Chapitre 51

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Le voyage en bus fut moins pénible que la fois précédente, bien que trois fois plus long. Johany eut beau se sentir nauséeux en permanence quand il était éveillé, il ne vomit pas, cette fois. Il n'avait plus rien à régurgiter à part de la bile, de toute manière.

En se rendant sur le parking des bus, il en avait par chance trouvé un en partance pour Nakasong, une ville au bord du Mékong, dans le sud du pays, d'où il était possible de rallier Don Khon. C'était un bus de nuit, car le trajet jusqu'à la ville durait une vingtaine d'heures et se faisait dans la soirée, jusqu'en fin d'après-midi.

Johany n'avait pas hésité à faire une nouvelle brèche dans le maigre pécule qui lui restait. Que pouvait-il faire d'autre, de toute façon ?

Ainsi, quelques heures plus tard, il avait embarqué avec une dizaine de passagers et avait pris garde à se placer dans les rangées de devant. Lorsque la nuit était tombée, il avait aménagé son lit et s'était glissé dans les draps tachés de sauce et d'oeuf de sa couchette.

En se réveillant, vers neuf heures trente, il avait avalé quelques arachides données par le conducteur en guise d'encas cadeau pour les passagers, puis avait suivi la route des yeux jusqu'à l'arrivée, ses écouteurs plantés dans ses oreilles.

Il mourait littéralement de faim. Tout son corps criait famine lorsqu'il descendit du bus, vers dix-sept heures.

S'il avait si bien supporté le voyage, c'était parce qu'il était porté par l'impatience de revoir Dao. Malgré les funestes circonstances, il avait désespérément envie de se jeter dans ses bras, de retrouver son regard, si intense.

Il s'était senti vide et malheureux en le quittant, dans l'optique de le revoir plusieurs années plus tard, voire jamais. Se dire qu'ils allaient finalement se retrouver quelques heures plus tard le mettait dans une joie sans pareille.

"Dao, j'arrive... Tu peux compter sur moi, je suis bientôt là..." pensa-t-il très fort en marchant en direction du Mékong, où il espérait trouver des pirogues pour le mener à Don Khon rapidement.

Il ne voulait pas perdre de temps et ne prit même pas la peine d'acheter de quoi se requinquer avant d'embarquer. Il patienta un peu avant de trouver une pirogue à moteur disponible puis fut sur le Mékong.

Il avait remarqué, en marchant dans la ville de Nakasong, que celle-ci avait été frappée par la tempête avec moins de virulence que Luang Prabang.

Les tempêtes liées aux moussons touchaient en général plus violemment le sud du Laos, pourtant cette fois-là, c'était l'inverse. Luang Prabang avait été sévèrement secoué, mais pas autant que la capitale et ses environs, où les dégâts s'avéraient terribles. D'après ce que Johany avait compris en discutant avec des passagers du bus, le bilan des victimes était assez lourd. De nombreux blessés et des bâtiments détruits s'ajoutaient aux tristes constats.

Avant de partir de Luang Prabang, le jeune homme avait jeté de son sac son livre et quelques affaires rendues inutilisables par la pluie. Il n'avait cependant pas réussi à se détacher de son carnet, qui commençait à moisir au fond de son sac-à-dos encore humide.

A l'instant, tandis qu'il accostait à Don Khon, il ressentait une furieuse envie de poser sur papier tout ce qui le taraudait, mais il y avait plus urgent dans l'immédiat, et dans tous les cas il n'avait plus de support pour écrire.

Johany parcourut les rues de l'île d'un pas précipité ; la pirogue l'avait déposé assez loin de la maison de Dao. Autour de lui, des feuilles d'arbres ou de palmiers tapissaient les rues, des déchets ou divers emballages trainaient au sol, comme ailleurs dans le pays. Cependant, les dégâts avaient été moindres sur l'île, comme l'avait compris le jeune homme.

Son pouls battait si vite qu'il l'entendait résonner dans sa gorge, dans ses oreilles, ressentait son coeur tambouriner contre son torse. Leur séparation n'avait été que de courte durée, mais Dao lui avait plus manqué qu'il ne voulait bien le reconnaitre.

Quand il se présenta devant la porte de son commerce, il la trouva fermée pour la première fois. Il songea que c'était sans doute normal après la tempête.

Après une grande inspiration, il toqua.

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