I. 1864 & 1877, Charybde et Scylla en chiffres

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La date du 24 Mars 1864 restera à jamais frappée du sceau de la damnation pour le peuple Circassien. Quel jour terrible que celui qui marqua le début de la déchéance de tout un peuple. Au même moment où le bataillon du prince Sakandeli détruisait l’aoul d’Ieguéroukhaï, Hadji Qerandiqo Berzeg déposait les armes après la débâcle des ultimes forces circassiennes à la bataille de Qbadaa. Avec la reddition de ce dernier, qui fut à la Circassie ce que fut l’imam Chamil au Daghestan, se tournait la page des grands chefs de la résistance caucasienne. Le czar Alexandre II pouvait dès lors se targuer d’avoir achevé l’œuvre russe de ce siècle : la « pacification du Caucase ». Beau drap de soie pour couvrir « colonisation », « expropriation », « déportation », « massacre », et autres horreurs mais que malgré tout, le comte Milioutine alors ministre de la guerre du Czar, se bornait à justifier par de la « nécessité publique »

Vaincus, les Circassiens furent massacrés systématiquement, les survivants fuirent en masse vers la Turquie. Hadji Qerandiqo Berzeg lui-même fut accueilli avec tous les honneurs à Constantinople par le sultan Abdul-Aziz. Celui-là même qui avait également donné l’asile à l’émir Abdelkader, vaincu par les Français, neuf ans plus tôt.

Du reste, la Russie avait désormais la main mise sur l’entièreté du Caucase et sa présence s’y renforçait jour après jour. La stanitsa remplaçait l’aoul, de même que le colon russe ou arménien remplaçait le montagnard circassien. En Turquie, on reçut ce nouvel afflux de migrants comme une aubaine, un bon apport démographique pour renforcer l’élément musulman dans les turbulentes provinces balkaniques notamment. Cependant l’avancée russe inquiétait. Elle inquiétait d’autant plus que la guerre entre les deux empires semblait inévitable. La Russie agitait les Balkans en jouant du panslavisme et de la religion.

Si la Russie, suite à son humiliante défaite lors de la Guerre de Crimée, s’était remise en cause et préparait sa revanche depuis, l’Empire Ottoman, s’endormant sur ses lauriers, traversait une de ses périodes les plus troublée. Les années 1860 furent fastes, la décennie 1870 s’avérait terrible. Elle commença avec la chute de Napoléon III, modèle et précieux allié de la Porte et se poursuivit avec la banqueroute du Trésor impérial qui plongea l’Empire dans une de ses crises les plus profondes débouchant sur la déchéance d’Abdul-Aziz. L’admirateur suivit l’empereur des Français même dans la chute.

En effet, Abdul-Aziz, souverain dispendieux et peu intéressé par la politique, laissa la gouvernance aux mains de sa mère la sultane validé Pertevniyal et de son protégé le grand vizir Nedim Pacha, médiocre administrateur dont le seul talent fut la gymnastique de la courbette devant le tout puissant ambassadeur russe, le comte Ignatieff, lui valant ainsi le surnom de « Nedimoff ». Libéré des vicissitudes du pouvoir, le sultan pouvait se consacrer à ses deux grandes passions : la musique et la marine. L’une exigeait un grand talent et l’autre, de grands fonds. Il eut la chance d’être doté des deux. Or si le talent est inépuisable, l’argent l’est. De la première de ses passions il légua de brillantes compositions, de la seconde une désastreuse crise économique.

Digne fils de son père Mahmoud II qui en son temps commandita le démesuré Mahmoudié ; Abdul-Aziz consacra à la marine l’entièreté du budget militaire, jusqu’à en faire la troisième marine au monde. Or, maintenant que la Russie avait sécurisé la route militaire géorgienne, elle était en mesure de lancer de grandes offensives par voie terrestre sur le front caucasien. Si guerre il y aurait, elle serait terrestre. Au grand damne du Sultan. Néanmoins, les fortifications ottomanes le long de la frontière caucasienne restaient une formidable défense. Notamment la réputée imprenable ville forteresse de Kars.

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