Joyeux Anniversaire April

8 minutes de lecture

- Je n'ai jamais aimé les chats. D'aussi loin que je me souvienne, ça a toujours été le cas. Qui peut aimer une créature aussi sournoise que cela ? D'ailleurs, je n'aime pas non plus les chiens, ni les hamsters. Dans le fond, aucun animal ne trouve grâce à mes yeux.

J'écoutais d'une oreille distraite le discours du beau-père d'April, ma meilleure amie, avec un sourire poli. Il était d'un ennui mortel, tout comme cette réception qui était organisée pour son anniversaire. Avec mes amis, nous avions l'habitude des soirées des plus mouvementées, mais là, c'était un calvaire. Je parcourais des yeux la salle, et ne vis personne ivre, ou sur le point de faire le moindre écart. Cependant, quand je posa mon regard sur Jérémy, je compris qu'il venait de faire une bêtise. Il avait le regard coupable et il se cachait presque dans un coin avec un fin rictus sur le bord des lèvres. Je m'excusai auprès de l'homme avec qui je conversais, et me dirigea vers le garçon. Lui et moi étions amis depuis l'enfance, on était même sorti ensemble au début du lycée. Cela avait conclu à un lamentable fiasco. Nous n'étions pas fait pour être ensemble.

- Qu'est-ce que tu as fait ? le sermonnais-je en me plaçant devant son sourire sournois.

- Mais rien ma jolie Lizy. Du moins rien qui ne te concerne.

- Allez, je m'ennuie et j'ai besoin d'un peu d'action dans ma soirée...

- Désolé, mes produits n'arrivent que lundi, tu devras te trouver une autre distraction en attendant, me confia-t-il tout en s'approchant dangereusement de moi. J'ai peut-être une idée qui pourrais nous occuper, si tu vois ce que je veux dire.

Il déposa un baiser sur ma joue avant de poser une main sur ma taille. L'innoncence, il ne connaissait pas ce mot. Je soupirais et retirais ses avances de mon corps sans parvenir à retenir un sourire. Il m'avait toujours beaucoup plu, mais April, désapprouvait notre relation. Elle la disait toxique pour nous autant que pour notre entourage. Je n'avais jamais compris son raisonnement.

- Dis-moi ce que tu as comploté, Jérémy. S'il te plaît, murmurais-je en le regardant droit dans les yeux.

- J'ai peut-être versé quelques pillules magiques dans les verres de champagnes de certains convives. Bien sûr, tu n'en sais rien.

Un léger rire s'échappa de ma bouche, et je tournais les yeux vers l'assemblée. Une quarantaine de personnes se dressaient tout autour de nous. Beaucoup étaient des amis de lycée, les autres faisaient partie de la famille de notre meilleure amie. Elle, ne semblait se douter de rien, elle allait de groupe en groupe, discutant de tout et rien.

- Elle me fait de la peine ce soir, je l'ai même entendu dire que son épouvantail était mieux dans le fond de son jardin. Sérieusement, j'ai l'impression d'être à son enterrement social plutôt à qu'une réception pour son anniversaire...

- C'est pour cela que j'ai décidéd'ajouter un peu de piquant. Normalement, son frère et sa mère ne vont pas tarder à avoir très chaud, ainsi que sa tante un peu trop guindée, et c'est sans parler de ses grands parents.

- Non, pas les grands parents.

- Oh que si, les grands parents. Tu verras, ça va être mieux que la télé ce soir.

Je m'appuyai à ses côtés sur le mur et pris deux verres à un serveur qui passait avec un plateau. J'en tendis un à mon accolyte en savourant le futur spectacle à venir. April nous repéra dans l'assistance et vint à notre rencontre. Elle était somptueuse ce soir dans une robe noire au bustier couvert de sequin argenté.

- Vous vous amusez ?

- À peu près autant qu'une caissière un peu coincée qui chanterait dans sa salle de bain après une dure journée de travail, rétorquais-je sans prendre de pincettes. Sérieusement, on en a fait des soirées mondaines, mais celle-là est un peu molle...

- Je sais, ma grand-mère a tenu à tout organiser, résultat, j'ai une soirée nulle, geint la petite brune en volant la coupe de champagne de Jérémy pour la boire d'une traite.

Elle se posa à son tour contre le mur en observant l'ambiance misérable qu'il y avait. Confier sa soirée à une septuagénaire, en voilà du génie... Je me retins de le dire à April, cependant Jérémy ne s'en priva pas et notre amie soupira une nouvelle fois.

- Oui... C'est sûr que ce n'est pas l'ambiance du Palace où l'on n'avait fêté tes dix-huits ans... Tes strip-teaseuses me manquent, avoua-t-elle en secouant la tête avec un désespoir non feint. Elles, au moins, elles savaient s'amuser.

Nous fondirent dans un fou rire, attirant tous les regards sur nous pendant un instant. Puis, après s'être calmée, elle disparu dans la foule pour converser avec les convives et engueuler un serveur qui venait de faire tomber un plateau entier de petits-four.

- Tu sais, Lizy, j'ai appris que tu voyais quelqu'un en ce moment.

- Quoi ? Qui as bien pu te mettre une idée comme cela dans la tête ?

- Peu importe, quelqu'un m'a dit ça, et je voulais savoir si c'était la vérité.

Un silence s'instaura entre nous, et je détournais le regard sur ma flute de champagne que je vidai. Seule April était au courant. J'inspirais profondément et, gênée, je me tournais vers lui.

- Oui. Je vois quelqu'un.

Il hocha lentement la tête, et grimaça. Il ravala, ce que je supposais être, une pillule dure à avaler.

- Bien. L'important c'est que tu sois heureuse.

