Chapitre 7. Amélya

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 Oh ! Cette Abbie ! elle avait un sérieux problème ! Danny ne lui adressait pas la parole, il ne la critiquait pas, ne montait pas la tête à ses potes ou autres, je ne comprenais pas. Pourquoi ne passait-elle pas à autre chose ? Bon sang !

Je devais me ressaisir, car je devais rejoindre mon groupe afin de rendre visite aux enfants malades.

Quand j’ai vu tous ses petits bouts, je me demandais où se trouvait la justice là-dedans, ce n’étaient que des bambins, minces.

Christo se dessinait devant moi comme une évidence, il voulait que je surmonte son départ en m’occupant de personnes au même passé que moi. Pourquoi ? Je ne pourrais pas combler ce manque. Il prenait toujours cette énorme place dans mon cœur et dans ma tête. Idiote réfléchie.

C’était pour que tu puisses comprendre ses enfants et ses familles souffraient comme toi. Seulement, ils ne montraient rien qui pourrait faire penser à autre chose, afin d’oublier un peu la maladie. Alors prends exemple ma vieille. Arrête de t’empêcher de vivre, voire même d’aimer quelqu’un d’autre. L’ascenseur avait stoppé, les portes s’étaient ouvertes sur une petite fille aux grands yeux magnifiques. Elle portait un foulard avec des imprimés d’animaux de la savane dessus, celui-ci recouvrait son crâne devenu chauve par les traitements.

- Bonjour, je m’appelle Amélya ! Et toi ?

- Bonjour, moi, c’est Julia.

- Enchanté de faire ta connaissance. Qu’as-tu trouvé de beau à effectuer cet après-midi ?

- On a le droit de jouer à cache-cache ?

- Je ne pense pas que cela soit autorisé. Mais est-ce que tu connais de bonnes blagues ?

- Oui, quelques-unes, mon papa m’en raconte très souvent.

- Super, en revanche, moi je m’avère totalement nul pour les retenir.

On se mit à rire toutes les deux puis Julia me pointe son doigt sur mon torse.

- Tu ne vas pas t’en sortir comme ça, tu devras m’en dire une Amélya, sinon c’est de la triche.

- OK, je vais essayer de m’en remémorer quelques-unes, mais je ne sais pas si cela demeurera amusant ou pas.

- On s’en fiche, on ne va pas juger.

- C’est vrai, alors c’est toi qui débutes.

Elle commençait à m’énumérer ses histoires drôles, plus marrantes, les unes après les autres. Les miennes subsistaient à rester totalement idiotes, car je ne me souvenais pas souvent de la fin. En général, je faisais à ma sauce, malheureusement au bout du compte cela ne ressemblait plus à rien, ce qui nous avait fait pouffer.

- Elles demeurent complètement absurdes tes farces !

- Je t’avais prévenue, je ne les retiens pas, je sais qu’à l’origine, ces histoires devaient s’avérer hilarantes.

On repart à rire de plus belle.

Ses parents étaient arrivés pour lui rendre visite après le travail. Julia s’était précipitée dans leurs bras, avec un débit de paroles incompréhensives pour nous. Ils lui demandaient de répéter, mais plus calmement. Elle leur expliquait mes blagues trop nulles, avec une intonation que je n’avais pas eue en les racontant, elle était vraiment très douée, elle devrait se mettre au théâtre, j’étais certaine qu’elle ferait carrière. Ses parents me semblaient reconnaissants, pour l’air radieux que j’avais redonné à leur fille aujourd’hui.

- On vous remercie du fond du cœur pour le sourire que nous avons eu droit tout à l’heure de la part de Julia. On va dire que depuis qu’elle a su pour sa maladie, elle a le moral dans les chaussettes et n’adresse pas facilement la parole aux autres personnes de l’hôpital.

- Avec plaisir, c’est mon travail. Julia est une petite fille extra, pour rester honnête avec vous, l’année dernière je me trouvais à votre place et mon fiancé à la place de Julia. Depuis que… Je ne ris plus, voire très peu, mais elle m’a donné une bonne leçon de vie et son sourire s’avère magnifique. Je vous avouerais qu’elle a de très vrais talents de comédienne.

- Nous sommes sincèrement désolés pour votre ami, vous semblez si jeune. Vous savez tous les jours, nous avons peur qu’elle nous quitte, alors on vient avec un seul but, que la médecine trouve un remède qui pourra la sauver.

