Antje change de nom.

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Soir du 22.

Nous avons jeté les fers* dans un méandre du fleuve assez loin d’Hiru Iturriak pour ne pas être inquiétés par ces villageois.

Quoi qu’il en soit j’ai posté Chiendri en haut du mat principal. Avec la pleine Lune Major, c’est bien le diable si le moindre mouvement pourrait échapper à la vue perçante de mon esclave.

Je suis dans mon gavon*, assis dans un fauteuil et je fini de dicter mon rapport à l’Oracle.

Antje vient de finir d’allumer les chandelles et le lustre avec ses huit lampes à huile. Comme toute bonne esclave elle vient s’agenouiller à coté de moi en position nadu*. Elle attend comme une bonne chienne. C’est vrai que depuis mon combat contre les Greenheads* je n’ai eu qu’à me féliciter de cette acquisition. Mes deux iŭga, sont redoutables en tant qu’arme et au même titre que What mon roojas elles m’obéissent au doigt et à l’œil.

Il fait chaud et moite sous ses latitudes, quelques insectes tournoient autour des lumières. Le bateau de part sa longueur et sa largeur est très stable, tangage et roulis sont à peine perceptibles. Et sur le fleuve il est d’une stabilité inébranlable.

Cela faisait bien longtemps que je n’avais navigué dans un tel confort. Mes appartements situés à la poupe sont vraiment luxueux. C’est douillet, magnifiquement meublé et décoré. Toutes les pièces du gavon*sont plaquées de panneaux de bois précieux et odorants qui rendent l’ambiance encore plus chaleureuse. Mon lit est bien assez grand et confortable pour qu’à trois on y soit à l’aise, les moustiquaires sont parfumées et la nourriture qu’on me sert est excellente. Même mon roojas n’a pas à se plaindre.

Il doit y avoir un contraste incommensurable entre mes appartements et les bancs de nage. Mon gavon* comme celui du capitaine possède un bar, un coin repas, une petite cuisine, une salle d’eau et un balcon avec vue sur le fleuve. Cette galère ou plutôt ce mégadromon comprend quelques cabines luxueuses. Les autres, les plus nombreuses sont bien plus modestes avec pour seul mobilier un lit et un coffre.
Les conditions de vie de l’équipage sont je dois le dire très précaires surtout pour les Bonivoglie* et les iŭga. Les maladies liées à la nourriture sont très fréquentes et nageurs* souffrent de graves problèmes dus au manque d’hygiène. Ils dorment tous à leurs postes sur les bancs et les rames.

J'en ai appris un peu plus sur le Capitaine. Il a commencé comme pirate après avoir tué son père qui le battait et dans la foulée, deux soldats qui venaient l'arrêter.
Les argousins et les marins sont différents par la race, la couleur, l'âge, la religion...
Mais ils ont des points communs, par exemple d'être tous des fugitifs et des assassins.
Un autre point commun, c'est le cul... le sexe, sous toutes ses formes.

J’ai fait le tour du bâtiment et je suis descendu au "premier pont", là où se trouve le quartier des matelots.
Il y a des dizaines de hamacs... C'est moins confortable qu’un lit mais beaucoup plus que les paillasses des cales ou sont enchainées les iŭga de remplacement...
Des jeunes femmes étaient installées dans des hamac. Elles se lèvent quand j’arrive.
On me les présente, se sont des filles de réconfort à Hannah. On m’en propose mais je refuse, j’ai mes deux esclaves.

***

  • Cigare !

Antje se leva et m’en apporta un, qu’elle alluma avant de me le donner.

  • C’est bien esclave, il est temps que je change ton nom.

Non ! s’écria-t-elle. Je t’en prie maitre, ne m’enlève pas mon nom !

Tu n’as plus de nom, depuis que tu es une iŭgum, lui dis-je.

Elle me regarda avec terreur et se jeta misérablement à genoux, devant moi.

Je t’en prie, supplia-t-elle. Non, je t’en prie maitre ! Elle me fixa en pleure.

Elle comprit alors qu’elle n’avait plus de nom. Tout son corps, tremblait de terreur. Son identité, sa conception d’elle-même, dans le cadre de son mode de raisonnement précédent, était liée à son nom, il en était inséparable. Même si en temps qu’iŭgum elle n’avait été souvent qu’un matricule, elle savait qu’elle restait Antje.

À présent, elle n’en avait plus. Qui était-elle ? Que pouvait-elle être ? Elle m’observa, misérablement. Un trabuk, un chien, rugors*, une noutre n’avaient pas plus de nom qu’elle. La femelle portant un collier, sans nom, était à genoux aux pieds de son maitre.

Son nom d’autrefois, son identité d’autrefois lui avaient été à jamais arrachés. Son ancien nom était un nom de personne libre, enregistré publiquement, certifié juridiquement, un nom de batême, historiquement attribué à elle pour toute sa vie. Quand on lui demandait qui elle était, c’était par ce nom qu’elle répondait. C’était elle. Puis ce nom lui avait été retiré.

Elle n’était plus qu’un animal captif.

