Big & Julia

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Big est sonné et ne comprend pas ce que fait la jolie caissière dans ce bar. Il ne l’avait pas remarqué en entrant et s’en veut. Trois gaillards essaient de le relever. Remettre d’aplomb une telle masse nécessite que l’on s’y mette à plusieurs. Il y en a deux qui le soutiennent et un qui le tire par les bras. Difficilement, ils y arrivent finalement. Big de retour en position verticale est confus, il se répand en excuses et se dirige vers la sortie. La gentille caissière essaie de le retenir : Big est sonné et ne comprend pas ce que fait la jolie caissière dans ce bar. Il ne l’avait pas remarqué en entrant et s’en veut. Trois gaillards essaient de le relever. Remettre d’aplomb une telle masse nécessite que l’on s’y mette à plusieurs. Il y en a deux qui le soutiennent et un qui le tire par les bras. Difficilement, ils y arrivent finalement. Big de retour en position verticale est confus, il se confo

- Hey ! Oh ! Attendez !

Sauf que Big n'écoute pas, sort et avance honteux en regardant le sol. Le temps de récupérer ses affaires, Julia se lance à sa poursuite.

- Hey ! Oh ! Mais attendez ! Vous ne pouvez pas rester seul après une chute pareille. Je vais vous raccompagner chez vous.

- Non ! Laissez-moi, je dois rester seul.

Mais la jeune fille ne l'entend pas de la sorte. Elle suit Big dans la nuit, en essayant de le raisonner.

- Soyez raisonnable ! Laissez-moi vous raccompagner.

A force d'insistance et parce qu'il n'a aucune volonté, Big se laisse finalement convaincre, ou du moins, il cesse de ronchonner. Julia ne sachant trop que faire le suit quelques pas en retrait. Big, piteux comme jamais, avance sans mot dire. La tête enfoncée entre les épaules et les poings serrés dans les poches, Il a l'air bien trop occupé à en découdre avec sa culpabilité pour faire attention à autre chose ou quelqu'un, qui plus est cette personne en particulier.

Environ une demi-heure plus tard, ils arrivent à destination. Big fouille ses poches à la recherche de ses clefs

- Voilà nous sommes arrivés. Merci.

- Je vois ça.

Il enfonce la clef dans la serrure et en ouvrant la porte, soupire en regardant les escaliers.

- Vous voulez que je monte avec vous ?

- C'est pas de refus !

- Au mieux, je ne pourrai que prévenir les secours si vous n'y arrivez pas, mais ça sera déjà ça.

- En effet.

Big se lance dans la conquête des étages. Son appartement se situe au troisième. Il avance péniblement en s'accrochant à la rampe et Julia le succède. Arrivés sur la palier, il lui dit :

- Voilà, je suis sain et sauf. Encore une fois merci.

- Vous voulez pas que je rentre avec vous ?

- Non merci !

- Je me sentirais rassurée si je vous savais en sécurité et au lit.

- Non merci !

- Pourquoi ?

- Je n'ai pas envie que vous voyiez combien ma vie est pathétique et immonde.

Apparemment, il en aurait fallu beaucoup plus pour rebuter la jeune femme et beaucoup moins pour aiguiser sa curiosité.

- Allez, ne vous faites pas prier. Dès que je vous saurai en sécurité, je vous laisse, promis.

Big ouvre la porte un pincement au coeur. Il allume la lumière sur la poubelle géante qui lui sert de maison. Ses yeux se posent automatiquement sur les détritus qui jonchent le sol. Il avance lentement, hésitant.

- Vous êtes vraiment sûre ?

- Absolument certaine !

Lentement, ils remontent le couloir, longeant ou enjambant des sacs poubelles. Big semble de plus en plus réticent de lui faire voir la suite.

- Je vous assure que je préférerais...

- Moi aussi je préférerais...

- C'est là !

- Ok.

