25. Changement d'image

21 minutes de lecture

Estelle, 16 ans
Fille d’un homme à scandales

Notre séjour à Azuria a été plus long que prévu.

Tout d’abord, la Championne de l’arène était absente et ne serait pas disponible avant deux semaines après notre arrivée. Puis, Kylie a été placée dans une chambre privée de l’hôpital afin qu’on la mette en observation et qu’elle puisse voir des professionnels.

La nouvelle du meurtre de sa fiancée l’avait complètement secoué, à un tel point qu’elle ne mangeait presque plus et qu’elle ne dormait plus tellement. Son frère a dû se résoudre à lui donner des somnifères au bout des premières quarante-heures. Lors du troisième jour, elle a essayé de se ressaisir, mais son moral était si affecté qu’elle ne pouvait plus rien avaler. Il a donc été décidé de la mettre sous intraveineuses, le temps qu’elle se ressaisisse. Au moins, elle a de l’aide. C’est tout ce qui compte.

Ses poings ont bien guéri en une dizaine de jours. J’ai souvent appliqué un onguent sur sa peau, chaque fois que je la rendais visite. Elle n’osait même pas me regarder, tant elle avait honte de s’être emportée violemment. Je comprends malgré tout qu’elle a le cœur brisé et qu’elle avait besoin de temps pour accepter la nouvelle. Au moins, elle sait désormais que sa petite amie a été vengée et que cette vilaine femme coulera plusieurs années en prison.

J’ai suivi le procès de près durant les jours qui ont succédé la nouvelle. Finalement, Mme Lemoine a écopé vingt ans d’incarcération pour homicide prémédité et son fils purgera quelques mois de travaux communautaires pour avoir gardé une preuve si importante chez lui. Il aurait pu faire la prison, mais le jury a fait preuve de clémence, à son égard. Cette dernière nouvelle ne paraît pas enchanter mon amie.

Deux semaines après la tragique nouvelle, je viens rendre visite à Kylie. Elle a repris des couleurs. Son frère a dû s’absenter un peu pour aller dormir dans un lit de la chambre voisine, car celle-ci ne pouvait accueillir qu’un patient et quelques visiteurs. On a débranché Kylie des machines, mais elle aura besoin de rester en ville pour au moins deux autres jours. Ceux qui l’ont observé veulent s’assurer que sa grève de la faim est terminée, alors Scottie et moi, nous serons avec elle quoi qu’il arrive.

Kylie est sous antidépresseurs afin de calmer sa colère et il est fort possible qu’elle doive prendre ce médicament pour les mois à venir. Je suis même prête à l’aider financièrement jusqu’à ce qu’elle puisse m’assurer qu’elle pourra les acheter d’elle-même. Son budget est déjà très serré comme ça. Je veux donc m’assurer qu’elle ne manquera de rien.

C’est le matin. Elle est toujours habillée avec sa robe de chambre bleue ; celle que tous les patients portent dans les hôpitaux. Elle n’a pas encore eu son petit-déjeuné, mais l’infirmière m’a expliqué qu’elle a pris ses médicaments au lever.

Lorsque j’entre dans la chambre pour lui porter des fleurs, Kylie est assise près de la fenêtre et observe la fine pluie d’automne qui tape sur la vitre de la pièce. C’est à peine si on peut la reconnaître avec cet accoutrement.

— Tu vas pouvoir sortir d’ici à ce midi, je lui dis en m’approchant du lit.

Elle ne parle pas. En quatorze jours, elle n’a rien dit. Seulement écrit des mots dans un calepin ou bien grogner quand elle ne voulait pas coopérer avec les gens qui souhaitaient la soigner. Elle hoche la tête, même si elle ne me regarde pas. Je peux voir le coin de son œil droit, elle a beaucoup pleuré, la nuit dernière. Au moins, je suis rassurée de savoir qu’elle ne se laisse plus crever de faim.

Je prends le pot de fleurs qui j’ai emporté quelques jours plus tôt pour vider son contenu, avant de verser un peu d’eau dans celui-ci et y mettre le nouveau bouquet. Cette pièce avait une odeur étrange, à la base. Je me dis que cette fragrance peut au moins couvrir celle des médicaments et des trucs médicinaux. J’ignore si Kylie aime ces fleurs, mais son frère me dit qu’elle semble apprécier leur parfum naturel.