Devant les tribunaux d’Exo tout témoignage ne pouvait normalement lui être arraché que sous la torture. Devant ces tribunaux, elle ne pouvait pas, juridiquement, être nommée, mais seulement décrite comme, esclave. Esclave de Teixó. Son nom pouvait être changé, ou transformé, aussi souvent que le Maître le souhaitait. En fait, rien ne m’obligeait à lui donner un nom. Changer le nom d’une fille, ou le lui retirer, était une punition très répandue sur Exo.

  • Je vais te donner un nom, dis-je. Il te conviendra. Je vis les larmes dans ses yeux. Je t’appellerai Anne, dis-je.

Merci, Maître, souffla-t-elle.

Il y a une différence, naturellement, Soulignai-je, entre le nom que tu portais et celui que tu portes à présent. Elle hocha pitoyablement la tête.

Son nouveau nom, bien qu’il s’agît du même au niveau de la signification, n’était pas l’ancien. Entre eux, il y avait des mondes de différences, un abîme plus grand que celui qui séparait les deux planètes, la Terre et Exo.

Ainsi, je l’appellerais Anne. Mais ce n’était pas son ancien nom, bien qu’il se prononçât presque de la même manière. C’était à présent un nom d’esclave. Il ne comportait ni dignité ni signification civique. On pouvait le changer ; on pouvait le supprimer. Elle s’appellerait Anne mais elle ne portait ce nom, à présent, et elle le savait, que par le caprice de son Maître. C’était le nom auquel je lui ordonnais de répondre.

Mais aujourd’hui, jour où je la considérais comme ma propriété inaltérable, l’esclave d’un Hors-Loi. Elle était autre chose, elle n’était plus une esclave quelconque, elle entrait dans ma Famille, elle devait en être fière, elle était maintenant ma possession orgueilleuse, mon intime source de plaisir, mon arme. Il la grandissait. Comme mes autres propriétés, il faisait d’elle une personne précieuse, un individu unique, parmi tous les habitants d’Exo. C’était son nom. Le second nom, Anne, était un nom orgueilleux, la traduction de Antje, le second nom, Anne, n’était pas qu’un nom d’esclave. C’était au second nom qu’elle répondrait ; c’était le second nom qu’elle porterait ; c’était le second nom qui était à présent, par ma volonté, le sien.

  • Tu t’appelles Adalil Anne Almogàver, lui dis-je. Tu comprends ce que cela veut dire ?

Oui, Maître, dit-elle. Cela veut dire que je serai votre à jamais.

  • Cela veut dire aussi que tes ordres ne viendront que de moi. Que quiconque te manquerait de respect serait une insulte envers un Hors-Loi membre de la Guilde Souveraine et allier de Samaël.
  • Pourquoi mon maitre a choisi ce nom ?
  • Je n’aime pas les noms à consonnance Afrikaners, c’est tout.

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Amariner* : Amariner une personne ou un équipage : l'habituer aux manœuvres et à la vie à bord à la mer. S'amariner, s'habituer à la mer. Amariner un navire : s'emparer de ce navire en temps de guerre et l'employer contre l'ennemi.

Assourdir* : Assourdir les avirons. Envelopper les avirons de linge au portage du plat-bord pour qu'on ne les entende pas grincer.

Cadène * : Chaîne en langue d'oc. Ce mot a subsisté dans le vocabulaire marin, où il a pris des sens particuliers. Sur les galères, il désignait la chaîne qui courait d'un bout à l'autre de chaque banc et enserrait par un bracelet une des chevilles de chacun des forçats qui y ramaient. Sur les voiliers, il s'agissait des ferrures en forme de chaîne allongée auxquelles étaient fixés les caps de mouton inférieurs des haubans, tendus par l'intermédiaire des rides. Elles étaient fixées à la muraille et en étaient écartées par les porte-haubans accroissant ainsi l'épatement des haubans. On continue à appeler cadènes les pièces métalliques fixées à la coque pour servir de point d'attache aux haubans

Dame* : A l'origine, ce terme désignait l'ensemble des deux chevilles (ou tolets) que l'on plantait dans le bordé d'une barque afin de maintenir un aviron sans estrope. La dame désigne également l'entaille découpée dans la fargue d'une embarcation (et généralement bordée de cuivre) qui sert d'appui à un aviron garni de cuir. Lorsque l'on ne se sert pas de la dame, l'entaille est fermée par une portière de dame.

Dame de nage* : ou chandelier d'aviron, est une pièce de métal composée d'une fourche en forme de lyre surmontant un pivot que l'on introduit verticalement dans une douille fixée dans le plat-bord.

Erre* : Vitesse conservée par un navire sur lequel n'agit plus le propulseur. Moteur coupé, voiles affalées, un bateau garde encore un peu de vitesse, il continue sur son élan : on dit qu'il court sur son erre.

Rame* : Le langage marin emploie le terme d'aviron. La rame est le très grand aviron utilisé autrefois à bord des galères. L'expression "Lève rames !" a subsisté dans les commandements en embarcation dans la marine de guerre : c'est l'ordre de disposer horizontalement les avirons, pelles à plat, manches reposant sur le plat-bord.

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