Sur ces mots, il s'éloigna de moi et prit la direction du bar. Désemparée, je m'effondrai dans un fauteuil proche de là. Avachie, je fermais les yeux en regrettant déjà cet aveu. Néanmoins, je ne pouvais pas lui mentir.

Soudain, des rires éclatèrent dans l'assistance ainsi qu'une voix qui semblait tenter d'attirer l'attention de tous.

- Allez April, viens danser avec mamie sur la table !!

Je me redressai presque automatiquement et contempla la scène avec un sourire non-feint. La grand-mère se dressait devant tout le monde debout sur le buffet et dansait sur une musique actuelle.Je ris de bon coeur face à ce spectacle. Jérémy avait raison. C'était définitivement mieux que la télé. April, honteuse, suivit sa doyenne avec qui elle dansa. Elle semblait mortifiée, je jubilais. Les conversations qui s'élancèrent par la suite traitait pour la plupart de cette vielle dame qui n'avait pas froid aux yeux. En effet, les secondes d'après, la grand-mère de mon amie se déhanchait sur le rebord des larges fenêtres de la salle de réception tandis que April et son frère tentait de la raisonner.

J'aurai aimé avoir Jérémy à mes côtés pour savourer ce moment, mais je dus m'en délécter seule avec un verre de champagne. Je me relevais de ma chaise et décidais d'affronter une conversation un peu moins drôle avec mon ami d'enfance. Toujours à côté du bar, il était désormais difficile de compter les coupes de champagnes vides qui s'accumulaient devant lui. Je m'assis à côté de lui, et lui souris gentiment.

- Je me souviens d'une anecdote de l'anniversaire de mes huit ans.

- Ah oui ? souffla Jérémy dans un haussement d'épaules démontrant son manque d'intérêt pour la chose.

- Oui... Mes parents m'avaient organisé un goûter mémorable pour l'occasion. Toute la classe avait été invité à venir dévorer un gâteau en forme de licorne et à se batailler une piñata. J'avais détesté ça. Je n'aimais pas les gâteaux ni même les licornes. Tu as été le seul à le comprendre en m'offrant la possibilité de m'enfuir de mon propre anniversaire. On s'était isolé dans le bureau de mon père avec tous les paquets de bonbons et les cadeaux qu'on m'avaient offert et on avait tout déballé loin de l'agitation. Quand mes parents nous sont tombés dessus, ils m'ont bien engueulé. Pourtant, ils ont laissé le garçon chez moi. Ils ont laissé le garçon le plus important pour moi parce qu'ils savaient à quel point je t'appréciais.

- Je ne vois pas où tu veux en venir.

- Tu n'as jamais cessé d'être important pour moi. Cependant, quand on est ensemble, on se détruit. Alors, oui, j'essaie de voir quelqu'un d'autre en ce moment, mais je n'arrive pas à te sortir de ma tête.

Je haussais à mon tour les épaules en baissant les yeux sur le sol. Il me rendait malade. Il prit doucement ma main, et la caressa du bout de son pouce. Il ne parvint pas non plus à me regarder, ni même à me répondre, mais il m'avait compris. À mes yeux, cela n'avait pas de prix.Nous restâmes là, silencieux, une main dans celle de l'autre. Les mots ne servaient plus à grand chose maintenant.

- April chérie, il faut que tu raisonne ta mère, s'écriait le beau-père de celle-ci à quelques pas de nous. Ta mère a décidé d'investir dans les poêles en teflon en parlant à tonton Jacques. Elle ne veut pas m'écouter mais peut-être que tu y arriveras...

Un regard échangé avec Jérémy suffit pour qu'on explose de rire. Je déposais mon visage contre son épaule et je ne pus me retenir de verser des larmes de joie et d'amusement sur le coup. Cette fête virait au cauchemar pour April mais devenait réellement intéressante pour nous. Ainsi, nous assistâmes au spectacle de la tante beaucoup trop guindée qui se mettait à embrasser le serveur le plus mignon de la soirée et à le peloter devant toutes l'assistances pendant que la grand-mère se trémoussait et que le grand-père suait dans son smoking, l'air totalement absent de son corps. Je reconnaissais bien là la pâte de mon meilleur ami. Ainsi, la famille entière d'April se donna en spectacle sous nos yeux.

- Non, tonton Jacques, maman ne va pas verser cent-mille dollar dans ton entreprise ! s'écriait April, soutenu par son frère qui se tenait à ses côtés.

- Ma chère enfant, un marché est un marché.

- Tonton, tu ne sais pas à qui tu te mesure !

- C'est bien vrai, vous vous mesurez des gauffrettes, de vrais bonnes gauffrettes !

- Jordan, pour l'amour du ciel, tais-toi, s'énerva April sur son frère.

- April, j'ai appris que le type à ta droite aime tes grands parents.

- Maman, tu arrêtes maintenant. Bon sang, vous avez mis quoi dans le champagne ?!

Sur les nerfs, April abandonna tout espoir de les raisonner et vint s'affaler contre le bar à nos côtés.

- Dure soirée? demanda Jérémy innocemment.

- M'en parle pas. On va boire un verre ?

-Volontier.

Sur ces mots, on prit la porte pour rejoindre un autre endroit. La soirée n'allait pas tarder à virer au cauchemar et nous ne voulions pas assister à la débacle trop longtemps.

- C'était bien mieux que la télévision, tu avais raison, murmurais-je dans le creux de l'oreille de Jérémy qui me répondit d'un large sourire suivit d'un clin d'oeil.

Nous quittions ainsi cet endroit après y avoir mit un désordre sans nom. Cependant, cette soirée s'annonçait à nouveau pleine de rebondissements aux côtés de mes deux meilleurs amis.

Annotations

Vous aimez lire MmeMaelle ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0