Eichi #1

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Je suis pas trop né.

C'est ce que je me dis, souvent.

Pas trop né.
Ouais.

Pas sorti non plus.
Enfin, de la connasse, juste.
'L'a bien fallu.

Vu qu'elle était déjà là, avec ses grosses jambes écartées et moi en train de lui refaire la déco. Si j'ai un peu de bol, elle a encore mal quand elle s'assied.

Mais j'ai jamais de bol.


Pour le reste, je sais pas trop dire. Y'a rien à savoir, par ici, et je perds pas de temps à espérer. Je fume, j'envoie des poings. Je baise, un peu. Beaucoup.
Et comptez pas sur moi pour prier. Avec les autres, les Foutus, on se répète des conneries qui se bouclent toujours pareil. Façon de déconner. Puis, ça sonne bien, sur le papier : un jour, un jour, un jour...

Genre.

'Fait trop noir, dans le coin, pour qu'on se parle de jour. Tu l'as vue, ici, la gueule du ciel ? Et les tours, là, qui se dressent comme des pines en dèche. C'est plus un bled, juste une boule d'épingles. Sérieux, ouais. Tu sais plus où poser le pied parce que tout pique. Et toi, t'essayes. Tu mates, tu touches, tu pisses... Même les chattes, parfois, je les trouve sèches. Ca doit être à cause du béton : même si tu le sais pas, t'en bouffes tout le temps. Ca te rentre par la gueule, le pif, comme une odeur de merde. Et ça te fait gerber d'avoir ça entre les dents alors toi, tu racles, tu craches, tu vois. Mais ça te reste dans la gorge, ça se cale juste là. Sûr, c'est pour ça que j'ai la tronche d'un vioque. Avec les rides, l'haleine et tout. Je me suis planté devant le miroir, ce matin, avant la raclée : cette saloperie me laisse des trous dans la peau, juste à côté des bleus du poivrot. Je frotte comme un taré mais ça part pas.

C'est comme tout : ça part pas.

Pas faute d'essayer.

Je tente le coup tous les jours, pour m'imaginer des futurs que je verrai pas.


Me faire un sac avec 3 tee-shirts et 75 centilitres de J&B.
Peut-être une nénette, aussi, histoire d'avoir quelque chose à manger.
Buter l'autre.
D'abord, lui péter toutes les dents et lui faire bouffer.
Après, lui enfoncer un tesson de bouteille dans la glotte. Pour être sûr qu'il vomisse pas.
Et après, le buter.
Tout prendre sous le bras, claquer la porte, tout le quartier, les garder dans mon dos.
Pas me retourner.

Mais c'est ce truc, avec les épingles : ça t'embroche. Par le cul, jusqu'à la bouche. Et tu crois que tu voyages, que tu vois plus loin parce qu'on te suspend mais tu tournes juste sur toi-même. Comme un bout de bidoche avarié.

Alors, on reste là, tous. Parce qu'on est des tanches, des ratés qu'on a balancés là à cause de connasses qui savaient pas sucer et que les autres, ils voulaient quand même tirer un coup. On s'est fait pondre et on s'est fait jeter.

Voilà.

C'est ça, ma vie.
Ou ma non-mort.

Et ça part pas.

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