J’observe ses poings, ceux-ci sont encore roses, mais les plaies se sont bien refermées avec les points de suture que nous avons fait enlever, quelques jours plus tôt. Elle a recommencé à bouger ses doigts sans avoir mal et, mais doit quand même les repose, selon les directives du médecin. Il est fort possible qu’elle ait des cicatrices sur ses mains pour le reste de ses jours, mais au moins, nous avons pu limiter les dégâts.

Scottie m’a expliqué que sa sœur ne se coupe pas volontairement. Je lui avais fait part de mes inquiétudes et il a d’abord été choqué d’apprendre que je me documentais sur ce genre de problème psychologique. Normal, j’ai un père qui a souffert de dépression. J’avais peur à une certaine époque qu’il s’ouvre les veines et qu’on le retrouve mort dans sa salle d’étude, au manoir. Mais depuis quelques années, je m’inquiète moins pour lui. Il a repris sa vie en main. Et maintenant, il a Gabriel dans sa vie.

Kylie n’est pas comme ça, m’avait-il expliqué. Elle est juste très maladroite et plusieurs de ses blessures sont provoquées par ses chutes et nos nombreuses rencontres avec des Pokémon sauvages. Ça me touche que tu te soucies pour elle, mais bon… si elle le faisait, je crois que je le saurais. C’est quand même ma jumelle…

Il est vrai que Scottie et Kylie soient liés et tout le temps ensemble. Mais il est possible qu’elle fasse des trucs en secret, quand ils sont séparés. Cependant, pour vérifier mes dires, nous avons fouillé dans les affaires de sa sœur et nous n’avons trouvé ni trace de couteau, de ciseau, ou d’objet tranchant dans son sac. Ni de tissus usagés, tachés de sang et j’en passe. La seule chose de coupant qu’elle avait à disposition, un couteau à beurre en plastique. Et on ne peut pas se couper facilement avec ça.

Vous faites bien de vous inquiéter ainsi pour votre amie, Mademoiselle Markios, m’avait expliqué son docteur, lors d’une visite privée pour prendre de ses nouvelles. Mais je peux vous assurer que notre équipe prend soin de Mademoiselle Sanders. Toutefois, nous ne pouvons pas vous divulguer des informations privées à son sujet.

C’était durant la première semaine de son hospitalisation. J’ai eu besoin de m’assurer qu’elle était bien encadrée et que son frère et moi, nous avions pris les mesures nécessaires pour éviter qu’elle ne soit un danger pour elle-même.

De retour au présent, je suis soulagée de voir que notre Kylie internationale puisse enfin sortir de cet hôpital. Se promener un peu autour d’Azuria lui fera le plus grand bien. Même une balade dans la nature serait mieux que de rester enfermé ici.

Ses Pokémon n’ont pas eu la chance de la voir autant qu’ils le souhaitaient durant ces deux dernières semaines ; donc j’en ai profité avec Scottie pour les sortir un peu afin de leur permettre de se promener dans le parc de la ville. Nous leur avons annoncé pourquoi Kylie était à l’hôpital et pourquoi elle ne pouvait pas les entraîner, ces derniers jours. Certains d’entre eux semblaient moins affectés. Celui qui a pris la nouvelle très dure était Colossinge, son partenaire de départ à Kanto. Nous lui avons donc permis de visiter Kylie, hier. Il mourrait d’impatience de revoir sa Dresseuse.

Bien que Kylie fût silencieuse, la présence de Colossinge l’a réconforté. Ils se sont même enlacés, pendant un moment. Le pauvre singe au nez de cochon n’avait pas l’habitude de voir cette dernière dans cet état : si défaite, si faible et surtout si pâle.

— Que veux-tu qu’on fasse une fois sortie de l’hôpital ? je lui demande. La Championne d’Azuria est de retour, mais tu n’es pas assez en forme pour un combat… alors… Que dirais-tu qu’on aille faire un peu de shopping avec ton frère ? Nous avons besoin de nouveaux vêtements chauds pour la route, donc je me dis que je pourrai vous payer quelques vêtements en cadeau…

Elle hausse les épaules un moment, puis penche la tête d’un côté, avant de finalement la hocher. Elle n’a pas vraiment le goût de parler, je peux comprendre, mais son mutisme m’inquiète.

— Promets-moi de manger un morceau avant que Scottie se réveille… d’accord ? j’ajoute. Il stresse beaucoup à cause de tout ça. Il dort très mal parce qu’il s’inquiète.

