47. Problèmes de cœurs

15 minutes de lecture

Estelle, 16 ans
« Ai-je un futur beau-père ? »

J’ai passé une partie de l’après-midi avec Gabriel, afin de prendre connaissance avec lui. C’est un chic type dans le fond et je commence à apprécier sa présence, mais je le vois bien qu’il essaie de me cacher quelque chose, un détail qui le perturbe. Je n’ose pas le déranger, mais je suis quand même curieuse de savoir ce qu’il a. Quant à Braségali, il a rattrapé le temps perdu avec ses parents. Il a même fait la connaissance des autres Pokémon de l’équipe de son ancien propriétaire qui semblent déjà reconnaître son odeur et ses traits familiers à ceux de ses parents.

Gabriel a un Monsieur Mime surnommé Glenn, une Cupcanaille baptisée Cannelle et un Dédenne prénommé Chippy. Le petit hamster passe son temps assit sur la tête de son maître et regarde les autres Pokémon jouer, alors que nous sommes installés sur la véranda de son appartement.

Le bloc dans lequel Gabriel vit est situé à quelques kilomètres du manoir. J’ai changé d’avis en ce qui concerne ma maison, je n’ai pas vraiment envie d’y retourner si mon père n’y est pas. Plus j’y pense et plus, je sais que je devrais confronter l’enterrement des cendres d’Arbok. Je veux attendre que les jumeaux reviennent, afin qu’ils puissent faire leurs adieux avec moi, une toute dernière fois. Je ne leur ai même pas encore dit que j’ai capturé un nouvel Abo alors que nous étions sur la route.

Mon nouveau Pokémon n’est jamais sorti de sa Poké Ball ; il est toujours dans une boîte d’ordinateur et se repose au laboratoire du Professeur Chen. J’imagine que celui-ci désire que je le prenne dans mon équipe, mais je n’en ai pas envie. Pas pour le moment. Même si je sais que c’est cruel pour lui…

Gabriel me passe son ordinateur portable afin que je puisse envoyer quelques courriels à mes contacts. Jenny, Katia et Tom sont à Céladopole pour les prochains jours, mais pour aujourd’hui, ils sont en dehors de la ville pour leurs entraînements. J’irai bien les rejoindre, mais j’ai envie de me reposer pour aujourd’hui.

Il semblerait que Jenny ait gagné les premières courses avec son Pikachu, mais que sa prochaine adversaire ait des Pokémon plus rapides que les siens. Elle paraît inquiète. Je lui envoie quelques encouragements. Katia a maintenant tous les rubans dont elle a besoin pour se rendre au Grand Festival. Elle a même eu la chance d’en collectionner une dizaine. Je suis quand même étonnée et j’ai hâte de voir jusqu’où elle rendra.

Quant à Tom, il a envoyé plusieurs de ses observations au Professeur Chen. Ce dernier l’a félicité pour son travail et lui souhaite bonne chance pour ses prochaines découvertes. Je suis heureuse d’apprendre qu’il reçoit enfin du soutien de la part de son idole. C’est un immense honneur pour lui d’être guidé par cet homme qu’il considère comme un mentor.

J’ai aussi reçu des nouvelles de Yanis et Martyr à travers Jenny. Ceux-ci sont en route pour Safrania où le jeune homme Martyr compte affronter Morgane. Il semblerait que les deux groupes se soient rencontrés souvent sur la route et qu’ils sont devenus d’excellents amis. Yanis donne aussi beaucoup de conseils à Katia pour méditer et adopter une attitude sereine face à toute la haine et les préjugés qu’elle peut recevoir. C’est sympa de sa part. Katia a bien besoin de toute l’aide qu’elle peut, après tout.

Je ne m’attendais honnêtement pas à ce qu’il comprenne ce que vit Katia, mais je suis joliment surprise d’apprendre tout ça. C’est donc moi, dans le fond, qui ai trop de préjugés envers les médiums. Je revois toujours le visage pâle de Yanis et son expression monotone dans ma tête… Je me demande s’il s’est coupé les cheveux depuis la dernière fois que je l’ai vu en photos. Son Cornèbre ne le quitte jamais d'après les dires de Jenny.

Mon smartphone se met alors à vibrer, je l’ai laissé sur la table de la véranda tandis que l’ordinateur portable se trouve sur mes genoux. Je passe ce dernier à Gabriel, puis prend mon appareil. Après avoir appuyé sur le bouton pour répondre, j’entends des sanglots de l’autre côté. J’ai regardé rapidement sur l’écran pour me rendre compte qu’il s’agissait de notre cher ami guitariste…

— Jake ? je demande. Jake, qu’est-ce qu’il y a ?

