11. Le guitariste bohème

16 minutes de lecture

Estelle, 16 ans
Sauveuse de Pichu

De fines gouttelettes de pluies coulent le long de la fenêtre à travers laquelle j’observe la Forêt de Jadielle. Nous avons traversé les bois pour enfin nous rendre à Argenta, vers la fin de soirée. J’ai fait soigner tous mes Pokémon et vérifier l’état de Pichu par l’Infirmière Joëlle avant de capturer la souris dans une Poké Ball – encore une capture facile, même si celle-ci était tragique. Ensuite, nous avons loué une chambre mixte pour la nuit, où tous trois, nous passerons la nuit avec nos Pokémon.

À notre arrivée en ville, nous avons signalé l’incident dans la forêt, décrit les individus aux policiers, puis le nombre estimé de Pichu, Pikachu et Raichu qui avaient été faits prisonniers par les braconniers. Kylie a insisté aussi pour leur dire que sa moto a été volée par deux membres de la Team Rocket et qu’elle attend de ravoir son véhicule très bientôt. Je ne sais pas ce que ça change, puisque nous sommes capables de marcher, mais notre amie est déterminée à retrouver le dernier lien qui l’unie à son ex fiancée Vicky. Je la plains. Je n’aimerais pas être à sa place.

Le Centre d’Argenta est beaucoup plus grand et spacieux que celui du Bourg Pallet et de Jadielle ; étant donné que le musée est populaire et surtout parce que beaucoup de gens viennent défier le Champion local. Ni moi, ni Kylie n’avons le cœur de nous rendre à l’arène ce soir.

Scottie est déjà endormi dans la chambre ; sa sœur et moi traînons près du vestibule du Centre. Je donne le biberon à Pichu qui boit son repas en silence, alors que Kylie consulte ses textos.

— Bizarre, commente-t-elle. Mon ancien bassiste vient de m’envoyer que l’ex-guitariste de notre groupe est en tournée dans le nord-ouest de Kanto, pourtant Jake ne m’a rien envoyé comme message, dernièrement.

— Jake ? j’interroge, intriguée.

— C’est le guitariste dont j’te parle. Il est à peu près ma taille, cheveux châtains, yeux dorés. Il porte toujours un bandeau autour de sa longue chevelure et voyage toujours avec sa guitare. Il est toujours en jean ou en cuir… Plus souvent que moi, en fait. La dernière fois que je l’ai vu, c’était à la dissolution de notre groupe. Il n’a rien dit, puis s’est barré du hangar où nous pratiquions à l’époque avec une expression défaitiste. Ça me fait bizarre d’entendre qu’il est par ici.

— Bah, puisque nous sommes dans le nord-ouest de la région, pourquoi ne pas lui lancer un coup de fil et voir s’il a envie de passer un peu de temps avec toi ?

Le visage de Kylie est tout blême. Elle paraît gênée de parler de sa vie privée avec son frère et moi, mais ça se voit qu’elle a certains problèmes à régler. Au moins, nous pouvons dormir tranquillement sur nos deux oreilles, puisqu’elle s’est calmée au sujet de Vicky. Mon amie hausse les épaules, puis s’adosse au cadre de la vitre derrière nous. Elle a l’air de trouver le temps long.

— En tout cas, ce ne sera pas sous cette pluie que j’irai à sa rencontre, dit-elle, les sourcils froncés. Cette fichue température me saoule…

— De toute façon, c’est le soir et il faudrait qu’on dorme.

— J’ai encore la Team Rocket qui me trotte dans la tête…

— Je sais, je comprends où tu veux en venir… Mais il n’y a rien d’autre que l’on puisse faire pour le moment. Nous avons signalé le crime à l’Agent Jenny d’Argenta. Tout ce que nous pouvons faire pour le moment, c’est continuer notre entraînement et défier le Champion de l’arène. Après, on verra.

— Je ne sais pas comment tu fais pour garder ton sang-froid, grogne Kylie. Moi, j'ai envie de cogner tout ce qui bouge.

Un peu plus tôt, Poussifeu a opté pour se coucher avant nous, donc je trouve étrange de ne pas l’avoir à mes côtés. Il s’est bien occupé de Pichu pendant les dernières heures. Tout ça l’a épuisé. Je crois qu’ils feront de très bons amis plus tard.

L’Infirmière Joëlle m’a informé que puisque Pichu est encore tout jeune, je devrais la nourrir au biberon pour quelques semaines avant qu’elle ne soit habituée à la nourriture solide. Elle est à peine de son œuf. Abo aussi est au biberon, mais celui-ci sera bientôt capable de consommer plus ou moins la même chose que nos autres Pokémon, avec plus de viandes.