Elle baisse la tête, honteuse du fait qu’elle cause tant de soucis à son jumeau, puis opine une seconde fois du chef. Elle évite toujours mon regard.

Galifeu est à l’entrée de la pièce et ressent la tristesse dans ma voix. Il sait mieux que quiconque que je m’inquiète beaucoup pour Kylie. Je n’ai pas de problèmes de sommeil, mais la plupart du temps, toutes mes pensées sont penchées sur les jumeaux Sanders. Ils ont vécu un calvaire l’année dernière. Le moindre que je puisse faire est de me montrer patiente avec eux et de leur offrir mon soutien. Pourtant, voir mon amie dans cet état me crève le cœur.

Je m’assois à côté d’elle, sur le rebord de la fenêtre. Je lui prends une main pour lui montrer que je suis là pour elle. Elle semble hésitante, puis tourne son regard rempli de désespoir vers moi.

— Tu sais Kylie… Je n’ai jamais eu la chance d’avoir des amis comme Scottie et toi, je lui raconte. J’ai toujours été entourée de gens plus vieux que moi… et… Je n’ai jamais vraiment connu des gens comme vous… Aussi généreux et adorables avec qui j’ai pu passer du bon temps… Vous m’avez ouvert les yeux sur tellement de choses…

Elle écoute en silence, son regard change de la tristesse à une concentration plutôt neutre. Elle a une très bonne écoute, en tout cas. C’est tout ce qu’elle peut faire depuis deux semaines. Je me suis surprise à lui dire tout plein de choses que je n’ai pas vraiment eu le courage d’avouer à mon père, mon garde du corps ou même Scottie. Je lui ai fait part de mes propres insécurités, de mes envies, de mes rêves. J’ai réussi à lui faire sourire quelques fois et à m’enlacer durant quelques visites. Même si elle ne trouvait pas les mots, elle était là pour moi, comme j’étais là pour elle.

— Je sais que tu n’as pas voulu m’entraîner dans ton histoire, tu me l’as dit plusieurs fois depuis qu’on s’est rencontré, je continue mon monologue. Mais je ne peux pas m’empêcher de me dire… Que je ne peux pas imaginer ma vie sans vous, en ce moment… J’ai un lourd fardeau qui repose sur mes épaules, mais vous continuez sans cesse de m’aider dans mon aventure et à faire de moi une meilleure personne, chaque jour… Vous êtes… en quelque sorte… devenus mes meilleurs amis…

En prononçant ces derniers mots, je sens les larmes couler le long de mes joues. Merde… je ne voulais pas faire ça. Et voilà que je commence à hoqueter :

— J’ai… J’ai c… cru un m… moment, l’autre j… jour que tu voulais en f… finir et… et… je… et je…

Kylie s’empresse d’essuyer l’une de mes larmes et me tire vers elle, pour ensuite m’enlacer. Elle pleure à chaudes larmes.

— Je te demande pardon ! s’exclame-t-elle en pleurant contre mon épaule.

C’était un râle… mais ce sont les premiers mots qu’elle a prononcés depuis son hospitalisation. Et dire qu’il a fallu que je me montre encore plus vulnérable pour la sortir de sa léthargie. Sa voix devrait revenir doucement, à présent.

— Ç… ça va… dis-je. On ne p… pouvait pas pré… prévoir cette crise.

Nous restons ainsi pour une bonne dizaine de minutes en silence. Lorsque nous avons terminé, Kylie s’essuie les yeux, et moi les miens. À la simple idée d’avoir compris que j’avais peur pour sa vie, cela a eu l’effet d’un coup de fouet sur sa conscience.

Scottie a fini par se réveiller de sa sieste et est venu nous retrouver. À sa grande surprise, il voit que nous parlons et rions, même si la voix de sa jumelle est faible pour le moment. Une trentaine de minutes plus tard, je brosse les cheveux de Kylie après qu’elle s’est lavée, puis séchée. Elle chantonne un air de son ancien groupe de musique. Son frère et moi, on commence à reconnaître sa voix habituelle. Elle sourit, malgré la douleur en elle. Elle a retrouvé l’envie de vivre, même si ces deux dernières semaines ont été un enfer pour elle. Nous avons reçu son autorisation pour qu’elle puisse se changer. Tous les papiers ont été signés pour qu’elle puisse sortir de l’hôpital. Évidemment, on restera deux jours de plus à Azuria, comme prévu.

