Chapitre 2

8 minutes de lecture

  La sonnerie stridente de son réveil-matin la tira d’un sommeil sans rêve. C’était ses nuits préférées, car les rêves en question s’avèraient bien plus souvent mauvais que bons. La métis se redressa en repoussant la couverture et se leva prestement. Ses mains parcoururent le tiroir du haut de sa commode rapidement pour en sortir ses vêtements de travail. Des jeans un peu usés et troués au niveau des genoux, avec une simple camisole. Xan enfila le tout, puis rassembla sa crinière désormais violette pour se faire un chignon lâche, pour qu’ils ne soient pas trop encombrants. Ses pas la menèrent ensuite à la cuisine, où son père était assis, un café à la main.

  • Bon matin ma belle, dit-il sur un sourire un peu las malgré que la journée ne fasse que commencer.
  • Bon matin! Tu as mangé? lui répondit-elle avec un enthousiasme feint, à la perspective de la journée, en se dirigeant vers le comptoir de cuisine.
  • Non, mais je n’ai pas très faim pour l’instant. dit Ewen, regardant par la fenêtre distraitement.
  • D’accord, mais essaie de manger un peu plus tard, ok? insista-t-elle en lui jetant un oeil.
  • Oui oui! je te promet, lui répondit l’homme en reportant son regard à nouveau sur sa fille, mi-amusé mi-exaspéré.

Xan lui sourit, satisfaite de sa réponse, et se prit une tasse de café à emporter, qu’elle rempli à rabord.. Elle tartina rapidement deux tranches de pain non grillées, l’électricité n’étant toujours pas revenue. Après avoir avalé une bouchée de son maigre festin, la travailleuse jeta un oeil à son père.

  • Si l’électricité n’est pas encore revenue à mon retour du travail, j'irai jeter un oeil à la station-relai voir si je peux trouver le problème. Je suis certaine que je suis capable de faire quelque chose.
  • Xan tu sais très bien que c’est illégal…dit-il en la fixant.
  • Et bien ils n’ont qu’à réparer le réseau alors!

Son ton laissait poindre sa colère malgré qu’elle essayait de garder son calme comme à l’habitude.Ewen ne put retenir un sourire amusé avant d’arriver à afficher un air réprobateur.

  • Xan…
  • Ne t’en fait pas, je sais être discrète. Je vais être prudente, affirma-t-elle en retenant un soupir. Les pannes sont de plus en plus longues, on mérites tous mieux.

Sur ces mots, elle s’approcha de lui et l’embrassa sur la joue. La femme lui sourit, taquine en glissant une main sur la petite barbe qu’il arborait désormais.

  • Tu devrais te raser, ça pique!
  • Hey, je sors presque plus, j’ai bien le droit de me laisser aller un peu! lui répondit-il tout aussi amusé, retirant un rire à sa fille au passage.
  • Bon point!

Sur un clin d’oeil, elle prit la direction de la sortie en attrapant son sac d’outils au passage.

  • Je dois y aller. Je t’aime, à ce soir!
  • Je t’aime aussi.