Big ouvre la porte et allume la lumière sur une chambre impeccablement rangée. L'imposant mobilier date des années 40. Les formes arrondies, les fleurs géométriques sculptées dans le bois, la parfaite symétrie par rapport au miroir central, le couvre lit en dentelle parfaitement tiré, le crucifix au mur, ainsi que le naturel feint par Big en ouvrant la porte, ne laissent pas Julia dupe de la supercherie :

- Ça n'est pas votre chambre !

- Pff.

Le gros bonhomme soupire en refermant la porte et continue son périple dans le couloir obstrué de choses innommables.

- Ma chambre est au fond.

- Ok.

En tournant la poignée, le coeur à Big bat très fort. Que va t-elle penser de lui en découvrant le capharnaüm ? Big pousse la porte. Il se sent au plus mal, tandis que les rayons de la lune éclairent le foutoir qui lui sert d'antre. Julia ressent sa gène. Pour le rassurer elle lui dit, en souriant :

- Oh ben je ne vois rien qui soit pire que la chambre d'un adolescent.

Big marmonne un truc entre ses dents. Julia en voyant sa chambre comprend toute la détresse de cet homme. Sa vie solitaire et son manque de motivation. Pour elle, c'est clair que c'est le manque d'amour, le manque de repères qui est à l'origine de se laisser-aller. La jeune fille fait tout son possible pour dissiper le malaise. Big comme un gros poupon docile se laisse diriger.

- Allongez-vous.

Big grommelle et s'allonge sur le lit, Julia passe à ses pieds. Elle défait les lacets et lui enlève ses chaussures. Big ne comprend pas à quoi elle joue, et le ventre plein d'angoisse se laisse dorloter. L'odeur qui monte de ses chaussures est infecte, ses chaussettes trop portées sont, à force de ne pas avoir été changées, comme cartonnées par la sueur séchée. De plus, elles sont vieilles et par endroit on voit à travers le tissu. Julia qui n'a pas voulu offusquer l'homme n'a pas allumé les lumières, mais n'en pense pas moins. C'est ce que Big se dit. Il entend les reproches qui résonnent dans la tête de la jeune fille. Il se sent pris en défaut, son orgueil est en train de prendre un sale coup. Il essaie de ne pas y penser, mais c'est dur, car c'est moins compliqué que d'essayer de cerner pourquoi cette fille est si gentille avec lui. Ensuite, elle passe sa main dans ses cheveux en disant :

- Vous devez avoir une belle bosse, votre tête a cogné violemment sur le sol.

Ses doigts fins passent à l'arrière du crâne et parcourent l'excroissance sur le cuir chevelu. Julia soulève la tête du bonhomme qui jusqu'à présent se laisse faire. Ses doigts tâtent, palpent, auscultent délicatement. La fille se penche toujours plus, si bien qu'à force elle effleure le visage de Big avec la pointe de ses seins.

- Arrêtez ça !

- Quoi ? Ça fait mal !

- Non ! c'est trop bon ! Personne ne m'a jamais... comme ça !

- Quoi ? Vous n'avez jamais...

Les deux se regardent à présent droit dans les yeux. C'est un drôle de tableau. Dans la semi-obscurité, la jeune fille un genou sur le lit soutient la tête du gros bonhomme de sa main gauche. Ils se regardent sans rien dire. On sent une drôle de tension entre eux. La main droite de Julia se pose alors sur la braguette, ses doigts habiles ouvrent le pantalon et se faufilent dans l'entrebâillement. Big respire fort, tandis que Julia passe sa main dans le slip kangourou et masse le sexe qui grossit entre ses doigts.

- Arrêtez à la fin !

- Laissez moi faire !

La main de Julia toujours dans le pantalon joue avec la queue. Elle la serre entre ses doigts fins et la branle lentement. Le corps de l'obèse est soudain parcouru de spasmes. Des papillons électriques virevoltent dans son bas ventre. Ses muscles se contractent. Il tressaute et commence à gémir, ou plutôt, il geint en s'essoufflant. Son corps se raidit et le coup part trop vite. Alors Julia ressort ses doigts dégoulinant de liquide visqueux et Big sombre dans le néant.