Pendant qu’elle se préparait mentalement pour sortir d’ici, j’ai expliqué à Kylie certains détails du procès de Mme Lemoine. Bien qu’elle n’ait rien exprimé à ce sujet, je sais qu’elle est satisfaite de savoir que cette femme passera beaucoup de temps derrière les barreaux. Après avoir attaché ses cheveux en queue de cheval, celle-ci se lève et ramasse les vêtements qu’on a nettoyés, puis posés sur la commode à côté de son lit. Elle s’éloigne et entra dans sa salle de bain personnelle.

— Eh bah, je ne sais pas ce que tu lui as dit, mais elle semble se sentir mieux, déclare Scottie.

— Je lui ai simplement dit que je ne voulais pas qu’il lui arrive quoi que ce soit. C’est comme si un feu s’est rallumé en elle.

— Elle déteste entendre parler de suicide, ça doit être pour ça que ça a touché une corde sensible lorsque tu lui as dit ça.

— Je pensai honnêtement qu’elle se laissait mourir… Ça m’a tué.

— Je comprends où tu veux en venir. J’ai souvent dû aider ma sœur à se remettre sur pied après ses nombreuses déprimes. Elles n’ont jamais duré si longtemps. C'étaient toujours des crises d’une journée ou deux. Puis, elles ont grandement diminué avec le temps. Elle n’a jamais cru à cette théorie qui disait que Vicky s’était suicidé dans cet incendie non plus. Juste des trucs qui se disaient près de Bourg Geon. Ne t’en fais pas. Moi non plus, je n’ai jamais cru à ces rumeurs. Ni à la théorie de l’accident.

Je me souviens quand il n’en avait parlé durant notre première rencontre. Celle-ci a beaucoup souffert en perdant sa fiancée. Au moins, elle a eu la chance de voir des professionnels qui sont venus de l’aile psychiatrique et ceux-ci ont compris à travers quoi, elle passait. Son deuil est si intense qu’elle a de la difficulté à passer à travers. C’est pour cette raison qu’ils ont opté pour des antidépresseurs qui l’aideront à gérer ses sentiments négatifs pour les mois à venir. Elle devra aussi consulter un psychologue, occasionnellement et s’assurer que tout aille bien dans sa vie. Elle nous a fait cette promesse à moi et son frère, durant son mutisme.

— Nous allons l’aider à se sentir mieux, je dis. Une journée à la fois.

— Merci pour tout, Estelle, me dit-il. Plusieurs auraient déjà pris la poudre d’escampette à cause de ma sœur, mais tu t’es montrée très patiente et tu as fait preuve de compassion.

— Oh, allons ! C’est la moindre des choses pour deux personnes que j’apprécie.

— Oui, mais ma sœur est vraiment… quelque chose.

— Je sais… Mais je n’ai pas peur d’elle. Vous êtes de très bons amis à mes yeux… Mes meilleurs amis, même. Je ne veux pas vous perdre.

Ce dernier rougit, puis se cache les yeux qui deviennent soudainement larmoyants.

— Maudites allergies, dit-il en riant.

Je lui donne une petite tape amicale sur l’épaule, avant de le serrer dans mes bras. Il commence à rire et me serre dans ses bras en retour. Il est heureux d’entendre que je les considère déjà comme de très bons amis. À le voir, il avait probablement peur que je perde patience un jour et que je parte de leurs vies. Ce n’est pas comme cela qu’on m’a élevé. Je suis tenace et quand je veux quelque chose, je l’obtiens à la sueur de mon front et après l’avoir mérité. C’est pourquoi il est important pour moi de m’investir corps et âme dans cette relation avec les jumeaux qui m’ont tant donné jusqu’à présent. Enfin, quand je dis corps, je ne veux pas dire le truc réservé aux parties de jambes en l’air… Vous comprenez ?

Kylie sort de sa chambre et a retrouvé son ancien style. Il lui manque ses perçages, car ceux-ci sont considérés dangereux, à cause de son état de santé mentale. Pour retrouver ses boucles, ses dards et ses autres breloques pointues, nous devons passer par l’entrée principale de l’hôpital, pour les ramasser. Pour le moment, c’est un peu étrange de voir notre amie sans ses accessoires.