Cela me fait tout drôle de savoir que deux de mes partenaires actuels n’ont même pas l’âge de combattre. Au moins, je sais que Poussifeu et Carapuce sauront m’aider à élever ces deux-là. Pichu finit par s’endormir dans mes bras. Pauvre petite. Je rappelle celle-ci dans sa Poké Ball pour qu’elle puisse s’y reposer et dépose ensuite sa bouteille dans mon sac à dos.

Kylie relit son dernier texto. Elle fronce des sourcils et hennit, ce qui me rappelle étrangement un Ponyta. J’esquisse un petit sourire avant de lui dire :

— Tu peux toujours l’appeler et lui laisser un message sur sa boite vocale, ça ne te coûte rien.

— J’ai un paiement à faire à chaque mois pour ce foutu smartphone. Je n’appelle pas ça du service gratuit.

— Allons, tu vois très bien où je veux en venir… Et je suis sûre qu’il serait ravi d’avoir de tes nouvelles.

— Bah, il est avec un nouveau groupe. Je n’ai pas vraiment envie de me pointer au beau milieu d’une pratique.

— Depuis quand es-tu si défaitiste ? je dis, un peu sur une pointe d’ironie parce que je ne la connais que depuis quelque temps seulement.

Elle bombe le torse, se lève rapidement et observe dehors d'une expression farouche. Je crois avoir éveillé en elle son esprit compétitif. Elle se met alors à pianoter sur son smartphone, puis, plus rien. Elle attend presque une minute avant de recevoir un nouveau texto.

— J’y crois pas ! s’exclame-t-elle. Il est ici !

Elle pianote donc un autre message et continue à se parler à elle-même tout en s’éloignant tranquillement. Ainsi, le type qu’elle recherche se trouve à Argenta et a loué une chambre pour la nuit ? Eh bah… elle en a de la chance. Plus elle s’approche des dortoirs, plus il devient évident qu’elle se sent agitée. J’entends quelqu’un jouer d’un instrument de musique. Elle sursaute, puis se tourna vers sa gauche. Au moins une bonne nouvelle, après ce qui est arrivé à sa moto.

— Par ici ! s’exprime Kylie qui pointe l’aile A du Centre Pokémon.

Nous dormons dans l’aile B, ce soir.

Je suis la jumelle fofolle en silence, la musique est notre point de repère. Nous nous arrêtons devant une porte de chambre où les notes sont plus fortes. Mon amie cogne trois fois, lourdement, avant que l’instrument – une guitare – ne s’arrête. La porte s’ouvre, puis sort de la chambre un jeune homme tel qu’il a été décrit un peu plus tôt. Il a un large sourire aux lèvres. Il semble plutôt zen, comme garçon.

— Yo, Boss ! dit-il. Ça chill ?

Kylie est presque en pleurs lorsqu’elle voit son ancien partenaire de bande. Elle s’empresse de le prendre par le bras et lui ébouriffe les cheveux. Il éclate de rire. Je jette un coup d’œil rapide dans la chambre et je remarque qu’il est seul.

— Ne me fais plus jamais ce coup-là, dit Kylie qui essuie ses larmes de joie. Tu m’as tué lorsque t’es parti sans nous expliquer pourquoi.

— Bah, fallait que je retrouve mon calme, Boss. Mes chakras étaient tous bousillés après la mort de Vicky… Puis, tu sais… la dissolution du groupe m’a brisé le cœur.

— Tu m’as manqué, connard ! pleure Kylie en serrant son vieil ami dans ses bras. Putain, t’as pas changé !

Je décide de leur laisser un peu temps pour se rattraper, alors je m’appuie sur le mur derrière moi et les laisse discuter, porte ouverte. J’apprends de leur conversation qu’il aime boire beaucoup de thé et qu’il possède plusieurs techniques de relaxation qu’il met en pratique pour vider son esprit. Juste à le voir, il exerce déjà une présence positive sur mon amie. J’ai l’impression, à l’entendre parler, que ma tête se laisse légèrement emporter dans un nuage flottant. Il m’a l’air de l’une de ces personnes qui est douée pour apaiser l’esprit des gens, une sorte de guérisseur spirituel…

— Qu’est-il arrivé au groupe avec qui tu voyageais ? demande alors Kylie, après quelques minutes de conversation. Tommy me disait que t’avais été engagé dans leur groupe récemment pour faire une tournée dans le nord-ouest de Kanto.

Tommy… c’est probablement l’ex-bassiste qui jouait pour leur groupe. Je préfère ne pas les interrompre. Je ne sais pas trop que dire pour le moment.