Lorsqu'il ouvre les yeux, il perçoit un bruit de cafetière qui crachote ses dernières nuées de vapeur. Ça sent le café. Big est pris d'un doute. Habillé sur son lit, Il se remémore vaguement sa chute, la jolie caissière, ses seins insolents et fermes frôlant son visage, la main dans son pantalon, et aussi bien sûr son éjaculation précoce. Il se sent comme au sortir d'un cauchemar, incapable de distinguer ce qui relève du vrai, du faux, du sublimé, du fantasmé et du malheureusement vrai. Il regarde le réveil posé sur la table de nuit. La journée est déjà bien avancée, il se rend compte qu'il a beaucoup dormi. Il essaie de s'asseoir sur le bord du lit, mais son corps souffre terriblement. Il en déduit que la chute a bien eu lieu. Il se redresse péniblement et s'assied enfin. En passant sa main sur la bosse au sommet du crâne, il remarque que tout le linge sale éparpillé sur le sol a disparu. Il se lève douloureusement. Il a vraiment mal partout, comme s'il s'était fait battre chaque muscle par la mystérieuse lavandière. Dans le couloir, toutes les ordures ont disparu elles aussi, à la place il découvre des piles de linge sale prêtes à être enfournées dans la machine qui tourne à plein régime. L'étendoir à linge semble sur le point de s'effondrer sous le poids de ses gigantesques fringues humides, sur chaque porte sèche une serviette de toilette mouillée. Le salon et la cuisine ont aussi été débarrassés de leurs déchets, découvrant ainsi parquet, carrelage ou tapis crasseux. Quelqu'un a également fait toute la vaisselle qui sèche en équilibre instable sur le bord de l'évier. Big avance à pas de loup. Il s'attend à découvrir le fantôme de sa mère dans l'embrasure d'une porte. D'un point de vue plus rationnel, il se dit que ce ménage doit être l'ouvrage de sa soeur, étant donné qu'elle est la seule personne avec qui il a des contacts, qui plus est lorsqu'il s'agit de le tirer d'une mauvaise passe.

Sur la table, il n'y a qu'un large bol propre. Aucune trace de vie dans l'appartement. Big se sert un café et se dirige vers le buffet à la recherche de sucre, sauf qu'en ouvrant la porte, il remarque que ce dernier est entièrement vide. Surpris, il se rend jusqu'au frigo pour découvrir que celui-ci a été également entièrement vidé. Mais où sont passées les commissions ? Big doute que ceci puisse être le fait de sa soeur. Le congélateur est tout aussi vide. Le moindre aliment comestible a été éradiqué de l'appartement. Big est plus que dubitatif. Il se tient tel un morse hébété sur une banquise d'incompréhension lorsque la porte d'entrée s'ouvre propulsée par une vive énergie. Le gros monsieur sursaute, se liquéfie, se ressaisit, s'effondre, se raidit, se gonfle, se dégonfle, s'arrête de respirer, essaie de disparaître, pour finalement se dire qu'il n'y croit pas, qu'il rêve encore. Ses jambes se dérobent, son espoir le retient, il inspire, il est en vie.

- Ah ! Tu es enfin réveillé !

- Euh... oui...

Une Julia en salopette, un bandana dans les cheveux, se tient tout sourire face à lui, de chaque côté à ses pieds un énorme sac de course.

- Aujourd'hui c'est grand ménage ! J'ai acheté tous les produits qui vont bien. De quoi laver, nettoyer, dégraisser, récurer, désinfecter... ça va être une chouette journée !

- Et il est où le sucre ? Et ma nourriture, elle est où ma nourriture ?

- Le sucre et les cochonneries, c'est fini pour toi !

- Euh...

Big n'en revient pas. Cette jeune fille de 55 kgs à vue de nez, vient de le mettre KO avec très peu de mots. Pas le temps de trouver une réponse que déjà elle surenchérit.