Vers midi, les médecins viennent dans notre chambre pour faire leurs dernières recommandations à Kylie et lui souhaitent un prompt rétablissement. Celle-ci peut à présent sortir d’ici. Nous dormirons au Centre Pokémon et traînerons dans les centres commerciaux ou bien dans d’autres bâtiments publics jusqu’à ce que nous ayons l’autorisation de partir d’Azuria. Cela semble décourager Kylie qui souhaite reprendre nos activités, mais je me dis que nous allons en profiter pour nous entraîner dans la cour arrière du Centre avec quelques Dresseurs. C’est mieux que rien.

— Je ne peux même pas aller sur une route pour capturer de nouveaux Pokémon… boude-t-elle. C’est trop injuste.

— Patience, Ky’, dit son frère. On reprendra la route quand viendra le temps.

Une fois à l’extérieur de l’hôpital, la pluie a cessé. Kylie n’a pas envie de se rendre au Centre maintenant. C’est pourquoi nous nous rendons à une boutique de vêtements. Nous avons besoin de nouveaux manteaux, après tout. Galifeu nous suit sans se plaindre, content de revoir notre amie.

Lorsque nous poussons la porte d’entrée, nous sommes accueillis par une jeune femme stylée qui n’a pas vraiment l’air de souhaiter qu’une punk entre dans sa boutique. Elle est grande, cheveux châtains et attachés en chignons, lunettes stylées et porte une longue robe sombre bien serrée autour de sa fine silhouette.

— Je préfère vous prévenir maintenant… dit-elle. J’ai déjà eu de très mauvaises expériences avec des gens comme elle. Au moindre délit de sa part, j’envoie les flics à vos trousses, capice ?

— Gardez vos préjugés pour vous, Madame, je prononce en fronçant des sourcils. C’est une punk, mais elle n’est pas une criminelle !

— Pfft ! fait-elle tout simplement en levant son pif en l’air.

Elle s’éloigne vers la caisse enregistreuse et maintient une expression assez snobe. Notre amie doit se retenir pour ne pas lui lâcher une insulte.

Je soupire de soulagement lorsqu’elle nous laisse entrer. Kylie a remis quelques-uns de ses perçages et compte mettre les autres plus tard. Nous avons pris soins de réclamer ses bijoux avant de sortir de l’hôpital et je crois qu’elle se sent plus à son aise maintenant qu’elle a ses accessoires. Elle est très attachée à sa bague avec la tête de squelette, qui n’a aucune véritable valeur monétaire, mais qui semble avoir appartenu à l’un de ses proches. Sûrement Vicky.

Il me faut un manteau plus chaud pour les jours à venir, alors je me rends dans l’aile des vêtements pour hiver avec Scottie et Galifeu. Pendant ce temps, Kylie traîne près du côté des vêtements usagés qui ont été retravaillés et recousus à certains endroits. Elle est intéressée par un kilt rayé de rouge et de noir comme on en voit dans certains pays. Je crois que c’est cool chez certaines filles comme elle, d’en porter.

Je donne un léger coup de coude à Scottie pour lui montrer Kylie d’un signe de tête.

— C’est le genre de fringue que Vicky portait en concert… me chuchote-t-il à l’oreille.

Je vois. Kylie hésite un moment, puis repose le kilt là où elle l’a trouvé. Je retrousse donc mes manches et je laisse Scottie à l’allée des manteaux. Je m’approche par la suite de mon amie et j’observe le kilt en question, ensuite celle-ci pendant un instant.

— Quoi… ? dit-elle, virant au rouge. Qu’est-ce qu’il y a ?

— Je crois que tu es due pour une métamorphose.

— Euh… hein ? N… ne… Non, ce n’est pas ce que…

— Allons, allons ! Je t’ai dit que j’allais payer pour tes vêtements. Fais-moi confiance ! Je crois que j’ai une petite idée qui pourrait te plaire.

Elle se tait, puis me laisse alors choisir des vêtements et des accessoires qui iront avec ses goûts personnels. Je choisis bien entendu tout ce qui pourrait bien aller avec le kilt et trouve au comptoir, un fond de teint qui pourrait très bien coller avec ces vêtements. Je dis donc à Kylie de m’accompagner à la salle d’essayage où elle me suit, la tête basse.

Quelques minutes plus tard, elle sort de la pièce et s’observe dans le long miroir qui se trouve près de nous. Elle fige sur place.

— J’ai l’air d’une princesse du rock… dit-elle en couinant presque.

