de nager plus vite sous l’eau, je dis. C’est expliqué dans le Pokédex, tu devrais le savoir.

— Allons, je ne suis pas cruelle au point de vouloir couper sa peau… insiste Kylie. Je dis simplement que je n’aime pas sa jupette.

Otarlette imite l’expression boudeuse de sa Dresseuse, puis sautille afin de se mettre à danser sur sa queue. Aussitôt, mon amie pouffe de rire et roule les yeux.

— Au moins, je kiffe son humour… soupire-t-elle. Je me demande d’où il s’inspire pour ses danses.

— C’est lié à son espèce, dit son frère. Les Otaquin et les Otarlette passent leur temps à s’inspirer des Oratoria afin de danser et de divertir les autres Pokémon ou bien leurs Dresseurs. C’est aussi écrit dans le Pokédex qu’ils aiment propager le bonheur.

— T’as déjà appris ça par cœur ? je demande en me tournant vers lui.

— Eh, il faut bien que l’un d’entre nous s’informe sur nos Pokémon, réplique-t-il nonchalamment. Il y a des conséquences à l’ignorance…

Il lance alors un regard froid à sa sœur qui n’a pas l’air de saisir pour quoi il le fait.

— Ai-je quelque chose dans l’œil ? demande-t-elle, surprise.

— Laisse tomber, râle-t-il.

— Mais euh…

Je décide de laisser les jumeaux dans leur joute verbale pendant que je m’éloigne vers le comptoir du Centre. Efflèche et Pikachu avaient besoin d’être examinés après leur dernière bataille et je voulais faire examiner l’état de santé d’Ortide. Aussi, je n’ai pas vraiment eu le temps de nettoyer les plumes de Roucarnage aujourd'hui ; alors, j'ai demandé aux infirmières si elles ne pouvaient pas lui donner un bain et vérifier s’il n’avait pas de problèmes quelconques.

Il y a plusieurs patients qui attendent dans une longue ligne. Les Dresseurs commencent à être plus nombreux, sûrement parce que c’est cette période de l’année où la température inspire tout le monde à sortir de chez eux.

Aujourd’hui, je suis un peu pressée à faire des courses pour les jumeaux et pour notre prochaine promenade en bateau. On a loué les services d’un homme des mers afin qu’il nous emmène à Cramois'Île, afin de donner une pause à nos Pokémon d’Eau. Puisque la Route 19 et la Route 20 débouchent dans l’océan, le capitaine du bateau nous a proposés de nous passer ses cannes à pêche pour tuer le temps. Il compte arrêter le bateau près des Îles Écume afin qu’on puisse nous reposer un peu, après, nous repartirons. On part cet après-midi, après le déjeuner.

Estelle, pourquoi tu ne te sers pas de Roucarnage pour te rendre là-bas ?

Simple, il n’y a pas beaucoup d’endroits où nous poser sur mer et je n’ai pas envie d’épuiser mon oiseau. En plus, j’aimerais prendre mon temps et admirer le paysage alors que nous allons pêcher.

Oui, mais comment vous faites pour pêcher avec le bateau qui bouge ?

En fait, nous avons des appâts et les Pokémon de ces eaux sont connus pour attraper n’importe quoi. On a même un filet pour attraper plein de poissons. Comment ça, j’entends des voix ? Les gens vont finir par me trouver étrange avec ma narration… Je ne fais que prétendre que vous me posez tout plein de question… C’est tout.

Le capitaine nous a proposé quelques lieux où il pêche souvent et il paraît qu’il a déjà collecté plusieurs perles grâce aux nombreux Kokiyas qu’il a tiré de l’eau. Lorsqu’il a mentionné tout ça à Scottie, celui-ci nous a suppliés de prendre notre temps alors qu’on serait sur place. Il voulait vraiment se faire beaucoup de fric et je comprends pourquoi. Je ne sais pas si sa sœur aura la patience de pêcher puisqu’elle préfère les trucs qui font pomper son adrénaline. J’espère qu’elle saura se reposer un peu.

— Vos Pokémon sont soignés, me dit l’Infirmière Joëlle qui s’approche de moi. Rien à signaler, à part que votre Ortide a beaucoup trop de vitamines en elle. Essayez de diminuer la dose à un granule par jour et elle devrait retrouver son équilibre.

— Est-ce dangereux si elle a trop de vitamines en elle ?

— Non… Pas vraiment, mais nous avons remarqué qu’elle a un surplus d’énergie et qu’elle a la bougeotte.

— Ah, oui, je vois pourquoi. Elle a beaucoup de difficulté à se tenir en place dernièrement.

— Voilà pourquoi. Elle déborde d’énergie. Réduisez la dose qu’on vous a prescrit il y a quelques mois et elle devrait redevenir plus calme d’ici peu. Il fait beau à l’extérieur, vous devriez en profiter pour la laisser sortir afin qu’elle se dégourdisse les pattes.

— Merci beaucoup, Infirmière Joëlle.

