Fiction politique et victoire normale

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 Il parait que des gens appelés tibétains disent: si tu ne peux le combattre, embrasse ton ennemi... Je comprends l'idée mais il est hors de question que je fasse des bisous aux deux squatteurs imposés par MES humiens... Force est de se rendre à l'évidence, je me suis fais battre par le syndrome du pauvre chat trop mignon et tout malheureux que l'on a envie de réconforter. Soit! Mais je ne m'avouerai pas vaincue pour autant. Bien au contraire! Parce que cela m'a inspiré un plan génial! Mais revenons aux origines de celui-ci.

 Tout a commencé avec certains livres d'humien qui traitaient tous d'un même sujet, une histoire de guerre d'Indochine (je crois avoir entendu d'autres humains en visite express dire derrière son dos qu'il ne fallait pas être très net pour avoir autant d'ouvrages concernant la guerre ou la stratégie en général. Moi cela m'indiffère, dans un de ses bouquins les gens comme cela sont qualifiés d'imbéciles utiles). Apparemment deux équipes d'humains s'y sont fait une grosse bataille dans un lieu appelé Dien Bien Phû (ils en ont des noms bizarres ces humains!) et les vainqueurs de la bataille ont envoyé tous les survivants dans des camps en attendant que les responsables des deux équipes se mettent d'accord pour mettre fin définitivement aux hostilités (des histoires de souveraineté de territoire si je ne m'abuse, j'avais peut être un ancêtre sur place). Au final une majorité de prisonniers mourra en captivité de mauvais traitements ou de conditions de vie dégradées. Dans certains des camps, en accord avec leur hiérarchie sur place, des prisonniers se livrèrent à une mise en scène de fiction politique. Ils firent semblant d'adhérer aux idées de leurs vainqueurs, signèrent tout ce qu'on voulu bien leur présenter, ce qui au passage permettait de faire savoir à leurs familles restées sur leur territoire d'origine qu'ils étaient toujours en vie. Ce faisant, ils améliorèrent leur conditions de vie, subirent moins de brimades et survécurent plus nombreux pour attendre le jour de la libération.

 Ce que je me propose de faire tient lieu de la même fiction! Puisque la raison ne peut les atteindre, puisque la sensiblerie au côté mignon d'un chat fait perdre l'esprit à un humain, je vais leur en donner moi du mignon! J'ai plein d'atouts pour cela!

 En premier lieu, j'ai toujours été petite et vive, du coup je reste souple et mince, bénéficiant de l'aspect presque chaton quand les deux autres baffrent mes gamelles et grossissent à vue d'oeil. Ils sont tombés dans mon piège les fâts! Je leur en laisse volontairement un peu plus tous les jours pour accentuer le processus. Voilà pour l'aspect visuel, passons à l'emprise sur les esprits maintenant. Je suis arrivée la première et humien ne jouait qu'avec moi à l'époque. Je sais exactement quoi faire pour qu'il n'en puisse plus de rire. Il lui suffit de me voir sauter d'armoires en armoires quand mes coreligionnaires ont du mal à s'extraire du plancher des vaches pour réveiller sa conscience de mon unicité flamboyante. Plus je joue à l'acrobate, plus il est heureux, et plus les deux autres chats se sentent délaissés (ce qui est assez jouissif j'admets). Tranche de porte, rebord de fenêtre, nulle partie de l'appartement ne m'est inaccessible! J'entre même dans le baby foot par l'un des buts pour lui renvoyer la balle en liège qu'il me relance presqu'immédiatement. Bien évidemment le chat roux (ils l'ont nommé Papouf, bien fait pour lui) essaie de me voler certains jeux. Lorsqu'humien fait des catapultes avec des élastiques que j'attrape au vol et lui ramène pour qu'il me les renvoie, il essaie de me les prendre! Du coup, comme il est trop stupide pour avoir l'idée de les ramener, je me contente de me désintéresser de la situation, en partant l'oeil mauvais et la queue en l'air dans la direction opposée. Cela ne manque jamais, humien grogne après Papouf qui l'empêche de jouer!