— Je me suis dit qu’une partie de toi avait besoin de Vicky à tes côtés, alors lorsque Scottie m’a expliqué pour le kilt, il m’est venu l’idée de te donner un nouveau style.

— Tu… Tu n’étais pas obligée, tu sais ? dit-elle en rougissant.

— Et puis, tu as quand même beaucoup de ton ancienne apparence dans tes fringues. C’est donc un bon mélange. Une toute nouvelle toi, si je peux me permettre de le dire !

— Je… Je suis sans voix… À vrai dire, je n’aime pas les jupes, ni les kilts, mais… Je dois avouer que j’aime cet ensemble. Ça me fait beaucoup penser à l’époque de notre groupe de musique.

— Tu n’es pas obligée de porter le kilt, tous les jours, hein ? C’est simplement parce que tu avais l’air de l’aimer. Va te rhabiller, je vais payer tout ça au comptoir.

Elle hoche la tête, puis retourne dans la salle d’essayage.

La caissière s’approche et m’observe un moment avant de me dire :

— Tu as du flair pour habiller les clients, c’est rare que je dise ça aux gens, mais je crois que tu as un don particulier…

Je rougis, mais je crois qu’elle a raison.

— As-tu déjà songé à faire carrière dans le mannequinat ? me demande-t-elle alors.

Je penche ma tête d’un côté, incertaine. Puis je hausse les épaules.

— À vrai dire, je suis très artistique donc pour moi la présentation vestimentaire est très importante lorsqu’on doit associer la personnalité d’une personne à son image. Je n’ai jamais pensé que je pourrai travailler un jour dans la mode, mais je crois que ça pourrait m’intéresser…

— Je vois… dit-elle. Dans tous les cas, je crois que tu devrais essayer de jouer un peu avec le style de tes amis et de tes Pokémon. Peut-être t’inspireras-tu de cette expérience. Ça me ferait plaisir de voir tes autres créations vestimentaires.

— Merci beaucoup, Madame.

— Pas de quoi ! Rares sont les gens qui ont le talent pour créer des ensembles aussi stylés. C’est un talent très important dans le show-biz.

Elle me quitte alors pour aller aider une cliente à l’entrée de sa boutique. Kylie sort de la salle d’essayage, puis revient vers moi avec les sacs remplis des vêtements qu’elle compte acheter. Elle me regarde un moment et passe une main devant mes yeux, tandis que je suis figée sur place.

— Euh… Estelle ? demande celle-ci. Est-ce que ça va ?

J’opine du chef et souris. Je crois que pour la toute première fois depuis le mois dernier, je suis sur la bonne voie de découvrir ma destinée. Je ne suis pas encore certaine de mon choix, mais je crois que peu importe ma décision, je finirai un domaine très artistique !

— La propriétaire a adoré tes nouvelles fringues, je formule en tournant mon regard vers mon amie.

— Ah… ah bon ? demande-t-elle. L’effrontée t'a dit ça ?

— Elle trouve que j’ai du talent ! je couine, ravie.

— Bah… C’est vrai que t’es douée pour créer d’excellents ensembles, quand on y pense. Je me souviens encours du Concours.

— Imagine, je pourrai devenir styliste avec beaucoup de pratique !

— Styliste… ? Mouais… Quand on y pense…

— Estelle Markios, styliste et Dresseuse Pokémon, je dis en rêvassant.

Kylie soupire avant de rire, puis secoue la tête. Elle me trouve marrante. Je ne vois pas vraiment ce qu’il y a de drôle dans tout ça, mais elle me conduit alors jusqu’à la caisse, où je paie ses nouveaux vêtements et accessoires. Nous n’avons pas terminé de choisir nos manteaux d’hiver, donc je sais que nous allons passer au moins le prochain quart d’heure à essayer ces derniers. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai envie d’aider Scottie et Kylie à mettre un peu de piquant… ou du mordant dans leur vie.

— Laissez-moi faire, les potes ! je suis en feu. Je suis en feu !

Galifeu, qui m’observe en silence, est tout aussi fasciné que la caissière, alors que je trouve tout ce qui va bien à mes camarades. Accessoires, manteaux, vêtements, chaussures, il n’y a rien à mon épreuve. Un éclair de génie me passe à l’esprit et j’ai envie de créer quelque chose de magnifique avec ces fringues. Je prends de ce fait un nouvel ensemble qui semble assez chic pour Scottie et traîne ce dernier par la main pour l’emmener à salle d’essayage. Je crois que je pourrai faire ça jours et nuits. Hi hi !

