Semaine 7 : La dernière page, partie 2

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Il attendait dans ce long couloir hospitalier, devant une porte donnant sur une chambre. La blancheur très prononcée de l’endroit renforçait sa luminosité. Régis Lacroix avait du mal à franchir le pas. La façon qu’il avait de tripoter le pont de ses lunettes attestait de sa nervosité. Rendre visite à une malade en phase terminale pour que celle-ci lui dicte la fin d’un roman était une chose qu’il n’avait jamais faite en tant qu’éditeur.

Et encore moins en tant qu’homme.

Comment allait-il bien pouvoir s’adresser à elle ?

Il compatissait évidement de l’état de Catherine, mais devait-il le lui montrer ? Oui, très certainement. Mais comment pouvait-il en être sûr? Selon Régis, certaines personnes refusaient qu’on leurs témoigne de n’importe quoi ressemblant à de la pitié, même en cas d'état critique. Comment pouvoir mesurer la fierté et la façon de penser d’une personne ?

Question vissé dans la tête de l’éditeur depuis qu’il savait qu’il allait devoir rendre visite à Catherine.

Malgré cette réticence particulière, Régis se décida à pénétrer dans la chambre. Cette dernière n’était pas bien grande et tout aussi blanche que le couloir qui la précédait. Catherine le regardait en souriant, allongé dans un lit aux draps blafards, le bras droit relié à une perfusion d’un liquide que Régis ne parvenait à identifier.

Il remarqua que l’état fatidique de la malade était inscrit sur l’ensemble de son corps. N’importe qui pouvait deviner qu'elle allait très mal rien qu’en la regardant.

  • Vous êtes l’envoyé de la maison d’édition ? questionna fébrilement Catherine.
  • Oui, répondit Régis soulagé de ne pas avoir à entamer le dialogue, c’est bien moi madame.
  • Asseyez-vous, je vous en prie.

Il l’a pris au mot et posa son postérieur sur la chaise près du lit de Catherine. Il sortit ensuite de sa serviette en cuir noir de quoi prendre des notes.

La malade prit rapidement en compte le manque de sûreté de Régis, aussi elle empressa à ce dernier de se détendre :

  • Ne prenez pas compte de mon état. Adressez vous à moi comme si j'étais une personne à qui il resterait du temps.

Catherine n’avait pas l’air d’attendre quoi que ce soit de particulier venant de lui, ce qui lui allait parfaitement. Il sentait émané d’elle une douceur ainsi qu’une grande gentillesse. Ces deux éléments rassurèrent plus significativement Régis tout en le faisant compatir d’avantage. Avant toute chose il devait lui dire ce qu’il pensait de son livre, même si il lui manquait encore une fin :

  • Vous savez madame, j’ai vraiment en haute estime ce que vous avez écrit. Cette histoire simple mais non simpliste d’un père prêt à tout pour sa fille est particulièrement bien racontée. Je ne vais pas vous mentir, le destin de cette figure paternel dans l’avant dernier chapitre que vous avez rédigez m’a fait l'effet d'une véritable bombe. Je n'avais encore jamais posé les yeux sur quelque chose de comparable. Un passage d'une force saisissante.

« D’autant plus quand on compare le destin du protagoniste au votre » voulut-il rajouter, mais il s’abstint. Il n’était pas sûr du bon goût de la phrase. Catherine croisa son regard, et l’éditeur su tout de suite qu’elle avait compris ce silence. Elle lui sourit alors d’un rictus mystérieux, indéchiffrable. Les paroles remplient de sincérité de Régis lui avait plu. Pas seulement dans leurs sens, mais également parce qu’elles avaient été prononcé par un lecteur appréciant son travail, faisant un cours instant disparaître l’éditeur convoitant l’appât du gin.

  • Merci beaucoup. Vous pouvez m’appeler Catherine vous savez, laissons tomber les madames et les monsieurs. S’il vous plait.
  • Entendu Catherine, sourit-il. Dans ce cas, appelez-moi donc Régis. Il me tarde d’entendre cette fin ! Je suis impatient de savoir ce que va faire la fille après le départ de son père !
  • C’est avec plaisir que je vais vous la dicter, mais avant ça, j’aimerais vous poser une question.

Régis fut légèrement surpris, et rapidement, la curiosité pris la place de cet étonnement :

  • Je vous en prie.
  • Avez-vous lu le roman « la cage de la souris » ?

L’éditeur dévisagea un cours instant la romancière avant d’acquiescer. Ce roman lui revint alors en mémoire. Catherine le questionna alors à nouveau :

  • Qu’en avez-vous pensez.

