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L’ORIGINE DU MONDE

Récit ethnographique subversif.

Novembre 2019

Je dis : j’entame enfin et aujourd’hui la rédaction de mon mémoire de fin de maîtrise d’étudiant à la faculté Lyon II en ethnologie. Je dis enfin et aujourd’hui. J’entame cette rédaction, j’écris en-fin, quelque-part vers la fin novembre 2019 alors que depuis quelques jours je ne sais plus comment m’horrifier de l’image de cet étudiant, étudiant dans cette même faculté de Lyon II, qui s’immole… Si lointaines années lyonnaises… Immolé… L’origine du monde… Quel monde… Mon mémoire… Moi… Me souvenir… Pourquoi ici et maintenant… Quel ici et quel maintenant… La nécessité et l’urgence… Pourquoi… Et surtout comment…

***

Je fut étudiant à Lyon II vers les environs des débuts des années 2000. Plus précisément : en l’an 2000, je m’en souvient à l’instant même précisément. Je me souvient si bien de cette année là : ces vacances de noël, trop de circonstances, d’événements, tant personnels, privés et intimes liés à toute cette espèce de peur de l’an 2000, toutes cette liesse faites de superstitions sévères ou légères, de fausses promesses et de fausses craintes – la fin du monde – l’impression vague que rien ne sera plus pareil qui se mêlaient à l’enterrement, le premier de ce janvier, de la mère de l’un de mes plus proche ami. Les tempêtes de cet « juste avant ». Mais ce fut bien en l’an 2000, notre professeur plaisantait en ce début janvier en précisant « comme je vous le disais déjà le siècle dernier … » Une simple boutade qui me permet de dater avec précision et violence cette année là, celle de ma maîtrise, et quelle violence (nous le découvriront bien assez tôt)…Si loin et pourtant tant de précisions, de si vagues et si violentes précisions. Cette précision si sublime – et qui m’horrifie tant – qui semble nous illuminer – éclairer devrai-je dire – et qui comme un songe arrive à donner tant d’acuité à nos pensées et nos paroles dans ces instants d’urgence absolue. L’adrénaline nous « boost » comme on dit. Comme on dit si bêtement – bestialement – et on dit tellement de choses sans vraiment savoir. Et moi j’en ai dis si peu et depuis si longtemps. Et je ressent si fort ces si forts et si violents ces assauts d’impérative urgence aujourd’hui et enfin, que je ne trouve plus aucune indulgence à mes yeux de persévérer plus avant dans ce mutisme général et l’in-rédaction de ce mémoire. L’émotion soudaine et la clairvoyance si soudaine des souvenirs qui s’éclairent brusquement et qui si soudains me sautent littéralement dessus. La violence justement, bestiale violence encore une fois. Mais il n’y a pas que cela, je le sens bien. Que garderai-je de ces quelques vingt années sinon le vague goût amer d’un échec improductif, un échec de mon improduction intranquille. Mais il y a bien plus encore. Il y à l’urgence. Au début, ce qui n’était qu’une modeste étude ethnographique d’un groupe de chercheurs en physique fondamentale à l’IN2P3, Lyon, allait se transformer à mon insu en ce qui ressemble à une « quête du Graal », mais sans Graal, et sans le désir de conquête, une recherche qui me conduisit indistinctement du laboratoire de physique à l’asile psychiatrique en passant par le Mexique ou par tant de bar miteux de miteuses banlieues, dans des villas splendides ou sous des ponts de miséreuses compagnies, et que sais-je encore… Tant de chaises, de divans, de lits, de pays, de station d’autobus ou d’aéroport, de station debou ou assise en passant par couché et à genou, de livres dévorés ou survolés tels des continents livrés à la lenteur de leurs irrésistibles et improbables dérives, tant de gens, tant de lieux, tant de solitudes et de détresses pour qu’aujourd’hui, ici, j’entreprenne enfin la rédaction de ce mémoire. Et je ressens, bien que confusément, toute l’urgence qu’il y a à produire ce mémoire… Toutes les urgences, tant d’urgences qu’on ne saurait les dire et les redire…

***

«6 - Ce que l’on ne saurait dire, il convient de le taire »

« (…) ou alors c’est le mot je sais qui est employé à tort, et il y a dans cet emploi fautif un état d’esprit des plus significatif »