Sam… Sam est… hoquette celui-ci.

— Jake !? Oh bonté divine…

Ils n’ont pas pu le… ranimer… Il est mort sur la table d’opération.

— Mais comment est-ce possible !?

Cet après-midi, il crachait du sang, un caillot a éclaté près de son cœur…

— Oh non… Jake…

Je n’arrive pas à rejoindre Kylie, ni Scottie…

Il pleure à chaudes larmes de l’autre côté de l’appareil. Tout allait si bien pour son ami, comment se fait-il qu’ils n’aient pas pu découvrir ce caillot à temps ? Le temps semble s’arrêter autour de moi. Gabriel comprend que j’ai besoin d’intimité, alors il m’offre d’un signe de tête de rentrer dans son appartement afin de parler avec Jake.

— Les jumeaux sont en route pour Bourg Geon. Ils ont eu des nouvelles de leur père qui est en phase terminale, je dis à mon ami. C’est un cancer.

Ah… Ils sont partis en train, c’est ça ?

— Ouais. C’était moins cher qu’en avion.

Fait chier ! braille-t-il.

Il éloigne son téléphone portable et lâche un cri. Cette douleur, je la reconnais. C’était un coup de poignard dans le cœur, comme quand Arbok est mort à mes pieds. Je m’installe sur le grand divan, vieux et brunâtre de Gabriel. Celui-ci sent étrangement le parfum de mon père.

Je me demande s’ils ont fait quelque chose de louche ici…

Je me lève aussitôt nerveusement et tripote une mèche folle près de mon oreille gauche. Change-toi les idées, Estelle… et vite…

Jake passe les prochaines minutes à pleurer et à marmonner plusieurs mots incompréhensibles à l’appareil. Je suis sans mots. Je prends une grande inspiration avant de lui demander :

— Où es-tu ? Est-ce que sa famille a été mise au courant ?

Je suis au Centre Pokémon de sa ville. Sa famille m’a jeté en dehors de la chambre où il était. Ils étaient furieux parce qu’ils blâment notre groupe de musique pour sa mort…

— Ils n’ont pas fait ça… Ces ordures !

Il n’y a rien que je puisse faire. Je les ai suppliés de me laisser venir à l’enterrement, mais ils vont m’envoyer les flics pour m’arrêter, si je me présente là-bas.

— Mais ce n’est pas votre faute ! je hurle presque dans mon appareil.

Je sais ! Mais que veux-tu que je fasse ? Ses parents sont des trous de culs ! Ils n’en ont rien à foutre que cette explosion soit un accident.

— Alors proteste ! Proteste ton droit de voir ton ami une dernière fois avant qu’il soit enterré. Où sont les autres membres de votre groupe ?

En ville… Pourquoi ?

— Dans ce cas, allez manifester vos droits.

Estelle… Tu n'as pas l’air de comprendre que son père est le maire de la ville à laquelle nous sommes et sa femme travaille comme secrétaire à son bureau. Ils font la loi.

— Article 4, alinéa 16 des Droits de la Citoyenneté de Kanto : empêcher toute personne de dire adieu à un être cher, à un enterrement est punissable par la loi. Sauf si la personne concernée a déjà un casier judiciaire lié à la famille du défunt.

Comment se fait-il que tu saches tout ça !? demande-t-il en reniflant.

— On ne devient pas héritière d’une entreprise sans apprendre ses droits. Crois-moi, il n’y a rien de plus assommant…

Il prend un moment pour respirer un bon coup, puis essuie ses larmes.

Tu as raison, je battrai pour le voir une dernière fois, me dit-il, ému. Merci ma chère Estelle… Tu sais que je t’adore hein ? Je t’enlace fort, fort, fort !

Il raccroche aussitôt. Mon cœur bat la chamade dans ma poitrine. Ces mots ont l’effet d’une douche froide. Je réalise à quel point je tiens à lui et à quel point sa présence me manque. Je soupire et commence à pianoter sur mon écran un texto que j’envoie aux jumeaux. Je vois que ces derniers sont encore dans le train et qu’ils ne sont pas en ligne. J’espère qu’ils recevront du signal Wi-Fi d’ici peu.

J’ai besoin d’eux plus que jamais. Je suis ébranlée.

Gabriel rentre avec son ordinateur sous le bras. Il parle au téléphone lui aussi.