- Toi, tu vas ranger la vaisselle pendant que je fais la salle de bain.

- Euh... D'accord...

Clopin clopant Big s'exécute, sauf qu'il sent bien que faire le ménage est en dehors de sa volonté, et qu'il ne le fait uniquement parce qu'on le lui ordonne. Cette situation est, à vrai dire, tellement irréelle qu'il ne peut que obtempérer. Une espèce de curiosité le pousse à découvrir la suite. En empilant nonchalamment, les objets dans le buffet, il se demande quelles sont les motivations de la jeune fille à se comporter ainsi. Maintenant, il se rappelle clairement que la veille au soir elle l'a masturbé, ce qui va bien au-delà de la simple pitié, d'un geste de charité envers un nécessiteux. Julia passe rapidement la tête par la porte et dit :

- Vu que le buffet est vide, tu pourrais peut-être repenser l'organisation. Les verres avec les verres, les assiettes avec les assiettes, les plats avec les plats. Et dans les tiroirs, tu pourrais mettre les couteaux ensembles, les cuillères et fourchettes idem ?

Big balbutie un truc qui ressemble à d'accord et ressort tout ce qu'il avait enfourné dans le meuble pour l'ordonnancer convenablement. Ainsi la vie c'est aussi simple que cela. Le succès vient de tout mettre en ordre, ranger, classer, classifier. Alors, il s'exécute. Après la vaisselle ce sera la poussière en soulevant les bibelots, enlever les toiles d'araignées aux plafonds et dans l'angle des murs, etc.

Lorsque Big soulève les coussins du canapé afin de jeter sa collection de Kleenex tous collés de foutre, Julia à quatre pattes, non loin de lui, s'affaire à frotter le parquet. Elle frotte vivement en y allant de bon coeur. Elle serre fermement une serpillière dans ses mains et s'agite de tous ses muscles. Le gros bonhomme ne peut s'empêcher de l'admirer. Il l'a fantasmé tellement souvent dans cette position qu'il ne peut se résoudre à croire qu'elle soit vraiment là à astiquer ainsi. Régulièrement, elle se redresse, plonge la serpillière dans l'eau, la rince et la tord et se remet à frotter avec vigueur. A quoi pense t-elle ? Big ne sait pas. Il essaie de se projeter dans ses pensées mais ne trouve rien à y lire. Elle y met tellement d'entrain et d'énergie qu'elle ne semble pas se forcer. Pire même, elle semble même y prendre du plaisir. En était-ce de même hier soir lorsqu'elle lui a tapé une queue ?

- Encore un petit effort et ce sera fini !

Elle dit ça en riant. Big qui n'a pas l'habitude de sentir la joie autour de lui ne voit pas quoi répondre.

- Allez, il ne reste plus que ta chambre. Encore un petit effort !

Le temps passe. Une après l'autre, les pièces sont passées au grand coup de propre. A présent, il fait nuit. Ils n'ont rien mangé de la journée mais Big n'a pas faim. Julia ne lui en laisse pas le temps. Et surtout, il y a bien trop d'interrogations qui s'agitent en même temps. Ils viennent de finir leur dernière tâche, vider l'armoire de la chambre, lorsque Big s'autorise enfin à poser une question.

- Pourquoi vous avez fait ça ?

- Pour t'aider

- Non, je parle de hier soir.

- Ben ce sont des choses qui se font entre un homme et une femme lorsqu'ils sont ensemble.

Ensemble ? Ainsi, un jour on est rien l'un pour l'autre, on ne se connaît pas ou se salue à peine, et le lendemain on est ensemble ! Cela ne convient pas à la logique de Big. Et au-delà de considérations sur l'amour, c'est que du jour au lendemain quelqu'un puisse être avec lui qui lui semble hautement improbable. Pas de doute cette fille est dingue !

- Parce que ça veut dire qu'on va le refaire ?

- Mieux que le refaire, on va réussir à le faire !

Inutile de dire que pour Big, il s'agit d'un choc.

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