L’infirmière me salue puis retourne à ses autres patients. Je prends donc la Poké Ball d’Ortide et sors ma pauvre petite plante. Elle sautille de joie en m’observant.

— T’as envie d’aller au parc avec moi, ma belle ? je lui demande.

— Orrrrrtide, dit-elle en souriant.

— D’après la dame, tu es en très bonne santé. Je suis contente de l’apprendre.

— Orrrrrrtide, rajoute-t-elle avant de hocher la tête.

— Mais ta dose est trop excessive, donc on va la diminuer.

Elle penche sa tête d’un côté, incertaine de la réaction qu’elle devrait avoir. Elle finit par opiner du chef, puis me suit à l’extérieur.

Puisqu’elle est en meilleure forme et qu’elle a appris pratiquement toutes ses capacités, je me dis que c’est le moment pour moi de choisir comment elle évoluera. Je sors la Pierre Soleil et la lui montre.

— Dis Ortide, ça te dit de devenir une Joliflor comme celle de Jake ? je demande.

— Orrrrtide ?

— Tu peux évoluer désormais, c’est ton choix. Tu peux choisir de devenir une Rafflesia ou bien une Joliflor. La pierre que je tiens dans ma main droite est une Pierre Soleil.

— Ortide, ortide, dit-elle en hochant la tête.

Elle bondit dans les airs et attrape la Pierre Soleil entre ses dents. Lorsqu’elle atterrit au sol, l’énergie qu’elle absorbe de la pierre s’empare de son corps et elle se transforme aussitôt en Joliflor. La petite chose fait tournoyer ses petites fleurs au-dessus de sa tête et commence à danser aussitôt, heureuse de sa nouvelle apparence.

— Joli, joliflor ! couine la bestiole en bondissant dans mes bras.

— Eh bah, tu es adorable ! je dis avant de glousser. Une bonne chose que tu voulais ce changement. On m’a dit que cette forme sera plus facile à gérer pour toi.

— Joli ? couine-t-elle en clignant les yeux.

— Tu absorbes plus facilement les rayons du soleil, d’après ce qui est dit par les experts.

— Joliiiiiiii, approuve-t-elle, suivi d’un sourire.

— Aussi, l’Infirmière Joëlle m’a expliqué que les Joliflor peuvent endurer de longues périodes sans soleil et je crois que ça te conviendra puisque tu préfères te cacher dans l’ombre. Je sais que tu aimes t’entourer d’humidité ou bien de fraîcheur, mais va falloir que tu prennes beaucoup plus de soleil, d’accord ?

— Joli…

Joliflor est du genre à aimer dormir dans l’ombre. Elle est paresseuse de nature, mais aime bien se promener avec Tortank lorsqu’il est dans notre équipe. Elle a commencé à se tisser des liens avec Efflèche, qui est un autre Pokémon Plante. Ces derniers sont parfois rivaux, parfois amis. Ils semblent vouloir prouver que l’un est meilleur que l’autre. Je n’ai pas de préférence, mais j’avoue que j’aime bien Joliflor puisqu’elle est douée pour les capacités spéciales alors qu’Efflèche est mieux dans le domaine des capacités physiques.

— Tiens, tiens… Comme on se retrouve, dit une voix familière derrière moi.

Je fais volte-face lorsque je ressens un frisson dans le dos.

Je me retourne brusquement pour voir Diana Lambert, vêtue en civil lorsqu'elle se dirige dans ma direction. Elle n’est pas accompagnée de ses larbins. Son visage est cicatrisé et elle recouvre une partie de ce dernier avec une longue mèche.

Je m’apprête à mettre ma main sur mon smartphone quand elle m’interrompt.

— Pas la peine de prévenir les flics, dit-elle. Tu fais ça et je fais exploser le Centre Pokémon. Camille et Valentin sont déjà sur place.

— Que me veux-tu !? je grogne.

— Aujourd’hui ? Rien… Mais la prochaine fois que je te vois, prépare-toi à crever.

À ma grande surprise, une explosion retentit derrière nous et une partie du Centre Pokémon s’effondre. Diana pouffe de rire, et je me retrouve aussitôt encerclée de sbires de la Team Rocket. Je sors instinctivement Otaria, Pikachu, Roucarnage et Efflèche de leurs Poké Balls alors que Joliflor me bondit des bras. Celle-ci attaque déjà les sbires avec sa Poudre Dodo.

— Lâche ! je lance. Comment oses-tu faire ça !?

— C’est simple : si je veux quelque chose, je l’obtiens. Ces Pokémon sont la propriété de la Team Rocket. Capturez-moi ces bêtes, Messieurs !

— Jamais ! je hurle. Pikachu, Fatal Foudre ! Otaria, utilise Lance Glace ! Efflèche, attaque…

Mon hibou se fait alors attraper par l’un des hommes vêtus en noir et on le recouvre d’un sac noir. Il se débat de son mieux, mais ils sont trop nombreux pour nous.