 Car voilà l'idée, le but n'est plus d'expulser les autres chats, mais bien d'avoir une prévalence officielle au sein de l'appartement! C'est devenu une guerre d'usure, une guerre qui se poursuivra jusqu'à la fin des temps félins! A ce titre je revendique tout privilège! Je maîtrise la marche en laisse, je peux donc aller dehors plus que les autres (d'autant plus qu'une fois lâchée dans un lieu clos je ne manque pas de monter aux arbres dotés des plus fines branches pour me repaître du regard de fierté et de contentement d'humien). Je ne miaule jamais (contrairement à Papouf qui selon humienne "casse les oreilles de tout le monde à quatre heures du matin") mais pousse uniquement des petits grondements pseudo plaintifs, je suis souvent la seule à avoir du lait au petit déjeuner. Une ballade dans un parc, s'il ne faut emmener qu'un chat c'est moi! En laisse ou sur l'épaule d'humien que j'ai dressé à l'exercie. Je maîtrise le monde car c'est moi le plus mignon des chats!

 Mais cela va plus loin! S'il m'arrive souvent de "jouer" (plutôt prouver ma supériorité oui!) avec Papouf et Blanche, j'ai une technique imparable pour m'assurer le capital sympathie de mes humiens! Je vous explique. Prenez un papouf adulte (qui fait presque trois fois mon poids et qui est il faut l'avouer bien plus grand) au moment où il dort ou se repose. Assurez vous que personne ne regarde. Approchez vous pour lui lécher le crâne (finalement les tibétains n'avaient pas si tort, chez nous les félins, si un animal se laisse lécher, il reconnait la supériorité du lécheur. Je ne sais pas si je dois livrer cette information...) Progressivement commencez à le mordiller et à l'encercler entre vos pattes (certains pourrait effectivement parler d'attaques qui plus est déloyales, mais qui sont-ils pour juger?). Deux solutions s'ouvrent alors. Soit il se soumet et cela fait un bien fou à l'égo d'être directement reconnue comme "MASCOTT THE BOSS!". Soit il se réveille et contre attaque. Comme il ne maîtrise ni sa puissance ni son excitation, il vous poursuivra quand vous fuirez. Logique. Il suffit donc de se débrouiller pour passer devant mes humiens en poussant un cri plaintif à leur destination tout en grondant après l'agresseur. Ils prendront automatiquement votre parti, réprimeront le simple d'esprit. C'est alors ce que j'appelle la reconnaissance de "MASCOTT la préférée!" Bingo! On est gagnant à tous les coups. C'est comme le pile ou face avec la règle du pile je gagne face tu perds... Encore mieux, si on le refait plusieurs fois dans une soirée, le-dit Papouf peut même se retrouver isolé pour un temps dans une autre pièce ce qui permet de régner d'autant plus sans partage sur les lieux! C'est imparable! J'ai totalement influencé mes humiens et par la même j'ai la domination effective sur les lieux! La jouissance efficace, le bras séculier dénoué, en bref, à tous, je leur ai mis profond! Je suis devenue pour toujours au sein de ma maison, le petit chat trop mignon! (cela rime vaguement et peut encore plus vaguement évoquer la série Game of Throne, qui ne vaut pas le bouquin même si elle ne s'en écarte que sur les dernières saisons. Je sais qu'un bon paquet d'humains trouveraient le jeu de mot super s'il n'était pas trop stupides pour apprendre à parler chat)

 Mais tout cela, bien sûr, c'est dans un contexte de normalité assurée et assumée (qu'entends je par là? Peut-être une histoire de référentiel galilléen, toute inflation égale par ailleurs, sans prendre non plus en compte l'évolution du dow jones sur la libido des papillons. En clair, c'est mon appréciation du moment qui agrémente et conditionne la définition du concept. Merde à la philosophie de la raison!). Quid de l'anormalité?

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