L’homme la salua alors qu’elle passait le pas de la porte après avoir enfilé ses bottes de travail. Il laissa ensuite échapper un soupir. Sa fille méritait tellement mieux. Son talent et son esprit finiraient par s’éteindre ici, comme tous les autres…
Perdant son sourire, Xannëra prit la direction du quartier industriel alors que tranquillement tous les travailleurs sortaient aussi des maisons voisines pour se mettre en route, terminant son déjeuner sur le chemin. Certains se risquaient à la saluer, mais elle ne leur répondait que d’un faible hochement de tête. La femme n’avait rien contre eux, mais avec tout ce dont elle avait été témoin au cours des années, Xan préférait maintenir une certaine distance avec les autres. Les ouvriers de son département étaient presque les seuls avec qui elle entretenait une relation amicale, même si elle ne les voyait que rarement en dehors du travail. Après tout, ils se cotôyaient depuis des années et les journées semblaient moins pénibles quand ils s’entendaient un minimum entre eux.
L’usine manufacturière qui l'employait fut rapidement à portée de vue. Ironiquement, ils y fabriquaient une grande variété de pièces mécaniques et informatiques entrant dans la composition de toutes les commodités technologiques auxquelles ils n’avaient pas accès. Des systèmes informatiques à la fine pointe de la technologie, des véhicules à suspension électromagnétique, des vaisseaux, des systèmes de domotique. À peu près tout ce qui faisait partie de la vie courante pour l’élite de la population et pour les habitants des planètes centrales. C’était cruel à son avis de leur faire construire des choses dont ils ne pourraient jamais se servir. Ce qui lui faisait croire que c’était forcément voulu ainsi.
Xan rejoignit la masse d’employés qui s’engouffrait à travers la grande porte d’entrée en silence. Personne n’avait de raison de s’enthousiasmer sur la journée à venir. D’une grandeur assez impressionnante, le bâtiment commençait à faire un peu son âge, malgré les améliorations apportées au cours des années. La grosse machinerie qui fonctionnait nuit et jour produisait un bruit assourdissant et émettait une chaleur étouffante qui régnait dans toute la bâtisse. Une voix familière la tira de ses pensées et lui fit tourner la tête en sa direction. C’était Trex, un des gars de son unité de travail.

  • Hey Xanxan!! Comment va? demanda l’homme sur un sourire enjôleur.
  • ….Normal...t’es bien le seul à être aussi joyeux un lundi matin...et m’appelle plus jamais comme ca, dit-elle sur un ton amusé malgré un regard d’avertissement.

C’était un fanfaron mais elle l’appréciait malgré ses avances répétées.

  • C’est toi qui me fait cet effet-là, répondit l’humain en lui faisant un clin d’oeil, alors qu’il se mettait en marche à ses côtés.

Le jeune homme, de 2 ans son cadet, possédait une bonne carrure bien que plus petit qu’elle. Sa peau basanée et son air nonchalant donnait constamment l’impression qu’il revenait de vacances, ce qui semblait surréaliste vu leurs conditions de vie. D’un sens, la femme l’enviait d’arriver à prendre la vie autant à la légère. La métis lui flanqua une taloche derrière la tête.

  • Arrête de dire n’importe quoi! s’exclama-t-elle, se demandant quand même s’il ne se faisait pas de faux espoirs.

Elle espérait que non, n’ayant pas du tout ce genre de sentiment pour lui.

  • Pourtant c’est vrai, je t’assure! affirma-t-il en en se frottant d’une main la tête là où elle l’avait frapper, mettant par le fait même encore plus la pagaille dans ses cheveux blonds.
  • Tu dit ça à toutes les filles, répondit-elle, quand même un peu amusée, en déposant son sac à son poste de travail qu’ils venaient d’atteindre.
  • Xan a raison! T’es incorrigible! ajouta Lexy, une autre de leurs collègues, qui venait d’arriver à leurs côtés.

Cette dernière était d’ailleurs physiquement l’opposé de Xannëra en tout point. Melyan de sang pur, sa peau possédait une pigmentation noire avec une touche bleutée. Ses cheveux étaient longs, frisés et argentés, alors que les iris de ses yeux arborait une teinte cyan très pâle. Xan mesurait 5’7’’ et bien qu’elle soit élancée, elle était musclée et athlétique. Lexy au contraire faisait à peine plus de 5 pieds et avait une carrure très délicate. Même si tout semblait les séparer au premier abord, les deux femmes s’entendaient très bien. La métis pouvait même dire que la jeune Melyan représentait ce qu’elle avait de plus proche d’une amie. Trex soupira en commençant à préparer la machine sur laquelle il travaillait aujourd’hui.

  • J’ai jamais raison avec vous deux de toute façon, répondit-il en levant ses yeux marrons au ciel.

Les deux femmes échangèrent un regard amusé alors que Xan prenait place elle-même sur sa machine.

  • Tu fais presque pitié...ajouta-t-elle avant de saluer brièvement les autres travailleurs qui s’installaient autour d’eux.