Pendant ce temps, de nombreux Dresseurs sortent du Centre Pokémon. Les jumeaux viennent me rejoindre dans la mêlée et les sbires sortent tous leurs Pokémon pour s’attaquer aux miens et à ceux des étrangers. Je ne peux pas leur permettre de s’en tirer comme ça avec ce qu’ils viennent de faire. Dans une rage folle, je fonce en direction de Diana pour lui planquer mon poing dans la tronche. Elle empoigne ma chemise et me plante ses ongles dans la chair.

— Tu vas payer pour ce que t’as fait à Arbok ! j’aboie.

— Tu veux rire !? Ton maudit poulet m’a déjà défiguré !

— Il n’a pas fini son travail !

Je mords son épaule et l’un de ses sbires me fonce dedans. Je tombe par terre, roulant comme une misérable. Mon Roucarnage vient m’aider à me relever alors que de la poussière nous entoure et je vois à peine ce qui se passe.

Au loin, on entend les sirènes des policiers qui arrivent, pendant que j’entends aussi un bruit de moteur de camion qui démarre. Je crois avoir entendu des cris de l’autre côté du Centre. Ils ont réussi à voler plusieurs Poké Balls qui appartiennent aux Dresseurs et prennent la fuite. Furieuse, j’essaie de retrouver Diana du regard, puis je remarque que celle-ci et la majorité de ses acolytes s’enfuient dans des voitures ou à bord de motocyclettes qu’ils ont garés en face du Centre. Mes Pokémon sont tous là, à l’exception de Braségali qui est toujours à la chasse.

Je me mets à tousser toute la poussière que j’ai attrapée en plein vol, puis je cligne des yeux à répétitions. C’est vraiment une catastrophe…

— Estelle ! lance Scottie qui court dans ma direction. Bon sang, qu’est-ce qui t’as pris !?

— Mm ? je demande.

— Tu t’es lancée sur cette femme comme une sauvage ! T’as pas remarqué qu’elle saignait de l’épaule après l’avoir mordue !?

— Non, pas vraiment…

Je n’ai pas remarqué, sur le coup, mais effectivement, j’ai le goût du sang dans ma bouche. Je le recrache aussitôt et m’essuie les lèvres.

— Moi aussi, j'aurais fait pareil, dit sa sœur qui rejoint celui-ci. Cette garce nous a encore filé sous le nez. Je n’arrive pas à y croire… ils sont vraiment trop bien préparés.

— Croyez-vous que la Team Rocket a une taupe chez les flics ? dit son frère. Parce qu’ils arrivent toujours en retard et ne sont jamais actifs là où on aurait besoin d’eux.

— Je l’ignore, je réponds. Mais je dois t’avouer que c’est louche. Chaque fois que la Team Rocket effectue ses plans, c’est toujours sur une journée lente pour la police locale.

— Donc ça ne fait plus aucuns doutes, ils sont aidés par quelqu’un qui travaille pour l’autorité, se dit le jeune homme.

— Arrêtez de faire vos paranos, dit Kylie. Ce genre d’idées pourrait nous mener sur de fausses pistes et n’avantagera personne. Pas même les enquêteurs qui vont probablement tous nous passer sur enquête.

— Tiens… marmonne son frère en pointant les voitures de policiers. En parlant des flics…

Trois voitures et deux motocyclettes appartenant aux agents de police arrivent sur place, ainsi qu’un camion de pompier et quelques ambulances. Encore un bordel dans lequel on vient d’être plongés, un bordel que je ne souhaitais ne plus revivre après l’incident de l’usine. Je soupire de rage et je rappelle tous mes Pokémon alors que l’Agent Jenny nous donne l’ordre de rester sur place.

Je sens qu’on passera un sale quart d’heure à cause de tout ça. Je n’ai pas d’autre choix que de céder à sa demande, puisque je ne désire pas causer d’ennuis à celle-ci. Néanmoins, je ne peux m’empêcher de me sentir frustrée et dégoûtée à cause de cette hostile rencontre avec la femme qui me tourmente depuis des mois.

— Vous êtes vraiment les pires flics de la région ! grogne un Dresseur, furieux de la tournure des évènements. Où étiez-vous pendant que nos Pokémon se faisaient voler !

— Ouais ! Ces hommes ont kidnappé ma Mélodelfe ! lâche une autre Dresseuse. Vous avez intérêts à la retrouver !

— Calmez-vous ! ordonne l’Agent Jenny. Nous allons faire de notre mieux afin de vous assister dans cette crise. Mettez-vous en ligne droite. Quelques membres de mon équipe et moi, nous allons devoir vous poser quelques questions. C’est la procédure à suivre.

— MAIS QU’EST-CE QUE VOUS FOUTEZ, BORDEL DE MERDE !? ILS PRENNENT LA FUITE ! lâche le Dresseur qui les avait critiqués plus tôt.

— Agent Tibbs, mettez-moi cet homme dans la voiture et mettez-lui des menottes, exige l’Agent Jenny.

— C’EST DE L’ABUS DE POUVOIR !

— Ta gueule et fais ce qu’elle te dit ! hurle Kylie en se tournant vers lui.