— Mais non, chéri, je t’assure que tout va bien, dit-il. Je t’assure que je vais prendre soin d’elle jusqu’à ce qu’elle reparte sur la route.

Il me lance un regard puis retourne à sa conversation.

— Veux-tu que je te la passe, Flint ? demande-t-il. Mm hmm… D’accord.

Il me passe alors son smartphone et je le place à mon oreille.

— Papa ? dis-je. Je suis en ville.

Je sais ! remarque-t-il. Comment ça se passe avec Gabriel ? Est-ce que t’as aimé le resto ?

— Ça se passe très bien, disais-je. Enfin…

Mon chou m’a expliqué que tu viens de recevoir un appel inquiétant… Qu’est-ce qui ne va pas ? Aussi, où sont les jumeaux ?

Je décide de lui expliquer en détails ce qui vient de se passer et que les jumeaux ne sont pas avec moi parce qu’ils sont en route pour Johto.

Ah… Je vois… fait-il. Tu as bien fait de lui mentionner l’article, je t’ai bien élevée.

Il pouffe de rire avant que je n’entende des bruits de pas de l’autre côté de l’appareil. Il semble marcher parmi la foule, quelque part. Sûrement un aéroport.

— Tu m’as tellement fait répéter cet article qu’il m’est resté coincé dans la tête, je remarque. Mais bon… Ça me fait bizarre de ne pas avoir Kylie et Scottie à mes côtés… et ça fait à peine quelques heures qu’ils sont partis. Tu reviens quand ?

Dans quelques jours, dit-il. Je viens de livrer une cargaison importante à la compagnie qui m’a embauchée et je vais prendre les prochains jours pour visiter mes clients.

— Tu me manques…

Toi aussi, ma princesse. Profite de ces jours à Céladopole pour recharger tes batteries. On partira à Alola une fois que tes camarades reviendront de Johto, tiens !

— Je ne sais pas s’ils auront envie de partir rapidement… Ils vont quand même rencontrer leur père pour la première fois et tu sais qu’il est mourant… Ils risquent d’être dans un drôle d’état quand ils reviendront à Kanto.

Tu marques un point. Je crois que nous verrons comment la situation évoluera.

Il me demande alors de me repasser Gabriel après m’avoir souhaité une bonne fin de journée, puis je dis à son petit ami que je vais faire un tour à l’extérieur. Je ne sais pas quand je reviendrai, mais celui-ci m’a invité pour le dîner. On fait des pâtes, ce soir.

J’ai déjà planifié de me louer une chambre au Centre Pokémon pour la nuit, car je n’ai pas vraiment l’intention de déranger Gabriel plus que ça. Je sais que celui-ci est un homme important dans la vie de mon père, mais je n’ai pas envie de me mettre trop dans ses pattes.

Je salue donc ce gentil monsieur et je sors par la porte de la véranda afin d’aller chercher mon Pokémon. Braségali s’amuse toujours en compagnie de ses parents.

— Viens Braségali, je dis. Allons nous promener, si tu le veux bien.

Il me lance un air triste et choqué, sachant qu’il doit déjà quitter ses parents. Je me retourne pour ajouter :

— Ne t’en fais pas, nous reviendrons pour le dîner.

— Gali, fait mon Pokémon, soulagé.

— On revient bientôt, promis.

Braségali fait au revoir à Loki et Carmen et nous nous éloignons de l’appartement de Gabriel. On peut voir l’entrée de ma cour pas très loin de ce quartier. Comme toujours, les gigantesques arbres couvrent une bonne partie de notre domaine privé et les gens ont besoin d’une autorisation pour entrer dans celui-ci. De grandes haies épaisses cachent la vue des passants, mais lorsqu’on passe devant les grilles fermées de notre manoir, on peut voir la grande cour où j’ai passé une bonne partie de mon enfance. Je vois que les fleurs autour de la grande fontaine décorative sont mortes, à cause de la température. À mon départ, en septembre, c’était recouvert de toutes sortes de couleurs… Du rose, du rouge, du jaune, du vert…

Je peux voir notre jardinier qui taille quelques haies alors que je marche de l’autre côté du mur. Celui-ci me remarque et me salue. J’en déduis qu’il est sur la dernière marche de son escabeau. C’est un vieil homme moustachu qui a travaillé pratiquement toute mon existence pour mon père. Celui-ci s’y connaît en matière de plantes, fleurs et légumes. La plupart de nos ingrédients viennent de ses jardins. Il est bien payé et entretient la cour avec l’aide de quelques assistants, par moments.

