Recueil épistolaire : Lettre 1

2 minutes de lecture

Château de Turnberry

Ecosse

le 11 juillet 1286,

Duncan,

Le temps passe vite tu ne trouves pas ? Turnberry a peu changé depuis que tu es parti. Les courants d’air se sont atténués avec la venue de l’été, mais restent néanmoins présents. Dehors, le jardin est verdoyant, pourtant je n’ai pas le loisir d’en profiter. Je dois étudier chaque jour avec acharnement ; je regrette nos excursions nocturnes à travers les dédales du château. Sans mauvaise nostalgie, il s’agissait certainement de l’un des meilleurs moments de ma courte existence. Quand reviendras-tu ?

Nous avons appris avec tristesse la mort d’Alexandre III. Ma famille et moi-même avons alors entamé un voyage dans le Fife, pour assister à sa mise en terre. Tu ne peux pas savoir à quel point la cérémonie était ennuyeuse ! Aussi longue qu’indigne d’intérêt. Ma conscience vagabondait à travers les Highlands, récitant les devises, me remémorant les coutumes, blasons et tartans des différents clans. Me suis fait réprimander par ma mère car ma tête n’était pas assez haute.

J’ai eu le droit à toutes sortes d’hypothèses sur le potentiel successeur au trône. Si seulement la nièce d’Alexandre n’avait pas eu une santé aussi fragile, nous n’en serions pas là. Tu n’es certainement pas sans savoir, qu’une lutte pour sa succession s’était alors engagée, et pas moins de treize prétendants se battaient pour la couronne. Oui, je t’entends déjà. Qu’est-ce que ces histoires politiques peuvent bien faire dans ma lettre ? Il est vrai que je n’ai jamais eu la vocation pour une carrière d’état ; et tu es bien placé pour le savoir. Pourtant, ma mère ne semblait pas de mon avis. Elle m’a poussé à revendiquer la couronne, clamant haut et fort que la famille The Bruce avait une importante légitimité. Ainsi, je me suis retrouvé face à John Balliol, seigneur de Galloway, les autres prétendants au trône s’étant mystérieusement éclipsés.

Je sais, tu as sans doute entendu toute cette histoire avant de lire cette lettre, mais laisse-moi le plaisir de coucher ces mots sur le papier.

Tout est passé vite, trop vite. Je n’ai pas l’impression d’arborer la force et la détermination nécessaire pour relever cette tâche qui m’est confiée. Cette lourde descendance pèse sur mes épaules, tandis que je m’évertue à porter le nom de ma famille au-delà des frontières.

Où en sommes-nous aujourd’hui ? Le godiche[1] roi d’Angleterre, Edouard Ier, a été choisi pour arbitrer la succession. Il avait pour tâche d’élire le nouveau roi d’Ecosse. Je suis toujours au château familial, et les rumeurs circulent plus vite que le vent : John fut l’élu de notre bon monarque. Autant éteindre le feu avant qu’il ne ravage la forêt : son choix est stratégique. John est bien plus facile à manipuler. Espérons que le pantin ne brise pas ses chaînes, auquel cas la rébellion qui gronde risquerait de rugir.

Il fait trop noir pour continuer à écrire. J’achèverai cette lettre par cette phrase : mieux vaut petit feu qui chauffe, que grand qui brûle[2].

Sincèrement,

Robert Bruce.

[1] Benêt, maladroit.

[2] Proverbe écossais.

Annotations

Vous aimez lire Delombre ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0