SANS SUITE 4/ Jour 2 : Petit matin

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Au petit matin, confortablement assise devant mon ordinateur, ma tasse de Ricoré à la main, j'entame une petite balade sur les réseaux sociaux afin de prendre des nouvelles de mes proches. Ceux qui m’entourent ici et aujourd’hui sirotent leur café dehors et ont distraitement répondu à mon bref salut. Leur inattention me convient dans la mesure où elle m’aide à m’isoler sur le canapé, dans le salon.

Un mouvement devant moi me fait redresser la tête. C'est Lukas qui sort de sa chambre, les yeux encore à moitié fermés.

— Salut, tu as bien dormi ? On n'a pas fait trop de bruit ?

Même au saut du lit, son regard reste pétillant et le petit sourire qui accompagne sa question, ainsi que ses cheveux noirs et hirsutes, le rendent craquant. C'est impossible d'être aussi beau en toutes circonstances !

Mon semblant de concentration sur l'écran permet de cacher mon trouble, avant de répondre sur le ton de l'ironie :

— Si on oublie un cauchemar dans lequel un brun et une blonde faisaient l'amour devant moi sans aucune pudeur, on peut dire que ma nuit s'est bien passée.

— Hum, cela t'aurait-il donné des idées ?

— En aucun cas, c'était très gênant, au contraire. D'ailleurs, tu diras à ta copine d'aller faire sa toilette chez elle car je vais avoir besoin de la place.

— Ne t'inquiète pas pour ça, elle n'est plus là. Je me réveille toujours seul.

Il balaie l'idée de la main, comme on chasserait une mouche. Rassurée, je lui adresse un léger signe de tête. Debout, face à moi, il hausse un sourcil, tout en humant l'air en provenance de la cuisine.

— Il reste du café pour moi ?

Qu'est-ce que j'en sais ? Déplace-toi et refais-en s'il n'y en a plus ! Sans pouvoir l'expliquer, sa question m'indispose. J'aimerais qu'il s'éloigne, pour diminuer la tension que m'inflige sa présence. Au lieu de cela, il se rapproche de mon bol pour en respirer les effluves et poursuit :

— Tu bois quoi ? Ricoré ? C'est bon ?

— Tu veux goûter ?

Un peu de douceur lui permettra peut-être d'entamer la journée du bon pied et de se montrer plus agréable que la veille.

— Pourquoi pas ? accepte-t-il, les deux mains appuyées sur la table basse.

Je m'empare alors de mon récipient et le porte à mes lèvres, sans quitter Lukas des yeux. Je bois lentement une longue gorgée, puis me décide à abandonner mon breuvage entre ses doigts tendus. Il provoque ma curiosité, alors qu'il ingurgite plusieurs rasades de mon petit-déjeuner.

— Oui, ça va, pas mauvais, concède-t-il, mais ça manque de puissance. Tu me sers un café, s'il te plait ?

Il s'étire gracieusement, serein, le sourire aux lèvres, prêt à rejoindre les autres sur la terrasse.

Choquée par son exigence à peine voilée grâce à une vulgaire formule de politesse, je le fusille du regard, serre les dents et referme mon ordinateur d'un coup sec avant de me diriger vers la salle de bain. Quel manque d'éducation ! Il n'a toujours pas compris que je ne suis pas l'une de ses employées et que je n'ai pas l'intention d'accéder à ses désirs.

Je me hâte sous la douche puis sors me maquiller auprès d'eux, où la luminosité est bien meilleure.

Oh non, mon paquet de cigarettes est vide ! Je fouille mon sac, à la recherche d'une boite pleine, quand Lukas surgit derrière moi, les cheveux mouillés et en bataille. À mon grand désarroi, mes yeux glissent de son visage à son torse nu et refusent de s'en détacher. Le spectacle est fascinant ! Il le sait, et il en joue. Ses muscles sont tout simplement parfaits ! Suffisamment pour qu’on les remarque, mais pas trop non plus. Ma respiration a du rester suspendu quelques interminables secondes car mon souffle revient en même temps que ma raison, alors que ma tête se replonge dans mon sac à main.

— Tu râles encore ! T'arrive-t-il d'être de bonne humeur ? rouspète-t-il.

— Pas quand je suis en retard et que je me rends compte que je n'ai plus de cigarettes ! Ce qui va me mettre plus en retard car je vais devoir m'arrêter pour en acheter.

— Je t'en aurai bien offert une, mais je suis en rupture moi aussi. La blonde est partie avec mon paquet. Plein, en plus ! Je file à la supérette à l'entrée. Tu m'accompagnes ?

J'éprouve un léger pincement au coeur en pensant à cette pauvre fille, à laquelle il n'a visiblement même pas demandé le prénom, trop absorbé qu'il était dans l'étude de ses mensurations. Sybille et Léandra n'étant pas prêtes et l'épicerie faisant partie du complexe, nous ne déplorerons aucune perte de temps si j'accepte sa proposition.

— Allons-y !

Il s'empare des clefs de sa voiture et me les jette, après avoir enfilé un tee-shirt. Ma surprise ne ralentit pas mes réflexes et je lui emboîte le pas jusqu'à une belle Audi sport noire.

— Tu as fait venir ta voiture en France juste pour dix jours ? je m'étonne en ouvrant la portière.

— Elle ne m'appartient pas.

— Ah ? J'ignorais que de telles voitures se louaient.

— Je ne l'ai pas louée, on me la prête. Bon, tu as fini avec tes questions ? s'énerve-t-il alors qu'il baisse déjà sa vitre.

Mes doigts s'apprêtent à tourner la clé de contact :

— Dans ce cas, je ne devrais peut-être pas la conduire.

— Tu devrais plutôt démarrer, car je commence déjà à regretter de me laisser conduire.

— Ok, ok, capitulé-je pour ne pas envenimer la discussion. Nous n'avons pas le temps pour ça.

Quand on a la chance de pouvoir vivre un tel moment, il faut le savourer et c'est bien mon intention. Sauf que Perfection ne peut pas s'empêcher de parler :

— Avoue que conduire une belle voiture, aux côtés d'un homme aussi sexy et classe que moi est excitant, non ?

Que répondre ? Malgré le côté ringard de cette observation, il a raison. Pourtant encore une fois, sa suffisance m'agace profondément. Le confort du fauteuil apaise un peu ma colère tandis qu'après avoir démarré, mes pieds se permettent deux petits appuis sur la pédale d'accélération. Le bruit emmène ma rage au loin. Encore une fois, un peu plus fort. Cette fois, je calle mon dos, mes fesses, regarde droit devant avec satisfaction, la main sur le levier de vitesse.

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