— Bonjour Mademoiselle Markios ! dit-il. Content de vous revoir en ville !

— Merci beaucoup Nathaniel ! Comment se portent les choses au manoir en mon absence ?

— Oh, vous savez, c’est beaucoup tranquille depuis votre départ ! Les servantes sont ravies d’entendre parler de vos exploits à travers votre père. Voudriez-vous que j’ouvre le portail pour vous ? Je crois qu’elles seraient heureuses de vous revoir.

— Non merci, mon ami. Je suis simplement en train de me promener. J’ai rendez-vous avec Gabriel dans quelques heures. Prenez soin de vous !

— Et… Et vous aussi, très chère !

Est-ce moi ou il a hésité un moment avant de me répondre ?

Il s’incline poliment sur son escabeau et retourne à son activité. Nous nous parlons tous ainsi au manoir. J’ai plusieurs règles de courtoisie à respecter et le vouvoiement en fait partie pour les personnes aînées. J’ai été enseignée très jeune à me comporter comme une enfant modèle devant les inconnus, surtout si ce sont des gens de la haute société.

Ça fait des mois que je suis habituée au langage populaire des jeunes adultes comme Kylie et Scottie. Ça m’étonne donc de retrouver facilement mes anciennes habitudes. Il n’y a qu’avec mon père que je suis autorisée à parler de manière plus familière. Ludo est mon autre exception, car celui-ci ne supporte pas d’être vouvoyé. Je le comprends parfaitement. Je déteste ça.

Je ne peux m’empêcher de repenser à cette conversation que je viens d’avoir Jake. Le pauvre… Il était en détresse quand m’a appelé. J’espère sincèrement qu’il réussira à changer l’avis des parents de Sam. Je trouve ça dommage que ce dernier soit décédé. Si jeune… en plus.

— Alors Braségali… je demande à mon Pokémon. Que penses-tu de Gabriel ?

Je regarde mon partenaire qui m’observe un instant, puis hausse les épaules. Il n’a pas tellement passé beaucoup de temps avec lui, aujourd’hui, parce qu’il était trop occupé avec Loki et Carmen.

— Je crois que Papa à viser dans le mille avec lui, je dis en longeant le mur de haies de ma cour. On dirait qu’ils se complètent à plusieurs niveaux. Mais je vais être franc avec toi, Gabriel me rappelle vaguement quelqu’un. J’ai l’impression de l’avoir déjà vu quelque part.

Je suis un peu envieuse à l’idée que Papa ait autant de plaisir avec lui, car je n’ai jamais eu de relation aussi sérieuse que la sienne ou l’étrange entente qu’il a eût avec ma mère biologique.

Il y a encore quelques semaines, je m'imaginais sortir avec Jake…

Je me suis vite rendu compte que nous n’étions peut-être pas si compatibles que ça.

Mon téléphone se met à vibrer.

Tiens, en parlant du loup, il s’agit encore du musicien.

— Oui ? je réponds. C’est moi.

J’ai appelé chez eux après m’être calmé. Sa mère a accepté, dit-il nerveusement. Son père ne veut rien entendre.

— C’est quand même un bon début, non ?

Ouais. Quand j’ai mentionné l’article 4, elle a compris que j’étais tout aussi désespéré qu’elle et elle m’a demandé de ne pas ébruiter cette histoire, car cela pourrait nuire à la carrière de son mari. Le père de Sam, de son côté, s’est enfermé dans sa chambre et pleure puis hurle de rage, il a besoin de se défouler et de blâmer quelqu’un…

— La crise passera, tu verras. C’est important pour toi et le reste de votre bande de communiquer vos sentiments à la famille de Sam.

Ouais… Je sais…

Il expire. Quelques secondes plus tard, il ajoute :

Tu me manques, tu sais ?

Je ne sais pas trop comment répondre. Je rougis. Évidemment, il ne peut pas me voir à travers l’appareil. Je rigole nerveusement sans pouvoir me contrôler.

— Écoute, on a pourtant été clairs là-dessus, tu ne m’aimes pas de cette manière, je dis en essayant de ne pas hausser le ton.

Ouais, c’est bien ce que j’ai dit… Mais ton amitié m’est précieuse et je m’ennuie de toi comme je m’ennuie de Kylie et Scottie. Vous êtes pour moi de très bons amis.

— J’ai quand même quelques sentiments pour toi… alors si tu pouvais… Euh…

Oui, je sais… C’est sorti comme une déclaration d’amour, pas vrai ?