Je me tourne vers ma meilleure amie, ce qui me surprend parce qu’elle n’aime pas suivre les lois et les règles comme tout le monde. Elle fait toujours ce qu’elle veut, mais là, je crois qu’elle a compris que ce n’est pas le moment de manquer de respect aux flics.

— Mais de quoi tu te mêles toi !? râle le jeune homme. LÂCHEZ-MOI !

Le Dresseur est alors poussé vers la voiture de police et on l’enfonce à l’intérieur de force, après lui avoir menotté les mains derrière le dos. Je trouve qu’ils abusent, mais en même temps, cette situation chaotique et ce jeune homme ne pouvait pas deviner que les flics de Parmanie ont probablement envoyé des agents à la poursuite de la camionnette ; dans laquelle on a déposé les Poké Balls volées.

L’Agent Jenny passe quelques personnes avant moi et leur pose toutes des questions rapidement. J’avance au même rythme dans la ligne jusqu’à ce qu’elle me pose les mêmes questions :

— Avez-vous mal quelque part ?

Je fais signe que non.

— Avez-vous reconnu les suspects qui étaient sur place lors de l’incident ? poursuit-elle. Avaient-ils des liens particuliers qui valent la peine d’être mentionnés ?

— Il s’agissait de Diana Lambert de la Team Rocket, dis-je. Deux de ses acolytes sont responsables de l’explosion. Elle a aussi nommé Valentin et Camille, alias Cameron.

— Donc, vous confirmez les avoir déjà rencontrés par le passé ?

— Plusieurs fois. Ils ont tué mon Arbok et tenté de demander une rançon à mon père après m’avoir enlevée à Céladopole. Ils ont aussi torturé ami qui a décidé de récupérer mentalement à Alola, suite à son traumatisme.

— Très bien, merci de votre coopération. J’imagine que vous êtes Estelle Markios, si je me fie à vos informations. Je me trompe ?

Je hoche la tête et réponds :

— Je suis Estelle, en chair et en os.

Elle soulève alors son walkie-talkie dans lequel elle déclare :

— Nous avons des noms. Il s’agit de Diana Lambert et de ses acolytes. Je répète, Diana Lambert. Cette dernière s’est évadée de Safrania il y a quelques mois avant la période des fêtes.

Elle s’éloigne vers sa voiture pendant que les autres agents de police nous ordonnent de nous disperser. C’est donc ça qu’ils voulaient savoir ? Connaître l’identité des criminels ? Je n’arrive pas à croire qu’après tout ce temps, ils n’aient pas encore réussi à mettre la main sur cette femme. Tout s’est passé si vite, j’en perds presque le souffle.

Les jumeaux me prennent par les bras et me tirent vers le parc afin que je puisse reprendre des forces. Je suis étourdie et j’ai besoin de calmer mes neurones.

Braségali ne tarde pas à réapparaître. Aussitôt qu’il a entendu les bruits de sirènes, il s’est dirigé dans cette section de la ville en vitesse. Il est soulagé de me retrouver saine et sauve, mais il est inquiet puisque je suis à présent assise sur un banc de parc, complètement secouée.

— Je veux retourner à Alola… je soupire en baissant la tête.

— Tant que la Team Rocket ne sera pas arrêtée, les ennuis vont continuer, dit Scottie.

— Je crois que je vais appeler Papa afin qu’il me passe ses visas, je dis nerveusement en cherchant dans mon sac à main.

— Mais non Estelle… Tu paniques, c’est normal, formule le jeune homme.

— Prends une grande respiration, poursuit sa sœur.

— Ça se voit qu’elle n’a pas essayé de vous tuer à plusieurs reprises… j’ajoute, toute tremblotante. Je vais finir à l’hôpital des fous, c’est moi qui vous le dis.

Et ces fichus agents de polices incompétents qui n’arrivent jamais à arrêter la Team Rocket… Je suis furieuse ! Comment se fait-il qu’ils aient autant de misère à emprisonner ces criminels ?

Les sirènes s’éloignent et les nuages de poussières retombent. Le camion des pompiers part quelques minutes plus tard, après avoir éteint le bref incendie qui a détruit une partie du Centre. Il semblerait que seule la section du laboratoire ait été affecté. Les dortoirs sont encore sécuritaires. Il n’y a aucune mort cette fois, seulement quelques blessés qui ont déjà été emmenés d’urgence à l’hôpital.

— Ils ne sont pas très réactifs, ces flics, remarque Kylie. Ça fait des mois que cette femme s’est évadée et ils n’ont toujours pas réussi à l’attraper.

— Et le pire, c’est qu’elle se promenait librement à Parmanie, sans sa tenue de la Team Rocket, et aucun d’entre eux ne l’a trouvé suspect ! s’exclame Scottie. Sa photo est sur tous les panneaux de recherche, je ne comprends pas pourquoi ils n’ont rien remarqué.

— Faut dire que son visage est cicatrisé désormais et qu’elle a une coupe de cheveux différente, affirme Kylie. N’empêche qu’ils devraient faire un effort parce que j’en ai marre qu’elle nous colle au cul.

