Johany ralentit l'allure de ses pas, pour la caler sur celle de Dao. Ils marchaient côte-à-côte sur un mince chemin de terre.

Le soleil brillait, il faisait beau malgré les nuages qui parsemaient le ciel.

La main de Johany frôla celle de Dao, qui prit la sienne. Le jeune français lui retourna un sourire tandis qu'ils poursuivaient leur promenade.

Senthang, le chien qui semblait avoir choisi Johany comme son maître, gambadait joyeusement devant eux. Le jeune homme avait finalement décidé de lui donner un nom, même s'il devait partir un jour. En discutant avec Dao, le mot "chemin", Senthang en lao, avait paru le prénom idéal. La vie était un chemin perétuel, non sans obstacles, qu'il fallait suivre. Les deux jeunes hommes se retrouvaient bien dans cette formulation métaphorique.

Après s'être excusé auprès de Dao, Johany lui avait expliqué ce qu'il avait découvert à propos du sort de sa mère. Le jeune laotien s'était montré très empathique et à l'écoute, ils avaient beaucoup discuté, ce qui avait grandement soulagé Johany. Il s'était encore une fois senti compris par Dao.

Il lui avait ensuite proposé de l'aider à ranger les produits qu'il avait reçu pour l'épicerie. Puis ils avaient de nouveau cuisiné pour quelques clients lors du repas de midi et Johany avait redoublé d'efforts dans ses tâches. Il avait fait la plonge et balayé dans tout le commerce. Même si Dao lui avait assuré qu'il n'était pas vexé par son comportement de la veille, le jeune homme avait tenu à se faire pardonner en l'aidant dans son travail.

Ils étaient ensuite allés prendre l'air, Johany avait appelé le chien errant pour qu'il les suivent, et ils lui avaient trouvé un nom ensemble.

• I care for you, Johany, déclara alors Dao en pressant sa main dans la sienne.
• I care about you too, répondit le français.
• What if... what if you stay here with me ? What if you don't come back to France ?

Johany arrêta de marcher et sa main s'échappa de celle de Dao.

Il avait l'impression de s'entendre lorsqu'il avait parlé à Amber, dans l'usine.

Dao pensait-il vraiment qu'il voulait vivre avec lui ? Johany avait constaté qu'après sa déclaration envers Amber, il s'était remis et avait oublié la jeune fille alors qu'il croyait en être tombé amoureux. Quand il lui avait proposé de venir voyager avec lui à travers le Laos, il le pensait réellement, c'était ce qu'il voulait le plus. Mais en l'espace de quelques jours, son amour fugitif s'était atténué.

Et si Dao ressentait la même chose que lui, mais que sa passion soudaine ne tenait à rien, comme lui ?

Il songea cependant que s'il avait tiré un trait sur Amber, c'était parce qu'elle était mariée, inaccessible, loin, mais surtout parce que Dao avait capté toute son attention.

Peut-être que, finalement, c'était réciproque. Dao pouvait partager le même élan que lui et être certain que celui-ci ne serait pas entravé par une autre rencontre.

Johany n'avait jamais vraiment cru à l'amour, en tout cas pas au grand amour. Il s'était toujours imaginé qu'il finirait ses jours seul et triste, à Paris, après une longue vie dénuée de rebondissements.

Il ne s'était jamais cru capable de pouvoir entamer une relation sérieuse avec qui que ce soit, encore moins avec quelqu'un du même sexe que lui. Il se connaissait si peu avant de partir, qu'il ignorait pouvoir ressentir de l'attirance pour les hommes.

Peut-être qu'une fois, il avait trouvé un garçon vraiment séduisant, au lycée, mais il ne s'était pas posé de questions. Seul Dao avait réussi à éveiller cette part qui sommeillait en lui. Mais peut-être que c'était tout simplement parce qu'il n'avait jamais trouvé qui que ce soit d'autre qui correspondait tant à ses attentes. Johany ne savait pas quoi penser, mais ce qu'il savait, c'était qu'il vivait quelque chose de très fort avec Dao, quelque chose d'inestimable, qu'il n'avait encore jamais connu. Et c'était semblait-il réciproque.

Mais il répondit :

• I can't, Dao. My life is in France...