- Je l’espère également, car c’est difficile de se dire que demain tout pourrait s’arrêter brusquement.

- Oui, mais on s’y prépare un peu aussi pour ne pas être déçu enfin quelque chose comme ça.

On s’était pris dans les bras pour une accolade, en se souhaitant le meilleur pour chacun de nous. Ses parents m’avaient demandé si cela était possible de venir lui rendre visite plus régulièrement, car il ne l’avait jamais observé ainsi avec les autres membres de l’hôpital. Je n’avais pas pu refuser, ils étaient vraiment une famille adorable et unie.

Ma journée était terminée, je m’apprêtais à rejoindre Danny à la bibliothèque lorsqu’une personne me saisit par le coude très fortement.

En me retournant, je vis Abbie, les nerfs commençaient à prendre processions de mon corps, il s’était raidi, mes bras étaient tendus le long de celui-ci et des fourmillements dans ma tête. Je voyais rouge. Les sons autour de moi me revenais sourds. J’entendais, comme dans un bocal, mais assez distinctement pour comprendre ses menaces. Dans ma folie, je lui avais saisi le poignet et l’avais plaqué contre le mur, je lui avais bloqué la respiration avec mon autre main, elle n’avait pas eu le temps de riposter.

- Écoute Abbie, je ne vois pas ce que tu attends de moi. Danny et moi sommes juste des amis.

- Tu te fous de moi, j’ai remarqué comment il te regardait. Tu prétends que rien ne se passe entre vous, tu te fourvoies Amélya, mais ouvre les yeux, bon sang ! Tu restes totalement paranoïaque, ma pauvre, tu devrais vraiment te faire soigner.

- Mais oui, tu verras qui aura raison. Mais ce n’est qu’un connard. Il t’affligera de la souffrance, comme j’ai pu en bénéficier !

- Non, mais je rêve, tu comprends quand je t’explique que nous formons une amitié, cela n’ira jamais plus loin. Nullement, tu restes trop subjuguée par ce que ton cerveau te dicte.

- Tu dis n’importe quoi ! Un conseil ne t’en approche plus.

- C’est une menace ?

- Pas du tout ! Quoique…

- N’y pense même pas, tu risquerais d’avoir de gros problèmes Abbie, alors arrête tes conneries maintenant.

- Lâche­-moi !

Une fois libérer, elle s’éloignait de mon champ de vision, se dirigeait vers l’extérieur. J’espérais qu’elle me laisserait tranquille cette fois. Quand je passais en boucle ses paroles dans ma tête, enfin surtout « comme il te regarde » ! Les images de Danny se dessinaient devant moi. J’avais entendu des gens criés « À l’aide ! » puis plus rien…

 ****

 Le réveil était compliqué, j’avais mal partout et le visage de Danny devant moi me ramenait, au pourquoi, j’avais eu une altercation avec Abbie, ensuite je ne me rappelais plus…

- Salut. Comment te sens-tu ?

- Coucou, un peu sonné. Je n’allais pas lui avouer que c’était en partie de sa faute que je me retrouvais ici.

- Tu te souviens de quelque chose avant d’être tombé dans les pommes ?

- Je me suis pris la tête avec Abbie. Je l’ai remise en place, mais elle est persuadée d’avoir raison sur toute la ligne. Je crois sincèrement que c’est peine perdue puis j’ai vu noir et plus rien.

- Quoi ? Elle s’est approchée de toi ! elle est cinglée. Je pars la rejoindre, je vais régler ce problème. Je te promets que plus jamais elle ne viendra t’ennuyer.

- Mais, où vas-tu ?

- À plus tard…

Je n’avais pas eu le temps de dire quoi que ce soit qu’il avait déjà disparu. J’espérais qu’il n’entreprendrait rien qu’il pourrait regretter par la suite. Trop fatiguée, je m’étais assoupie.

À mon réveil, il se trouvait assis sur le fauteuil juste à côté de mon lit, les yeux clos.