— Tu n’es pas la seule, je dis. Je ne sais pas ce qui me retient pour ne pas partir à leur poursuite avec Roucarnage…

— Ils sont trop dangereux et trop nombreux, ajoute Scottie. Nous ne pourrons pas les affronter seuls. Aussi, on risquerait de se faire réprimander par les flics, car nous ne sommes pas supposés confronter les sbires de la Team Rocket sans leur autorisation.

— Ils manquent d’agents de polices dans toute la région, j’explique. Les fédéraux n’investissent pas assez dans les commissariats.

— Comment se fait-il que tu saches tout ça ? demande Scottie.

— Je lis les journaux à tous les jours, dis-je. C’est une vieille habitude qui date depuis mes journées passées à étudier au manoir. Grand-Maman m’en a aussi parlé récemment au téléphone. Les réductions budgétaires du gouvernement fédéral affectent non seulement nos taxes, mais les emplois de milliers de personnes dans notre province.

— Maudits politiciens ! lance Kylie avant de cracher au sol.

On plonge en pleine crise économique à cause des récents ras-de-marées qui ont attaqué les Îles Orange durant les trois derniers mois. Plusieurs villes ont été inondées et celles-ci ont d’importants partenaires aux marchés de Kanto. Nos échanges avec eux nous permettent de nous faire beaucoup d’argent et aussi ne nourrir les gens de Kanto. Bien entendu, la reconstruction de ces villes et ces villages inondés est en cours et beaucoup de nos travailleurs se sont déplacés afin de les assister.

Avec les désastres naturels qui arrivent partout dans le monde, je ne devrai même plus être étonnée… Toutefois, ça m’attriste de savoir que l’Archipel Orange soit victime de cette tragédie.

Enfin, je dis ça et notre belle Kanto était déjà endettée bien avant la crise des îles. Je crois que ça fait au moins un an, environ, que l’on voit de moins en moins d’agents de polices circuler dans les rues. Leurs patrons ne semblent garder que les meilleurs et congédient le reste, ou bien ces derniers sont transférés en dehors de Kanto afin d’aller travailler à Johto ou bien d’autres régions. Pour cette raison, la sécurité publique est de plus en plus douteuse.

— Ils attendent quoi pour changer les budgets, ces cons ? demande Kylie.

— Pourquoi crois-tu que Grand-Papa veut devenir président ? je réplique.

Elle hausse les épaules. Elle ne peut pas lire dans les pensées de mes grand-parents qui travaillent d’arrache-pied pour changer les choses depuis des années. Tout ce que je sais, c’est que la chambre des communes et le sénat ont beaucoup de membres de l’opposition qui n’arrivent pas à s’entendre sur le budget des flics. Du coup, Grand-Papa a besoin de nouvelles élections pour changer les choses…

Le silence s’installe entre nous trois alors que les jumeaux s’assoient à mes côtés. Braségali nous observe sans réagir. Il est aussi perdu que nous après ce qui vient de se passer au Centre Pokémon.

— Ce n’est pas tout, mais va falloir qu’on finisse les courses, soupire Scottie en se levant tranquillement. Je t’accompagne, si tu le souhaites.

— Mince… C’est vrai ! je grogne. On repart dans moins d’une heure.

— On a perdu beaucoup trop de temps à cause de ces voleurs.

— Au moins une quinzaine de minutes… ? je marmonne pour moi-même, calculant sur mes doigts. Mince, va falloir préparer nos sandwichs en vitesse. On ne pourra pas faire la soupe que tu voulais mettre dans ta Thermos.

— Ça ne fait rien. On fera avec des biscottes et les sandwichs.

Je me tourne vers Kylie et je lui dis :

— Eh, pourrais-tu alerter Maxwell qu’on va être légèrement en retard ? Il m’a dit qu’il serait au port bien avant nous.

Elle se lève, puis hoche la tête. Maxwell, c’est le capitaine, au cas où vous ne l’auriez pas deviné. Il a plus ou moins le même âge que Papa Flint et navigue sur les mers depuis une vingtaine d’années. C’est un pêcheur et un marin confirmé. Il a fait sa fortune dans la pêche des perles de Kokiyas, avec l’aide de son épouse qui confectionne plusieurs bijoux.

Je commence à me calmer alors que nous nous éloignons vers le marché. Ça me saoule de devoir passer par-dessus ces récents évènements, mais je me dis que c’est la chose la plus adulte à faire.

Patience Estelle, un jour, la Team Rocket n’aura que ce qu’elle mérite.

Pour une fois, je n’ai pas envie de hurler. J’ai simplement envie de planter mon poing en plein dans la figure de Diana. La prochaine fois que je la vois, je prie Arceus pour elle qu’elle survive, car Braségali la déteste autant que moi.

— T’as entendu ? dit un client alors qu’on entrait au marché, qui s’adressait à une caissière. On a volé une cinquantaine de Pokémon au Centre !

— Mince alors ! Pas encore la Team Rocket !? s’exclame la caissière.

