-Réveille- toi petit cuistot !

Joshua grogna dans son sommeil, il n’aimait guère être réveillé par un tiers. Il ouvrit toutefois les yeux, la voix féminine lui était familière et lui inspirait un profond sentiment de plaisir.

Ses paupières s’ouvrirent sur le visage de Sorya, la haute elfe lui souriait tout en étant allongée sur son torse, totalement dénudée. Le pauvre Joshua sentit le sang lui monter aux joues, ce qui lui donna l’allure d’une grosse tomate fixée sur un bloc de muscles.

-Ne sois pas gêné voyons, dit la haute elfe avec un petit rire.

Elle se redressa dévoilant une fois encore son corps de déesse. Cette vision ne manqua pas de faire réagir son amant et cela lui fit plaisir.

Sorya saisit le visage de Joshua dans les mains et l’embrassa à nouveau. Puis elle se détacha du jeune homme pour se rhabiller.Alors qu’elle relaçait son plastron elle demanda :

-Ça t’a plu ?

Trop décontenancé pour répondre, le jeune humain se contenta d’hocher la tête

-Moi aussi, et pour un puceau, tu t’es bien débrouillé, mais je suis étonné qu’aucune femme avant moi n’ait tenté sa chance.

Joshua eut la sensation que de la fumée lui sortait par les oreilles tellement il était gêné. Il se roula en boule sur sa couche et cacha son visage dans ses genoux en poussant des petits grognements.

Sorya le réconforta en caressant son crâne chauve avant de lui embrasser la nuque puis de s’éclipser hors de la tente.

En sortant à l’air libre, la vétérane inspira une grande bouffée d’air glacé, ce qui balaya les dernières brumes du sommeil. Devant le chariot, Torya avait commencé à allumer le feu. La trentenaire se doutait bien de ce qui s’était passé cette nuit, mais elle ne dit rien. Un étrange échange muet s’opéra entre les deux femmes, et un sourire discret se dessina sur le visage de la gardienne.

De son côté, Joshua resta seul en position fœtale pendant une dizaine de minutes. Après quoi il se détendit peu à peu avant de se décider d’aller cuisiner le dernier petit-déjeuner du voyage. Le cuisinier fit un brin de toilette et se rhabilla rapidement avant de sortir. Une partie du groupe était déjà réveillée et s’affairait dans le campement.

Joshua prit les différents ingrédients nécessaires à sa préparation et se mit à l’œuvre. Il avait en tête de faire une collation à base de bacon de manticore, de pain aux céréales et de lait de mammouth.

Une dernière fois, les Chouettes-Blanches et l’équipe de la princesse se réunirent autour du feu de camp pour savourer la cuisine du légendaire royaume Gourmet. Bien qu’ils n’aient côtoyé le Guerrier-cuistot que pendant deux semaines, les militaires n’appréciaient pas la perspective de se séparer du jeune homme. Ils devaient reconnaître qu’ils avaient pris goût à sa cuisine et ils savaient très bien qu’une fois de retour à Gèle-fendre, la nourriture du fortin leur semblerait bien insipide. Mais que pouvaient-ils y faire ? Joshua n’accepterait pas de rester toute sa vie dans la forteresse du col, sa nature aventureuse ne le lui permettrait pas.

Une fois les ventres rassasiés, la troupe remballa le camp et se prépara au départ. Juste avant de reprendre la marche, Joshua vint trouver Borbon et lui tendit un paquet. Le jeune homme devait avoir deviné les pensées des militaires car il s’agissait d’une grosse portion de viande du manticore.

-Un petit souvenir, ça se cuisine comme du bœuf, dit simplement Joshua avec ce que le semi-homme crut être un léger sourire.

Puis il retourna faire son paquetage sans rien ajouter. Le soldat Saché ne put qu’articuler un petit « Merci » à peine audible.

Le convoi reprit la route pour la dernière ligne droite, mais après quelques minutes, Torya demanda au Guerrier-cuistot de s’approcher. Intrigué, le jeune homme s’exécuta, c’était sa nièce qui désirait lui parler. Assise à l’avant du chariot elle posa sa question sans détour :

-Acceptes- tu de venir au palais en tant que mon invité, oncle Joshua. ?

L’intéressé voulut répondre, mais Sophia n’avait pas terminé :

-Je me moque de ce que grand-mère Raikane dira, et quelles que soient les menaces qu’elle profèrera, tu seras en sécurité, c’est mon pays ici pas le sien.

Le jeune homme prit quelques secondes pour choisir ses paroles, un air grave apparut sur son visage et il dit :

-Tu es sûre de toi ?

-Oui.

Il inspira alors profondément, sa nièce était bien plus déterminée qu’il ne l’avait imaginé. Joshua ne pouvait nier qu’il avait vraiment envie de revoir son frère aîné, après deux longues années de silence. Après plusieurs secondes de réflexion qui lui semblèrent durer une éternité, il se décida et d’une voix où une oreille attentive aurait su déceler de la joie il dit :

-Deux jours, deux jours Sophia, et pas un de plus.

Le visage de la petite fille s’illumina comme un soleil et elle se jeta au cou de son oncle, folle de joie.

À plusieurs centaines de kilomètres de là, dans les rues de la capitale du royaume de Victa, une femme affublée d’une armure taillée dans des matériaux étranges courait à perdre haleine. Elle stoppa sa course devant une auberge de luxe et y entra en trombe sans laisser le temps au garde de réagir, ses gestes trahissant une profonde expérience du combat.

Elle monta les marches de l’escalier quatre à quatre, avant d’arriver dans une suite de l’hôtel, le souffle court. Dans un salon chic se tenait plusieurs femmes vêtues de façon similaire, et sur un large canapé, une plus âgée que les autres, dans la soixantaine. Ses muscles et son visage couverts de cicatrices témoignaient de ses précédents combats.

-Qui a-t-il ? Demanda-t-elle alors à la nouvelle arrivante.

-L’escouade de votre arrière-petite fille vient de sortir du col, Grande Chasseresse.

Un large sourire fendit le visage ridé de la vielle femme.

-Merveilleux ! Dit-elle en se levant.

-Ce n’est pas tout, ajouta la jeune femme avec un air inquiet sur le visage, quelqu’un accompagne l’escorte.

-Qui ça ? les militaires de Gèle-fendre ?

-Pas qu’eux.

-Mais alors qui ? Demanda la Grande Chasseresse qui perdait patience.

La jeune chasseresse prit une profonde inspiration avant de répondre.

-Votre petit-fils, Joshua est avec eux.

À ces mots, les yeux de la vieille femme semblèrent s’illuminer d’un étrange éclat et un nouveau sourire apparut sur ses lèvres mais cette fois-ci c’était un rictus sauvage et farouche.

-Et bien, voilà qui risque d’être très intéressant.

À suivre