— On est en pause, Boss, dit Jake. On devait faire un concert près du musée pour commémorer la découverte d’un nouveau fossile dans le Mont Sélénite, mais notre chanteur a été blessé lors de l’explosion du musée. Il faisait une promenade nocturne pour fumer une cigarette, puis on l’a retrouvé dans les décombres, inconscient.

— Ah, crotte…

— Bref, il ne sera pas sur pieds avant quelques mois et nos spectacles ont été repoussés jusqu’à une date ultérieure. Donc j’ai beaucoup de temps libre devant moi et j’ignore ce que je vais faire durant sa guérison. Je vais peut-être retourner à Johto ou bien voyager un peu à travers Kanto avec ma bonne vieille guitare.

Je crois que je suis de trop ici. Je décide qu’il vaudrait mieux que je m’éclipse plutôt que de passer pour une folle qui écoute la conversation des autres.

— Eh, Estelle ! s’exclame Kylie, qui s’empresse de m’attraper par le bras afin de me tirer vers son ami et elle. Viens un peu ici que je te présente.

En voilà des manières ! Je suis étourdie maintenant qu’elle m’a tirée comme ça. Je secoue la tête brusquement pour remettre les images en ordre. Une fois que je suis mieux éclairée par la lumière de la chambre, je constate que ce jeune homme a un très joli visage. Je cligne les yeux quelques fois et me sens rougir. Oh non… il ne manquerait plus que je tombe sous son charme… Je n’ai jamais ressenti ce genre de truc avant. Qu’est-ce que je ressens au juste… ? Un béguin ? Du stress ?

— Jake, je te présente ma nouvelle amie Estelle, dit Kylie. Elle nous a beaucoup aidés, ces derniers jours. Il paraît qu’elle joue du piano.

Je rougis davantage et essaie de ne pas fondre sur place avant de répondre :

— Enfin, oui, je suis p… pianiste. Mais je suis a… aussi v… violoniste. Je ne joue pas vraiment de r… rock, ni de p… punk. J’ai plutôt été élevée avec la m… musique c… classique. Euh… je crois que c’est t… tout.

Kylie soulève un sourcil lorsqu’elle remarque ma nervosité et me donne une petite tape amicale dans le dos, l’air de me dire qu’il ne me mangera pas.

— Pas besoin d’être si nerveuse avec moi, dit Jake en souriant. J’aime bien la musique classique. J’en écoute parfois avant d’aller me coucher.

— Déso… désolée, Kylie est impatiente.

— Ouais bah, si je ne prenais pas des décisions rapides, rien ne bougerait autour de moi, déclare Kylie avec un sourire espiègle.

Ce qui me pousse à lui faire une moue. Je roule les yeux et secoue la tête avant de retourner mon attention vers Jake. Et c’est là qu’il me… sourit. Un… très beau sourire… Encore une fois, j’ai cette fichue sensation étrange dans ma poitrine… Ce jeune homme est tout le contraire de ma nouvelle amie, même s’il partage le même style vestimentaire qu’elle. Il a l’air un peu bêta avec son grand sourire et le bandeau qui lui recouvre les cheveux. Je ne peux m’empêcher de trouver un petit je-ne-sais-quoi chez lui qui me rend mal à l’aise. Il aime la musique classique… ce qui est encore plus étrange pour un rockeur. Kylie semble trouver mon état marrant et pouffe de rire.

— Eh bah dis donc, Jake. T’as toujours cet effet sur les nanas ? dit Kylie en donnant un faux coup de poing sur l’épaule du guitariste. Faudra que tu m’apprennes un truc ou deux pour draguer des poulettes dans les bars gays.

— Je ne vois pas de quoi tu veux parler, répond son ami, innocemment.

— Allons, le nombre de cœurs que tu as dû briser avec ton fameux sourire. Mon p’tit gars… Si j’étais pas lesbienne, j’te kifferais sûrement !

Je sens mon cœur fondre et secoue ma tête à quelques reprises avant tourner mon regard vers mon amie. De quoi parle-t-elle ? Jake est donc si populaire que ça ? Pour toute réponse, celui-ci hausse les épaules, puis nous invite à entrer dans sa chambre.

Je hume l’odeur de poches de thé dans toute la pièce. Je remarque qu’il y a quelques tasses sur une commode et une bouilloire branchée au mur. Comme il a été dit plutôt, celui-ci en boit beaucoup. Il faut croire que même Monsieur Samson, le vieux domestique de mon père, n’en consomme pas autant par jour. Celui-ci aime autant le thé que quiconque et déguste beaucoup de petits gâteaux… Ah, cette nostalgie.