Il dormait si paisiblement, il présentait les traits tirés, je pensais qu’il ne s’était pas assez reposé ses dernières vingt-quatre heures. Il possédait les mêmes vêtements que la veille, ce qui accentue mes doutes. Malgré tout ce qu’il m’offrait, il restait plutôt agréable. Ses cheveux descendaient sur son front, il affichait un petit sourire pendant son sommeil, ce qui me faisait craquer. Non, mais arrête, tu as dit pas plus tard qu’hier à cette folle que rien ne se produirait avec Danny et là tu me sors qu’il semble mignon, que tu pourrais succomber. Tu deviens complètement cinglée, ma pauvre fille.

Mais à force de l’observer, je pouvais éprouver que de merveilleuses choses pouvaient arriver avec ce gars, je ne savais pas quoi, mais je le sentais. Est-ce qu’il voudrait de moi ? Je crois que tu débloques. J’avais remarqué son regard et il ne trompait pas sur les sentiments qu’ils pourraient avoir pour toi. Que ce soit amical ou pas, il ressentait quand même quelque chose de sincère pour moi.

Au bout d’un long moment, il ouvre enfin les yeux.

- Tu as bien dormi ? lui demandais-je.

- Oui comme un loir, mais pas forcément de bonne compagnie.

Un peu, embarrasser la main derrière la nuque. Qu’est-ce qu’il me fait craquer ?

- C’est que tu en avais besoin. Tu comptes me raconter ce qui s’est passé avec Abbie ou je dois le deviner.

- Rien, j’ai cherché partout, mais je ne l’ai pas trouvé. Je ne sais pas où elle peut bien être.

- De toute façon, elle reviendra à la charge à un moment donné.

- Elle n’a pas intérêt ! c’est vraiment une prise de chou, je réglerais le problème définitivement. Je ne lui infligerais aucun mal.

- Je ne m’inquiète pas !

- Si tu pouvais observer ta tête, elle dit complètement le contraire.

- C’est sûr, vu comme ça. Enfin…

- J’ai compris, mais je lui parlerais franchement en tête à tête, afin de mettre les choses à plat. J’espère que ça fera l’affaire.

- Oui, je le souhaite aussi, on croise les doigts.

Le médecin était entré dans la chambre pour me donner les résultats à la suite de mon malaise. Le spécialiste de santé demanda à Danny de quitter la pièce. Je lui indiquais que c’est un ami et qu’il pouvait rester. Le docteur acquiesçait et poursuivait.

- Madame Readmore, vous avez présenté une baisse brutale de la tension, nous vous avons mis sous traitement pour au moins un mois.

- Très bien, donc je peux sortir ?

- Oui madame, vous pouvez quitter l’hôpital dès ce soir.

- Cool, Danny, tu me ramènes ?

- Bien sûr, pas de problème.

- Merci Docteur.

- Faites attention à vous.

- Je côtoie une personne qui me protègera ! lui fis-je en souriant tout regardant Danny.

- AH ! et qui peut bien être cette personne ? M’adresse-t-il, avec un clin d’œil.

- Bien toi ! Idiot !

Nous nous pouffions de rire en nous dirigeant vers la sortie.

En arrivant devant sa voiture, il m’ouvrit la portière comme il en avait l’habitude depuis que l’on se connaissait. Il me demandait si je voulais bien venir grignoter un petit quelque chose en ville. Je n’y avais pas fait attention, jusqu’à ce que mon estomac crie famine. D’un hochement de la tête, nous voilà parties prendre un dîner dans l’un de ces restaurants ambulants des Yataï*, c’est ainsi qu’on le nommait ici. On y retrouvait la plupart du temps de l’oden*, du ramen* et des brochettes. On pouvait voir le cuisinier nous préparer le repas tout en discutant ensemble. Je trouvais ça très agréable et convivial. Ils servaient aussi du saké, des bières, etc.

Nous passions la soirée à manger et à rire. Il m’avait raccompagné vers deux heures du matin, je savais que le lendemain le réveil serait difficile, mais j’avais vécu un très bon moment. Je n’avais pas envie de le voir partir. Il m’avait adressé un baiser que je lui rendais, mais je le repoussais en m’excusant.

- Désolé, je ne peux pas.

- Mais dis-moi ce qu’il se passe.

- Je ne peux pas, c’est tout ! À demain, merci pour le repas, bonne nuit.

Yataï* : Échoppe ambulante est le nom du stand ambulant de restauration en plein air au Japon.

Oden* : Pot au feu japonais (galettes de poissons, légumes et bouillon).

Ramen* : Sorte de spaghettis.

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