Régis réfléchit un cours instant : le livre en question avait majoritairement été apprécié par la critique et plus important, par le public. En terme de probabilité, il y avait donc plus de chance pour que Catherine se trouve dans le camp des appréciateurs du roman. Devait-il donc mentir pour probablement caresser son interlocutrice dans le sens du poil ? Non, pas du tout. Régis compris que pour montrer son respect, la vérité était de mise :

  • J’ai trouvé l’idée du récit très bonne. En revanche son exploitation n’est vraiment pas terrible. Pour dire la vérité, c’est encore pire. je trouve que l’auteur… Comment s’appelle t-il déjà ?
  • Hugo Croux… Marmonna Catherine.
  • Oui c’est ça, je trouve que monsieur Croux a gâché un filon très prometteur. Comme s'il avait pris une pelote de laine radieuse pour tricoter un pull très quelconque, voir moche.

Régis fixa le plancher de la chambre d’hôpital avec un air particulier de réflexion puis repris :

  • En fait, c’est même en dessous de ça. Je pense que le résultat final est particulièrement médiocre quand on a en tête l’idée de départ.

Il sourit alors à Catherine avec un visage désolé. Il venait de comprendre quelque chose d’important. Cette nouvelle lui avait traversé l’esprit quand il eu finit sa précédente phrase et il s’en voulait à présent de ne pas y avoir pensé plus tôt. Il savait maintenant pourquoi Catherine l’avait questionné sur l’œuvre de Croux :

  • L’idée de base du roman, c’était la votre, n’est ce pas ?

Catherine fut subjuguée de la compréhension de son interlocuteur, elle qui s’apprêtait justement à révéler cette information. Elle n’avait indubitablement pas à faire au dernier des imbéciles. Une question de la part de la romancière prit place à la révélation :

  • Comment l’avez-vous deviné ?
  • Et bien figurez-vous, commença Régis, que j’ai, il y a quelques minutes, fait un rapprochement dans ma tête : celui entre votre roman inachevé et celui de monsieur Croux. Elles ont une similarité évidente, quand on y pense. En revanche, l’une de ses idées est superbement exploitée, l’autre infiniment moins. Je vous laisse deviner laquelle est laquelle. Ensuite, j'ai enfin compris le pourquoi du comment. Quand vous avez prononcé "Hugo Croux", j'ai bien compris que vous ne le portiez pas en très haute concidération. Et là je parle de l'homme, pas de l'auteur. J'ai donc déduis que vous le connaissiez. Tous les morceaux se sont recollés, si je puis dire.

En entendant tout ça, Catherine ne put retenir un rictus de pure gaité. L’homme à côté d’elle avait bien compris son affaire et elle ne pouvait pas lui en demander beaucoup plus. Pour Régis, il restait un détail encore obscur à éclaircir :

  • Mais comment ce fait-il qu’Hugo Croux ait exploité votre pensée ?
  • À votre avis ? Lui répondit Catherine dont le faciès venait de s’assombrir.
  • Alors il vous a piqué votre idée …

Le visage dépité dont faisait preuve l’auteur valait toutes les acquiesçassions du monde. Elle expliqua tout : le lycée, les nouvelles qu’elle y écrivait, ce qu’Hugo lui faisait avec sa bande, et enfin le jour où il lui a volé une idée après s’être moqué de son travail.

Régis se leva et se mit à marcher dans la chambre. Il avait tendance à réfléchir, à songer comme ça, lui qui avait une mémoire kinesthésique. Il avait espéré qu’Hugo Croux, dans cette affaire, n’eu pas reconnu avoir utilisé une idée que Catherine lui aurait transmise volontairement : ça aurait été un petit peu moins pire. Mais non, ce Croux lui avait délibérément barboté le fruit de ses pensées sans que cette pauvre Catherine puisse le prouver. Il soupira alors sincèrement avant de reprendre :

  • Quel salaud… Je dis ça pour rester un minimum professionnel, vous devez bien vous doutez que j’ai en tête un millier de mots bien plus lourds pour désigner cet homme. Vous savez Catherine, le second roman d’Hugo a rencontré un bien moins grand succès…

Catherine fit fébrilement oui de la tête. Elle avait en effet conscience que le second ouvrage d’Hugo, qui devait cette fois-ci vraisemblablement sortir de sa tête, n’avait pas eu autant d’éloge que son prédécesseur.

  • Croyez-moi, continua Régis, ce n’est qu’une question de temps avant qu’il ne se fasse définitivement grillé. C’est un faussaire, ils se font tous découvrir à un moment ou à un autre. Et en plus vous savez quoi ? Je suis sûr qu’une fois votre roman sorti beaucoup de lecteurs vont faire le rapprochement que j’ai déjà fait !
  • Surtout si je laisse « une dédicace » à Hugo à la fin du livre, ricana Catherine.

Ils partagèrent tous les deux cet esclaffement. Suite à se rire commun, Catherine décida qu’il était grand temps de dicter le dernier chapitres de son livre. Elle s’exécuta, et Régis prit note de chacun de ses mots, sans jamais l’interrompre. Quand le point final fut enfin inscrit sur le bloc note de l’éditeur, ce dernier, bouche bée, ne sut trop quoi dire. Sans aucun bruit, des larmes coulèrent à flots sur les joues de son mince et long visage, embuant ses lunettes.

C’était la meilleurs fin de fiction qu’il eu jamais entendu.

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