Kylie n’en revient pas à quel point j’ai l’air d’une personne différente lorsque mon esprit créatif est en marche. Elle rit toujours dans son coin, mais ce n’est probablement pas parce qu’elle se moque de moi. Je crois qu’elle réalise à quel point je suis à mon aise et ça lui fait plaisir de me voir de bonne humeur. Au moins, elle a fini par sourire. D’autant plus que sa voix naturelle est enfin revenue.

Tu vas voir Kylie, je vais te prouver que nous pouvons retrouver le bonheur après tant de tristesse ! Nous allons prouver à cette peste de Madame Lemoine que tu es magnifique et que ta vie est tout aussi importante que la sienne.

Je ferai de toi une star !

— Oh, le joli collier ! je remarque aussitôt, en me tournant à ma droite.

Je fais approcher Galifeu pour lui faire essayer le collier rouge avec une petite médaille dorée qui a l’inscription où l’on peut lire Cœur Vaillant. Mon Pokémon est gêné par mon intervention, mais je le trouve trop mignon avec le nouveau collier. Je décide donc de l’acheter rien que pour lui. On ne sait jamais, il pourrait s’en servir durant une compétition artistique comme un Concours.

— C’est vrai qu’il est cool avec ce collier, dit Kylie. Mais essaie de ne pas trop le serrer dans son cou. Nous ne voudrions pas qu’il suffoque… Bon sang, on dirait que rien ne t’arrête aujourd’hui !

— J’aime trop ça ! je formule en bondissant d’une allée à l’autre. J’ai presque envie d’habiller les autres clients ! Chaud devant le monde, Estelle Markios arrive !

— N’en fais-tu pas un peu trop ? Essaie de calmer tes méninges. Tu risques de te surmener, ma pauvre.

D’un côté, elle a raison. Mais je ne peux tout simplement pas m’arrêter de penser à quels genres d’ensembles, je pourrai encore former pour elle, son frère et Galifeu. Je n’ai même pas trouvé de truc qui m’irait bien sauf un manteau de pluie jaune que je pourrai porter au printemps. Pour ce qui est des manteaux d’hiver, ceux-ci ne me conviennent pas vraiment au niveau du style. Ils sont plus pratiques que jolis, pour être honnête.

Scottie finit par ressortir de la salle d’essayage avec le nouvel ensemble que je lui ai préparé. Il a l’air beaucoup plus professionnel avec son jogging noir de haute marque et sa chemise bleutée. L’habit idéal pour un Champion d’arène. J’aime bien comment ses souliers ressortent les couleurs de ses vêtements et collent bien avec la couleur de ses yeux. Oh… il est joli, quand il fait attention à son apparence.

— Eh bah, Scottie ! je remarque, les mains croisées sous ma poitrine. Tu as l’air chic avec ça sur le dos ! Je crois que tu pourras mettre cet ensemble facilement lors de tes premiers matchs, lorsque tu ouvriras ton arène.

Il rougit, gêné, puis se regarde dans le miroir près de la salle d’essayage. Il est très ému et apprécie cette combinaison de vêtements. Je lui ai même offert une nouvelle montre à prix réduit dont il pourra se servir en tout temps, puisque celle qu’il portait déjà était tout égratignée. J’aime tout particulièrement le collier arc-en-ciel en corde qu’il porte autour du cou. Assez grand pour l’ôter d’une main.

— Il est stylé mon frangin ! s’exclame alors Kylie qui applaudit. Estelle, tu t’es surpassée !

— Merci ! Ça me fait beaucoup de bien de vous faire ces cadeaux.

Même la caissière semble approuver le nouveau style de Scottie. Elle me fait le symbole de la perfection avec ses doigts et hoche la tête. Maintenant, tout ce qu’il reste à faire, c’est de payer pour tous les vêtements et accessoires que j’ai choisis pour mes amis, après la première transaction – bien sûr. Il y en a pour plus de mille pokédollars, mais je m’en fiche. Pour une fois que je peux me rendre utile, je déborde de joie. Il est vrai que la plupart de ces vêtements ne viendront pas avec nous, donc allons devoir délivrer tout ça à nos familles respectives.

Peu importe. Je suis fière de mon coup !

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