— Ouep…

Ah, s’il vous plaît ! Changez de sujet ! J’en ai marre d’entendre parler d’eux. En même temps, je ne peux pas vraiment me plaindre puisque c’est récent tout ça.

— Commençons par le pain, soupire Scottie qui m’entraîne dans une allée, alors que Braségali nous suit en silence. Pain blanc ou pain complet ?

— Pas de différence, je dis. Kylie déteste les produits Santé. Allons pour le pain blanc.

— L’allée des légumes n’est très loin, pourrais-tu… ?

— Ramasser les tomates, la laitue et les olives noires ? Bien sûr.

— Il ne nous manquera plus que les tranches de viandes et la mayo.

— Kylie veut aussi de la moutarde au miel.

— Il y en a dans le frigo du Centre…

— En es-tu sûr ou faut-il que j’aille vérifier ?

— Nan, pas besoin de retourner au Centre. J’ai vérifié la bouteille ce matin même.

On ramasse alors ce dont on a besoin, puis on achète aussi des nouilles en gobelets. Ça se cuit rapidement et on mangera ça sur la route, alors qu’on se rendra au port.

L’ennuie des plages d’Alola va-et-vient dans mon esprit tandis que je termine de payer nos ingrédients à la caisse. Je regrette que nos vacances se soient terminées si vite. Je souhaite en ce moment partir loin de cette région infestée de crapules. Ils finiront par me tuer, si ça se trouve.

Scottie décide de porter la majorité de nos sacs jusqu’au Centre qui est encore entouré de gens. Les assureurs sont déjà sur place et discutent avec le propriétaire du bâtiment. Une partie des dégâts sera payée par la ville, le reste devra venir des poches du propriétaire. Je décide de ne pas m’attarder à les observer.

Je pousse les portes d’entrée du Centre pour ensuite faire face aux nombreux Dresseurs et Dresseuses qui pleurent et râlent à cause de l’enlèvement de leurs Pokémon.

— Tu sais quoi ? Je vais attendre dehors, je dis à Scottie avant de mettre les sacs entre les pattes de Braségali. Toute cette négativité, je n’en ai pas besoin.

— Mais… ? grogne Scottie. Estelle !

— Merci, je dis par-dessus mon épaule.

Je sors sur le champ, le bourdonnement dans mes oreilles diminue, plus je m’éloigne du bâtiment. Cette journée a bien commencé, mais tout ce stress que j’accumule commence à me donner mal au cœur. Je décide de me diriger au port, la tête basse. J’ai honte de ce que je viens de faire à Scottie, mais Braségali va sûrement l’aider à transporter nos affaires, puisqu’il est bien élevé., je

Je rencontre Kylie en chemin, elle a averti le capitaine comme prévu. Lorsqu’elle se rend compte que je ne suis pas en état de parler, elle décide de me laisser seule à mes pensées et part rejoindre son frère pour l’aider en cuisines.

Je profite de ce moment de solitude afin de laisser la douce brise me jouer dans les cheveux, alors que je marche en direction de la plage. L’air salé de la mer me rappelle mes vacances, même s’il fait plus frais à Kanto. Je me souviens des nombreuses fois où je me suis baignée avec Jake et les jumeaux, où j’ai nagé avec mes Pokémon… Je regrette de ne pas être restée là-bas. J’aurais fait le Tour des Îles, moi aussi…

C’est avec amertume que je constate que malgré toutes les distractions, malgré tous les efforts que je fais… Je finis toujours dans des situations de merde. Est-ce un simple coup de déprime qui me fait tout voir en noir ou suis-je vraiment dépressive ?

Dans le fond, c’est Yuki qui a fait plus de progrès que moi. Je crois sincèrement que je devrais commencer à consulter mon propre psychologue, parce qu’à petits feux, je vois tous mes rêves s’écrouler et ma tête commence rapidement à me ramener à mes mauvaises expériences des derniers mois.

Je crois que cette anxiété, c’est peut-être un choc posttraumatique… mais je ne suis pas une experte. Je ne devrais pas m’autodiagnostiquer.

Chaque fois que ça m’arrive, je n’arrive pas à agir correctement ou bien à fonctionner comme une adolescente normale. Je repense Arbok qui se fait tuer et revois l’expression malsaine de Diana alors qu’elle pouffe de rire et qu’elle pointe son arme dans ma direction… Ça s’est arrêté pendant quelque temps, puis aujourd’hui, lorsque je l’ai revu, j’ai recommencé à revoir tout ça dans ma tête.

Je suis troublée, choquée, déprimée. J’ai envie que tout s’arrête, de retourner en arrière, de faire des choix différents. J’ai peur de plus être capable de voir le monde de la même manière une fois que j’aurai terminé mon année sabbatique. Certes, j’ai dit à mon père que j’avais à présent de nouveaux plans, mais une partie de moi commence à se demander si je ne serais mieux de travailler pour la Roucarnage Inc. Tout est si confus dans mon esprit. J’ai cette peine et cette colère qui me rongent. Je me sens impuissante comme chaque fois que je croise cette femme. Elle brise toutes mes barrières mentales et ça me prend toujours beaucoup de temps pour me remettre de mes émotions. Pourquoi suis-je si fragile ?

