Chapitre 11

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Arrivés à Luang Prabang, les passagers du bus ne furent pas mécontents d'en descendre. L'odeur de vomi qui les avait suivie pendant quatre heures imprégnait tout le véhicule.

L'air frais fut comme un délivrement salvateur pour Johany, qui était de loin le plus impatient de sortir du bus.

Lorsqu'il avait répandu la souillure orangée sur le siège et les cuisses de la gentille laotienne, le conducteur s'était arrêté pour qu'il prenne l'air. Le jeune homme s'était empressé de sortir, à la fois pour expulser ce qui restait de la papaye et des autres fruits ayant constitué son petit-déjeuner, mais aussi pour fuir la situation.

C'était les oreilles cramoisies et la démarche mal assurée qu'il était retourné à bord du bus, sous le regard accusateur et dégoûté des passagers. Il avait bien pris soin de ne pas croiser celui de la femme sur qui il avait vomi.

Le chauffeur semblait irrité qu'il ait sali le siège qu'il y avait juste derrière le sien, mais il n'avait pas tenté de communiquer avec Johany pour le lui faire savoir. Ses oeillades courroucées lorsqu'il avait entrepris de le nettoyer avaient suffi à lui faire passer le message.

Johany avait passé le reste du trajet tremblant, honteux et mortifié par ce qu'il avait fait. L'ambiance était embarrassante et le silence insupportable, comme l'odeur.

Le seul avantage avait été que dès qu'il ressentait des nausées, Johany n'avait pas eu besoin de demander quoi que ce soit : il se levait et le chauffeur s'arrêtait aussitôt. Le jeune homme descendait alors sous les regards apeurés des passagers, qui se décalaient prudemment vers la vitre sur son passage.

Il avait dû répéter ce manège une dizaine de fois jusqu'à l'arrivée ; la plupart du temps il n'était sorti que pour inspirer à pleins poumons l'air vivifiant de la campagne.

A présent, il trainait sa lourde valise le long d'une route mal éclairée. La nuit tombait sur la vallée de Luang Prabang, mais son activité ne semblait pas pour autant diminuer.

Il arriva aux abords d'un hôtel, qui avait l'air mieux entretenu que celui de Vientiane, et se présenta à l'accueil. Il ouvrit la bouche pour la première fois depuis une heure, mais cette fois, contrairement à la dernière, c'étaient des mots qui en sortaient.

  • Can I reserve a room for one person please ? bredouilla-t-il à l'homme qui lui faisait face en souriant.

Un peu plus tard, il prenait une douche en savourant la sensation de l'eau qui coulait sur son corps, le décrassant de sa sueur collante et du liquide pâteux qui avait séché sur son menton et dans son cou. Il s'était senti souillé pendant des heures et cette sensation mélangée à la puanteur avait été un enfer.

Il garderait un souvenir affreux de ce trajet en bus et songea qu'il ne voulait plus jamais en reprendre un, et surtout pas pour le retour.

Il était vidé de ses forces mais mangea à peine lorsqu'il descendit dans la rue pour dîner.

Il ne tarda pas à sentir la fatigue arriver et remonta sans trainer dans sa chambre.

Il se coucha et dormit aussitôt, comme si un coup de massue l'avait assommé. Même si la dernière image qu'il vit avant de sombrer fut le regard de la laotienne alors qu'une trainée odorante lui atterissait sur les cuisses dans un bruit délicat.

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