Le sifflet de début de quart retentit et tout le monde se mit à la tâche sans tarder.
*******
La journée fut longue et pénible, comme à l’habitude. En plus des dommages causés par le fait de soulever souvent des charges lourdes, les tâches s’avèraient toujours extrêmement répétitives, ce qui amenait son lot de problèmes physiques. Après des années, la plupart des travailleurs développaient de gros problèmes d’articulations et de ligaments en tout genre. C’était sans parler des nombreuses électrocutions parfois mortelles ou des membres broyés par les grosses machineries, qu’ils utilisaient sans aucune mesure de sécurité pour les protéger. Sécurité égalait dépenses superflues pour leurs patrons après tout.
Ralentir n’était pourtant jamais une option. Les quotas de production devenaient de plus en plus élevés et les conséquences pour ne pas les respecter de plus en plus graves. Ce qui signifait le plus souvent aucune pause et un maximum de 15 minutes pour manger, dans les meilleures journées. Le pire étant que dans les usines semblables situées sur les planètes conquérantes, toutes ces tâches étaient dévolues à des robots. Il n’y avait pas là-bas de main d’oeuvre sacrifiable pour faire le sale boulot.
Xan et son petit groupe de travail se dirigeait donc vers la sortie en même temps que tous les autres travailleurs. De l’huile à moteur, de la sueur et autres saletés recouvrait la femme de la tête aux pieds, tout comme ses compagnons. Ses cheveux arboraient une couleur noire charbon qui reflétait parfaitement son humeur à la fin de chaque journée de travail. Sortir de l’atmosphère étouffante et lourde de l’usine était une bénédiction! Un de leurs collègues, un grand gaillard nommé Oren, approcha au pas de course pour s’arrêter près d’eux alors qu’ils venaient de passer la porte de l’endroit. Il passa une main sur sa tête dépourvue de cheveux, les regardant avec un air grave.

  • Vous devinerez jamais ce que je viens d’entendre! dit l’homme dont la peau constituée d’écailles oranges luisait sous les rayons du soleil.
  • Quoi donc? Demanda un peu sèchement Xan. Elle était peu patiente à cette heure de la journée, mais tout de même curieuse de savoir ce qui pouvait émouvoir ainsi quelqu’un d’aussi imperturbable que ce Krein.
  • Il y aura une inspection la semaine prochaine, répondit-il sans lui tenir rigueur du ton employé par sa camarade, personne n’étant d’humeur vraiment en sortant du travail.
  • C’est pas vraiment comme si c’était rare....fit remarquer Trex en croisant les bras, avec une indifférence certaine.
  • Vous comprenez pas, cette fois c’est une délégation venant de LA planète mère, Sarkaran. Des représentants du gouverneur suprême! Et ils viennent pas juste ici, ils vont surement se promener en ville j’imagine.
  • Je ne comprends pas...qu’est ce qu’ils viendraient faire sur une planète aussi perdue que Noraxia? Demanda timidement Lexy.

La melyan tourna d’ailleurs un regard interrogateur vers Xan, en quête peut-être d’une réponse rassurante. Cependant, celle-ci affichait désormais un air sombre. Cette nouvelle n’augurait vraiment rien de bon. Lexy se sentit anxieuse de la voir ainsi et lui posa une main sur le bras.

  • Xan?

La métis sortit de ses pensées pour lancer un regard circulaire sur ses camarades.

  • La dernière fois que ce genre de délégation est venue, c’était pour la grande purge, affirma-t-elle d’un air inquiet.

Lexy eut un frisson juste à cette pensée et ajouta d’une voix tremblante.

  • Mais la dernière a eu lieu….
  • Il y a 7 ans, confirma la femme qui ne s’en souvenait que trop bien.
  • Ça n’a pas de sens! ajouta Trex, soudainement plus du tout ennuyé par la conversation. Il reste encore 3 ans avant la prochaine! Pourquoi ils feraient ça? Pourquoi maintenant?

Xannëra ne répondit pas. De toute façon, elle n’avait pas de réponse à leur offrir. S’ils faisaient cela, ce n’était certainement pas sans raison. Quelque chose de grave devait s’être produit, forcément, et elle se devait de faire la lumière sur tout ça.

Annotations

Vous aimez lire Anyaanka ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0