— T’as toujours du Matcha dans tout ça ? demande Kylie qui fouille dans le pot de pochettes non usées. Mmm… menthe verte ? Non, celle-là c’est de l'Earl Grey…

— Je n’ai pas vu de Matcha dans cette ville et j’ignore pourquoi.

— Mince, c’est la seule saveur à laquelle j’arrive à m’habituer.

— Essaie la menthe verte, tu m’en diras des nouvelles.

— Ça le goût de poubelle, se plaint Kylie en grimaçant.

— Ce n’est pas ce que t’as dit la dernière fois que j’en ai mélangé avec du Matcha.

— Ah, parce que tu sabotes mes thés maintenant ?

— Il faut bien, tes papilles sont trop difficiles.

Je pouffe de rire. Ces derniers ont une relation similaire à Kylie avec son propre frère. Jake est donc pour elle, comme un membre de sa famille, si j’ai bien compris. Il faut croire qu’ils étaient tous proches à une certaine époque.

— Voyages-tu toujours avec Scottie ? demande alors le musicien, qui s’installe sur son lit avant de passer ses doigts sur sa guitare.

— Évidemment, mais il dort.

— Est-il toujours aussi obsédé par les Pokémon Psy ?

— On peut dire ça. Il y a quelques mois, il a fait la rencontre de Morgane de Safrania et depuis il a en tête l’idée de devenir un Champion d’arène lui aussi.

— Toujours aussi étrange, n’est-ce pas ?

Elle hoche la tête, puis rajoute :

— Ça m’étonne qu’il ait laissé sa collection au Professeur Orme lorsque nous sommes venus par ici. Sa Mentali était l’une de nos meilleures Pokémon.

— Sans oublier que ton Aligatueur t’a permis de te rendre jusqu’au top dix de la Ligue Pokémon de Johto.

— Je préférerais ne pas en parler…

— Pourtant, il était si fort et si…

— N’en discute pas, s’il te plaît.

Je tourne mon regard vers Kylie pour me rendre compte que son teint s’est assombri à la mention du top dix. Je ne crois pas que c’est la première fois qu’on fait référence à son passé de Dresseuse là-bas. Chaque fois que Scottie ouvre la bouche au sujet de la Ligue de l’an dernier, Kylie devient silencieuse et distante. En ce moment, elle soulève le capuchon de son chandail et cache son visage derrière celui-ci. Je l’entends pousser un long soupir. J’imagine qu’elle a honte de sa position.

— Bref, si tu avais emporté ton Aligatueur ici à Kanto, tu pourrais très bien te rendre en finales facilement, dit Jake. Comme tu le disais souvent lors de nos pratiques, c’est en s’entraînant qu’on s’améliore.

Kylie n'exprime rien, silencieuse sur les sages paroles de son ami. Un instant plus tard, elle ôte son capuchon et se sert de l’Earl Grey après que la bouilloire a commencé à siffler. Je n’ai même pas remarqué que Kylie avait mis de l’eau à bouillir. Au moins, elle me change les idées à cause de mon embarras en présence de Jake. Il me donne des frissons rien qu’à l’observer en silence.

Même en ce moment, il se tourne par la suite vers moi et sourit. Oh bordel de m… mortadelle… Il est trop mignon quand il sourit. Oh mince, je suis séduite. Mince…

— Une tasse de thé ? m’offre-t-il. J’ai aussi des tisanes un peu plus variées.

— Euh… enfin… C’est que… Je ne veux pas m’incruster…

— Allons, allons, on est entre amis ici, dit Kylie qui vient d’aller chercher la bouilloire pour s’asseoir à côté de moi, sur le lit tout en face de celui du guitariste.

— Mmm… j’hésite, je formule.

— Il y a des biscottes sucrées que j’ai prises à la cafétéria, déclare le guitariste. Ils se mangent bien avec la plupart de mes thés.

Je suis plutôt café, mais il faut dire qu’un thé de temps à autre est agréable pour mes papilles. Jake s’installe alors par terre, près de la commode et place des coussins au sol pour que nous puissions nous asseoir près de la petite table au centre de la pièce. Il nous sert donc des tasses et sort de son sac quelques biscottes emballées. Cela me fait tout drôle d’être invitée pour une session de thé même si je ne suis même pas à un événement chic ou bien même, chez moi.