Je me tape les joues violemment.

Ressaisis-toi Estelle ! Tu n’es pas morte ! Tu es vivante. Tu respires. Prends ton temps. Relaxe. Prends une grande respiration. Une… Deux… Une… Deux… C’est ça. Continue comme ça. Ne laisse pas cette peste gâcher ta journée. Ne laisse personne te dire que tu n’as pas le droit d’avoir peur. C’est normal d’avoir peur. Surtout après tout ce que cette grosse connasse t’a fait endurer !

Je finis par calmer mes nerfs et j’attends pour les jumeaux, une fois que je suis arrivée au port. Monsieur Maxwell doit s’absenter un moment afin d’aller chercher les cannes à pêche qu’il a laissés dans une remise réservée aux pêcheurs locaux. C’est un grand type barbu, chauve. Sa barbe poivre et sel m’indique qu’il est dans la quarantaine et que ses jeunes années sont derrière lui. Il est aussi musclé que Papa Flint. Il est plutôt silencieux avec moi. Je me demande pourquoi.

Il me fait penser à Scottie avec les inconnus et aussi un peu à Papa Gabriel parce qu’il est très familier à ses clients. Il ne se gêne pas pour nous parler et faire la conversation, même s’il me fait penser à ce genre d’oncle maladroit et soûl que tout le monde est supposé d’avoir dans sa famille. Pas qu’il soit ivre en ce moment, mais on dirait qu’il a pris un truc pour se détendre. Je ne pense pas que ça pourrait vraiment affecter sa capacité de conduire un bateau à moteur, mais j’ai des doutes quant à ses habitudes en dehors de ses heures de travail.

Il commence à revenir de la remise. Au loin, je vois les jumeaux qui s’en viennent avec leurs sacs à dos sur les épaules. Je remarque que Kylie a ramassé le mien, puisque je l’ai oublié dans ma chambre. Braségali porte notre panier de pique-nique.

— Alors, la crise est passée ? demande Scottie qui fronce des sourcils en s’approchant de moi. On a failli ne pas être prêts à temps.

— Désolée, je dis. J’avais besoin d’être seule.

— Fiche-lui la paix, dit sa sœur. L’anxiété, c’est dur à gérer.

— Je ne disais pas ça pour être méchant, râle Scottie. Je n’ai juste pas aimé comment elle nous a abandonnés avec la foule.

— J’ai déjà dit que je suis désolée, je répète.

Maxwell préfère ne pas se mêler de cette histoire, puis nous invite à embarquer sur le bateau avec nos biens personnels. Nous nous exécutons en silence, alors qu’il nous suit avec les cannes et une boîte en fer qui contient divers accessoires de pêche, ainsi que des appâts. Quelques minutes plus tard, je m’installe sur le pont en compagnie des jumeaux et de Braségali, tandis que Maxwell lance le moteur du bateau depuis son petit compartiment où toutes les machines se trouvent.

Lentement, nous nous éloignons de Parmanie et l’odeur de la mer devient plus forte. Je ferme les yeux, profitant de cet instant afin de me ramener dans mes souvenirs de vacances.

— Vivement l’été, dit Kylie. Ça me manque déjà de nager…

— On peut toujours retourner chez moi, je propose. Notre piscine est toujours nettoyée et prête pour une baignade.

— Nah, ce serait abuser de votre générosité. J’adore tes parents et ta piscine, mais bon…

— C’est embarrassant, je sais. Mon style de vie est trop abracadabrant.

— Mais ça ne veut pas dire qu’on te déteste, hein ?

— Je sais, je sais.

— De mon côté, ça ne me dérangerait pas de retourner au manoir, dit Scottie. Je ne suis pas autant difficile que toi, Kylie.

— Oh arrête ! grogne sa sœur. Nous allons devenir trop gâtés et regretter nos vies de merdes. T’as pas envie que ça t’arrive, hein ? Toi qui es habitué à travailler dur pour ton argent ? Maman dirait la même chose que moi.

— N’exagère pas ! réplique son jumeau.

Je préfère ne pas m’attarder à leur conversation, je tourne mon regard vers l’océan. Les reflets du soleil me font sourire. Le bruit des vagues qui tapent la coque du bateau me rappelle les nombreuses fois où j’ai voyagé sur des bateaux de croisière avec Papa Flint.

Ce sont de meilleurs souvenirs, en tout cas. Je crois que si j’arrivais à me concentrer là-dessus, je pourrai finir cette journée sur une note plus positive. On peut voir des Pokémon d’Eau qui nagent à la surface, ils sont mignons.

Je profite de ce soleil afin de sortir Joliflor de sa Poké Ball. Elle danse de joie devant les jumeaux qui viennent de réaliser qu’elle a enfin évoluée.

— Ah, bravo Joliflor ! dit Scottie. Je vois que t’as enfin fait ton choix.