— Plus ou moins…

Moi-même, je ne sais pas où je m’en vais avec mes affaires de cœur, dit-il. Cependant, je ne veux pas te forcer à rester ami avec moi, surtout si tu sais que je risque de te faire du mal à la longue.

— Je suis encore là, pourtant…

Évidemment…

Un silence troublant s’ensuit. Nous sommes à court de conversation. C’est étrange à dire, mais j’ai l’impression qu’il ne veut pas raccrocher, ni me dire au revoir. Je n’ai pas envie d’accrocher non plus. Je l'entend respirer quelques fois avant de me remettre à marcher sur le trottoir. Il sanglote un peu, sûrement à cause de son ami.

Je hais ces émotions, grogne-t-il. Sam n’a pas mérité de mourir.

— Je te crois… Ce sentiment est vraiment le pire qui soit.

Après Arbok, je n'imaginais pas que j’allais vivre un autre deuil aussi violent…

Je l’entends gémir, puis lâcher des jurons. Il s’excuse et se mouche. Pour quelqu’un qui est normalement très calme et reposé, sa frustration me rappelle qu’il avait autrefois des problèmes de drogues. Il est à cran ces derniers jours. J’ai l’impression que son sommeil est troublé ou bien qu’il n’arrive plus à se calmer comme avant.

— Pourquoi ne t’allonges-tu pas pour quelques heures ? je lui propose. Essaie de te détendre un peu et rappelle-moi lorsque t’auras besoin de te vider le cœur.

Bonne idée, soupire celui-ci.

— Tu sais où me trouver de toute façon.

Je sais.

Un autre moment de silence, et je me tourne vers Braségali qui se demande bien ce que je suis en train de faire. Il ne sait pas que je parle avec Jake. Il n’a jamais compris comment fonctionne un téléphone, de toute manière, quoique… celui-ci sache comment faire fonctionner un baladeur. Mon ami musicien hésite à raccrocher.

Crois-tu que tu arriveras un jour à me pardonner pour avoir été aussi con envers toi ? me demande-t-il soudainement. Je réalise à quel point je ne mérite pas vraiment ton amitié.

— Mais qu’est-ce que tu racontes ? Tu n’as rien à te reprocher, tu as un blocage émotionnel et c’est tout.

Oui… mais si c’était parce que j’ai peur de m’engager avec quelqu’un dans une relation sérieuse, en fait ? Et si cette peur, c’est la raison pour laquelle ça ne marche simplement pas ?

— Je ne peux pas vraiment te répondre là-dessus, Jake… Seul toi peut répondre à tes propres questions… Mais fais comme je t’ai dit et essaie de te reposer. T’as l’air épuisé.

Mouais… Bonne fin de journée, Est’.

— Prends soin de toi. Bises.

Je raccroche quelques secondes plus tard et baisse le smartphone de mon oreille. Mon cœur bat toujours à une vitesse folle. Braségali semble avoir ressenti mon pouls, car il a une bonne audition et arrive à repérer le moindre bruit s’il se concentre bien. Il a entendu le prénom de Jake et je peux déjà constater en lui un changement d’expression. Il paraît irrité que je lui parle encore, comme c’est son côté surprotecteur qui refait surface. Je me demande s’il a été capable d’entendre la voix de Jake, même si mon volume était plutôt bas.

— Ne restons pas là, je finis par lui dire. Allons plutôt faire un tour au centre commercial avant que je ne perde la tête. Je vais ramasser des ingrédients pour faire une salade au dîner avec Gabriel. Ça devrait bien te servir puisque tu ne manges pas de pâtes.

Il me regarde d’un drôle d’air et roucoule, heureux.

— Évidemment, je ne t’oublie pas, je dis. Je vais rajouter des croquettes végétariennes dans la recette et quelques morceaux de viande, parce que t’as besoin de protéines. Je crois qu’on devrait acheter une baguette… Qu’en penses-tu ? Peut-être aimerait-il du pain à l’ail avec ses pâtes…

Je suis plongée dans mes pensées alors que nous marchons le long du trottoir. Je commence à grelotter pendant que je fais la conversation à mon Pokémon. Je n’aime vraiment pas cette température…

Malgré ces émotions qui jouent comme une balle de ping-pong avec mon cœur, j’ai hâte de passer cette soirée en compagnie de Gabriel. Moi aussi, j’ai besoin de me reposer et de me changer les idées. Qui sait ? Peut-être que le nouveau petit ami de mon père aura quelque chose d’intéressant à nous raconter ?

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