Je suis prise d’une nostalgie étrange des soirées passées en compagnie de mon père. Le doux parfum de la poche de l’Earl Grey de Kylie me rappelle que mon père en boit aussi. Je choisis donc la même saveur qu’elle et prends l’une des biscottes. Le dessert en question a un léger goût de noisettes et de vanille. Comme prévu, à la première gorgée de thé, je me sens comme dans un tout autre monde, complètement détendue et satisfaite de mon choix. Je me demande si Papa s’entendrait bien avec ce musicien.

Jake continue sa mélodie sur sa guitare, tout en se berçant de gauche à droite. Il aime jouer des ballades. À ma grande surprise, Kylie aussi apprécie la mélodie de son ami. Je ne la pensais pas si réceptive à ce genre de musique, elle qui est naturellement énergique et sauvage. Il faut croire qu’elle a tapé dans le mille lorsqu’elle l’a engagé dans son ancien groupe. Quant à moi, je suis toujours si gênée tandis que j’observe le jeune homme. Juste regarder le bout de son nez me fait rougir. Et puis… ce sourire… Bon sang, ressaisis-toi, Estelle ! Il m’a ensorcelé…

Kylie se met à chanter sur la musique de Jake. Je reconnais enfin cette mélodie, c’était celle qu’elle avait chantée sous la douche, l’autre jour. Lorsqu’ils ont terminé, je vois mon amie qui s’essuie les joues, le sourire aux lèvres. Elle prend une bouchée de biscotte, puis renifle.

— C’était la chanson que Vicky avait écrite pour me faire sa grande demande en mariage, me dit-elle. Je me la chante de temps en temps pour me rappeler nos bons souvenirs. Avant de nous rejoindre dans notre groupe, elle était chanteuse dans un bar… C’est moi-même qui l’a recrutée après qu’on a partagé un verre après l’un de ses spectacles. C’était le bon temps…

— Jolies paroles, je lui réponds, mélancolique.

— Je sais. Elle était douée pour écrire des poèmes…

— La musique vient de Tommy et moi, explique Jake. Nous étions les compositeurs du groupe. Enfin, j’étais aussi leur guitariste et lui, c'était notre bassiste.

— Et moi, j'étais leur joueuse de batterie. J’étais fière de notre bande.

— Pourquoi avez-vous arrêté le groupe, dans ce cas ? je questionne.

Kylie penche la tête vers l’arrière et appuie les mains derrière celle-ci. Elle regarde le plafond un moment. Jake décide de répondre à sa place.

— Disons que Vicky était le cœur de notre groupe… explique-t-il. Après l’accident, disons que ce n’était plus pareil. Nous avions Kylie qui pouvait la remplacer comme choriste, mais il nous fallait quand même un batteur.

— Techniquement, Tommy voulait faire une pause le temps qu’on se trouve une nouvelle chanteuse, mais c’était trop dur pour moi, déclare Kylie. Alors, on a commencé à se disputer…

— C’est pourquoi un soir, j’ai décidé de changer d’air et je suis parti. Je regrette de l’avoir fait comme ça, pendant que tu avais besoin de nous, plus que tout. Désolé Ky’…

— Nah, c’est compréhensible. Tu t’es investi corps et âme dans nos chansons après tout. Ce groupe était ton bébé à toi aussi.

Il hoche la tête et prend une gorgée de son thé en silence. Je me tourne les pouces, car j’hésite à lui demander ce qui me trotte dans la tête depuis quelques minutes. S’il n’a rien de mieux à faire durant le rétablissement de son nouveau partenaire de bande, pourquoi ne se joindrait-il pas à nous dans notre aventure ? Je prends donc mon courage à deux mains et je me racle la gorge. Cela attire l’attention de Jake.

— Dis, Jake… je commente. Est-ce que ça t’intéresserait de faire un bout de chemin avec nous à travers la région ? Ton ami est indisponible jusqu’à ce qu’il soit en rémission, donc…

Il place une main sur son menton et penche sa tête d’un côté. Il réfléchit un peu et j’ai l’impression de voir des étoiles se former dans ses yeux dorés. Je ressens un frisson étrange me parcourir le dos… Miséricordes, quelle est cette torture qui me déchire le cœur… ? Fichu béguin d’adolescente. Il ne manquait plus que ça. Oulalah… Arrête de rougir, Estelle ! Ce n’est pas poli. Mais je ne peux pas m’empêcher de le trouver… sympathique et adorable… et surtout… mignon… Sexy… ? Mais regardez sa coupe de cheveux ! Elle doit être si soyeuse… J’aimerais tant y passer mes doigts…

Il commence par me sourire et me répond de sa voix douce :

— Hé… ? Pourquoi pas ?

Ça y est. Mon cœur vient d’exploser de joie.

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