— Ouais, elle n’a pas vraiment hésité lorsque je lui ai parlé du Joliflor de Jake, je déclare. Elle a bondi dans les airs et attrapée la pierre dans sa petite bouche.

— Ça me fait penser que je ne me souviens pas avoir capturé de Pokémon qui n’a pas de bras, dit Kylie en se levant la tête dans les airs. À part un Minidraco, bien entendu.

— Et que fais-tu de Nœunœuf, Chétiflor, Dodrio et Tentacruel ? demande son frère. N’oublie pas que Dardagnan n’a pas de pattes communes comme les autres Pokémon.

— Au… ouais… J’ai tendance à oublier ceux-là.

— On capture beaucoup trop de Pokémon, soupire Scottie. Je commence à perdre le fil du nombre qu’on a trouvé depuis nos aventures à Johto. Oulalah…

Moi, j'approche d’une bonne quarantaine. J’ai arrêté de compter, au bout d’un moment, pour être honnête. Je me concentre surtout sur mes espèces préférées. Pour le moment, je ne compte pas vraiment me séparer de Braségali, Efflèche et Pikachu. Roucarnage a aussi pris une place importante dans mon équipe. Je crois que je vais faire d’autres essais pour remplacer Otaria. J’aimerais faire revenir Tortank.

Je décide d’aller admirer la mer de plus près. Je me lève pour me diriger vers le bout du bateau et je me penche vers le rempart afin d’observer les vagues.

— Estelle, ce n’est pas prudent… commente Scottie. Reviens t’asseoir, s’il te plaît !

Je lève ma main dans le but de lui faire signe de se taire, poliment. J’ai besoin de me changer les idées et puisque le bateau avance tranquillement, je n’ai pas peur de tomber par-dessus bord. Je ne sais pas s’il comprend à quel point ce paysage est à couper le souffle… paisible et majestueux !

Je crois rêver, mais ce n’est pas le cas.

C’est alors que quelque chose percute le bateau.

Je tombe par-dessus la rambarde et plonge dans l’eau froide de l’océan, alors que j’entends les cris des jumeaux. Je ne me suis même pas rendu compte en coulant dans l’eau qu’une énorme créature a commencé à serpenter autour de moi. Je remonte à la surface, réalisant que je suis bel et bien dans l’océan.

C’est alors que derrière moi, la tête d’un gigantesque Léviator sort de l’eau et dévisage Kylie et Scottie qui prennent peur et crient mon nom. Je me retourne un peu et vois ce visage énorme. Cela me glace le sang. Je n’ai jamais rien vu d’aussi énorme.

— Léviator, combien de fois va-t-il falloir que je te répète de ne pas effrayer mes passagers ! grogne le capitaine du bateau qui s’approche des jumeaux.

— Léviaaa… ? lâche la créature marine.

— Allons mon ami ! Tu mesures vingt pieds et tu pèses une tonne !

— Estelle ?! lâche Scottie en se penchant par-dessus le rempart. Ça va ?!

— Euh, ouais… ? je couine en levant ma tête vers lui.

Je remarque que Braségali toise le gros serpent des mers avec colère.

— Ne l’attaque pas ! je lui lance. C’est l’ami du capitaine !

— Grrr ! fait mon oiseau.

— Léviaaaa… grogne le gros Pokémon.

— Attends, je vais chercher une corde ! lance Maxwell.

Quelques minutes plus tard, je remonte à la surface du bateau et le capitaine donne quelques friandises au Léviator qui s’éloigne aussitôt. Kylie me fait enlever mon linge pour me recouvrir avec son manteau et une couverture qu’elle a gardée dans son sac. Elle fait sécher mes vêtements et mes Poké Balls près de nos bancs, alors que son Dracaufeu souffle un peu d’air chaud dans ma direction. Braségali l’imite et je remarque que mes grelottements cessent.

— Veuillez m’excuser pour cet incident, dit le capitaine. Mon Léviator passe son temps à venir me dire bonjour de cette façon. Il ignorait que nous avions des passagers.

— Votre Léviator ? je dis. Pourquoi est-il en dehors de sa Poké Ball ?

— Pour la même raison que votre Braségali. Il aime se promener librement.

— Pauvre Léviator… dit Scottie. Il doit avoir honte.

— Il va s’en remettre, déclare le capitaine. C’est une brave bête !

Je soupire de soulagement alors que j’enfile un tee-shirt tout sec. Je me tourne vers mon Braségali qui se sent rassuré. Scottie ne peut s’empêcher de trouver la situation marrante, malgré mon état actuel. Il cache un fou rire nerveux même si sa sœur est à présent un peu grincheuse. Je me demande bien pourquoi.

— Au moins, il ne m’a pas bouffé, je dis en pouffant de rire.

Scottie rit alors aux éclats, suivi de sa sœur, puis le capitaine nous imite en se plaçant les mains derrière la tête, d’embarras. On peut voir le Léviator s’éloigner tranquillement à l’horizon. Cet incident, bien que normalement effrayant, m’a complètement fait oublier mes soucis.

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