Chapitre 8

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L'avion atterit à l'aéroport de Vientiane tard dans la soirée. Johany aurait dû être au travail ce jour-là, s'il n'avait pas donné sa démission une semaine plus tôt, sentant que, de toute façon, son licenciement était proche. Partir avant que son employeur ne se donne le plaisir de le dégager était étrangement satisfaisant.

Il n'était pas inquiet à l'idée de ne pas retrouver de travail en revenant du Laos, car Louis lui avait fait une proposition d'emploi en tant que cuisinier dans le snack qu'il était en train de monter avec sa copine.

Même si la perspective de quitter son emploi de la sorte lui avait demandé tout son courage, il se sentait désormais libéré et envisageait l'avenir avec plus d'entrain. C'était Louis qui lui avait donné l'idée de démissionner, dans sa lettre en réponse à celle où Johany lui avait expliqué qu'il avait envie de partir pour se dépasser et retrouver ses racines.

Il espérait qu'en rentrant, il saurait se montrer à la hauteur de la tâche qui l'attendait. La confiance que Louis plaçait en lui lui réchauffait le coeur, le gonflait d'estime et de reconnaissance, mais lui mettait aussi la pression. Avait-il le cran d'entreprendre de cuisiner des plats destinés à la restauration rapide ?

Il savait que les attendus culinaires ne seraient pas un problème ; ce qui l'effrayait, c'était la cadence de travail. Il avait bien compris, en travaillant au "Salaison", qu'il avait beaucoup de mal à gérer la pression lorsqu'on l'invectivait. Il appréhendait donc ce futur poste où il serait seul maître en cuisine, pressé par Estelle et Louis, si toutefois leur proposition tenait encore à son retour...

  • Je... Excusez-moi ? Monsieur ?

Johany essuya un vent de la part de l'agent d'accueil, qui pianotait sur son ordinateur derrière le comptoir. "Il n'a pas entendu mon appel. Je dois parler plus fort... Oui, plus fort." songea le jeune homme en se raclant la gorge.

  • Bonjour, excusez-moi, tenta-t-il de nouveau en haussant la voix.
  • Oui, bonjour ? répondit l'agent en levant les yeux vers lui, au soulagement de Johany.

Une fois l'enregistrement terminé, le jeune homme passa à la sécurité, puis attendit son vol, nerveux. Il ressentait des tas d'émotions, qui se bousculaient en lui. La plupart se contredisaient, il avait envie de fuir mais son désir de passer à l'action était plus fort. Il hésitait à rentrer chez lui et essayer de se faire rembourser son vol, mais il avait rassemblé une grande partie de ses économies dans le billet et ne voulait pas tout perdre, car il savait qu'il ne parviendrait pas à se faire dédommager.

Au fond de lui, l'excitation à l'idée de l'aventure qui l'attendait avait pris le dessus sur tout le reste, même sur sa peur panique face à l'inconnu.

Il avait rassemblé son courage et s'était imprégné du sourire encourageant de sa mère biologique avant de réserver son billet pour le Laos, un aller-simple à 422 euros. Il n'avait aucune idée du temps qu'il lui faudrait pour retrouver celle qui l'avait portée, alors il n'avait pas pris le risque de payer un aller-retour.

Durant des semaines, il avait tourné en rond dans son appartement, comme un animal en cage privé de sa liberté. Il avait écrit à Louis pour lui parler de son projet, supporté les remarques de ses collègues au restaurant, économisé suffisamment pour se permettre son voyage, puis avait enfin trouvé l'élan de partir.

Alors qu'il patientait, angoissé à l'idée de prendre l'avion, chose qu'il n'avait pas fait depuis le voyage avec ses parents adoptifs en Nouvelle-Zélande, il se demandait s'il avait définitivement vrillé. Tout cela ne lui paraissait pas si raisonnable, avec du recul.

Se retrouver dans l'aéroport de Roissy à sept heures du matin, en attente d'un vol pour Vientiane, semblait pour lui irréel. Même s'il avait soigneusement planifié son départ, il avait l'impression de basculer dans une autre vie, comme s'il débarquait dans celle d'un étranger. C'était vrai que voyager ne lui ressemblait pas, il n'était jamais sorti de la France seul.

Le plus long trajet qu'il avait fait depuis sa majorité avait été en train, un an plus tôt, lorsqu'il avait passé quelques jours chez Louis et sa copine Estelle. Arrivé à la gare de Nantes, il avait été mortifié en constatant que sa gourde avait fui dans son sac pendant le voyage, ce qui avait eu pour effet de bousiller son ordinateur, son livre de chevet préféré et le cadeau qu'il avait acheté à Louis et Estelle, en plus de tremper ses vêtements de rechange.

Depuis son séjour à Nantes, lui qui n'était déjà pas un grand explorateur n'était plus sorti de Paris. C'était surtout parce qu'il n'avait aucune raison de se déplacer, et qu'il n'avait pas de voiture. C'étaient d'inutiles dépenses pour lui, son travail n'étant qu'à quinze minutes en métro. Il n'avait personne à voir hormis ses parents adoptifs, qui résidaient dans l'arrondissement précédant le sien, il n'avait donc pas besoin d'aller bien loin.

Son existence se résumait à une routine ennuyeuse qu'il avait cherché à fuir lorsqu'il avait appris le décès de ses parents. Et s'il fallait s'en aller, c'était loin. Son seul motif pour partir était la quête de sa mère biologique, alors il avait fait un vrai travail sur lui-même avant de prendre sa décision.

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