L. Wittgenstein

Il y a au début de ce récit – car il faut bien un début aux récits, même s’il n’est pas toujours exactement où on l’attend – mais dire exactement est justement ce que nous (je) voudrions éviter, et même, pour dire plus loin, ce que nous (je) voudrions simplement détruire, tout comme nous (je) voudrions détruire l’idée même de début – il y eu l’ambition de décrire les activités, les coutumes pourrait-on dire, d’un groupe de chercheurs en physique fondamentale – de la physique des particules (les constituants ultimes de la matière (des corps) et de l’univers (du monde)) jusqu’à l’astrophysique (l’histoire de la constitution de l’univers (le monde) et des lois qui le régissent) – avec pour objectif de donner une image de la (ou des) vision de l’univers, du monde, de la matière (du corps), de ses constituants comme de sa constitution, qui se « fabrique » dans et par ces activités particulières de notre (mon) monde – notre (ma) société – que sont ces recherches. (Putain de phrase, il faut la relire (et ne plus dire putain)). C’est qu’il nous (me) est venu à l’esprit, de par le contact d’avec l’anthropologie culturelle « traditionnelle », qu’une « conception » du monde et qu’une « organisation » sociale pouvaient être liées. Les institutions, les croyances, les savoirs, les découpages sociaux ou les découpages même de l’espace et du temps, des corps, des êtres, humains ou non (l’inhumain), dans leurs regroupement ou leurs séparations – ségrégations – des découpages du monde et de êtres qui dessinent et désignent toute la cartographie des usages, usages du monde, de la vie, de la société, du corps jusque dans ce qu’il à de plus intime, des idées ; d’une idée bref d’une conception (perception?) du monde et de ses habitants, « englobante », une conception « intégrale » pourrait-on dire, au sens mathématique du terme, c’est à dire qui par son mouvement fait la somme de tous les liens les plus infimes et intimes, entre les êtres et les choses, les êtres et le monde dans ce qu’il à de plus entier, les êtres et leur « société » n’étant qu’une partie « participante » de l’univers tout entier. De tels exemples « d’enchâssement » devrait on dire du social et du monde et de ses conceptions sont bien connus et même familier des ethnographes et anthropologues « traditionnels », nous (je) ferons ici (mais ici seulement) l’économie de les citer. Ce que nous (je) voulions, à l’époque pourrait-on dire, était de tenter de trouver les « signes », les « traces » ou les « indices » d’un tel mouvement d’intégration dans notre (mon) monde d’ici et d’aujourd’hui : notre (ma) société. L’aujourd’hui de l’époque, de l’époque de ce « début », devant être clarifié – éclairé – et décrit à un moment de ce récit ; tout comme l’aujourd’hui de maintenant, celui où nous (je) rédigeons ce récit, ce récit en miettes, en fragments, à quelques vingt années de distance, devra être dit. Nous (je) avons déjà un premier – mais comme ce qui est premiers nous (me) semble suspects – « début » et un premier « objet » à ce récit : la Physique contemporaine.

***

« (…) l’habitude abrutissante qui tout au long de notre vie nous cache rien de moins que l’univers tout entier. »

M. Proust

Une petite anecdote. Ou le début d’un autre début… Je viens tout juste, alors que je n’ai pas encore commencer la rédaction de ce récit, de raccrocher le téléphone (portable) d’une longue conversation d’avec un ami – de toujours comme on dit (mais il y a tant de non dit dans les on-dit) bien que toujours n’ai jamais existé en vrai, et je sais confusément avec précision de quand date le début de cette amitié – qui m’a ravi, comme d’habitude, mais les habitudes... voir citation de début… Je lui parlais une fois de plus de mes nouveaux projets, débutés et esquissés comme d’habitude, et comme d’habitude inachevés et inaboutis et jetés pêle-mêle dans de vagues cageots ou cartons poussiéreux. Alors il m’en propose un nouveau. Connaissant mon affection et ma fascination pour l’œuvre de Marcel Proust, il dit : « tu n’as qu’à écrire La recherche du temps perdu… de mémoire. » Je ris de l’idée et je lui dis : « je m’y mets de suite. » Mais au lieu de cela, je commence enfin ce mémoire et je jette sur le papier tout ce qui suit et tout ce qui précède ce chapitre – pitre que je suis. Tant de temps perdu effectivement, qu’ai-je donc fais de ma mémoire justement, et qu’en ferai-je, et qu’ai-je fais exactement de ma vie, et qu’ai-je fais de notre, mon monde justement – mais comment est-il notre, n’est-il pas simplement le mien. Mais où est donc le début de ce récit… Où et quand exactement… Il faudra bien essayer de le montrer, et si l’on ne peut le monter, essayer de le dire… Juste pour et au moins pour ne pas se taire… Le début, l’origine du monde justement… Justement… Et pourtant si approximativement juste…

***

« Je ne suis rien

Jamais je ne serai rien

Je ne puis vouloir être rien

Cela dit, je porte en moi tous les rêves du monde. »

F. Pessoa

Une petite cuillère sur ma table. Comment la monter. Et sinon, comment la dire et comment l’écrire. Et surtout pourquoi. Il y a tant et tant d’objet sur ma table ou ailleurs, alors pourquoi elle justement. Impossible à dire. Et pourtant il faut essayer, essayer de le dire. Peut être parce-qu’il y a cet étudiant. Le feu. L’extermination par le feu. Je cherchais l’objet de ce récit, un début. Le début. Sans vraiment trouver. Alors pourquoi pas la petite cuillère en fin de compte. Car il y a bien une origine. Et s’il y a une origine, un début, il y a nécessairement une fin. Et nous (je) en sommes peut être au milieu, car il doit y avoir aussi un milieu. Mais où est le milieu. Et quel milieu… Alors il y a cette cuillère, sale, je n’en sais rien, alors je dis : « certainement » sale. Mais quelle idée avons nous (je) de la certitude, et comment parvenons nous (je) a être certain. Peut être un tour de passe-passe de la mémoire, ou de la réalité : si cuillère est là, sur la table sans raison, c’est que je, ou quelqu’un, l’a utilisée. N’y-a-t-il pas quelque chose d’étrange, d’étranger, dans les multiples formes de « Je sais » de « je suis certain », dans les multiples certitudes – la physique et la science en général sont une des formes de cette certitude, ou plutôt une forme de la recherche de cette certitude – quelque chose d’abusif, comme un viol, une violence faite aux choses et au monde, notre (mon) monde semble (est) si violent, d’où vient cette violence, de quel début. N’y a-t-il pas dans ce viol, cette ambition de violation du monde – la physique – quelque chose de « constitutif » de notre (ma) société, de notre (mon) monde, cet ici et ce maintenant qui nous (me) échappe pourtant… Il y a cette petite cuillère, sale, cela est bien certain maintenant car elle a dut servir, sinon elle ne serait pas sur la table, sans raison et sans raison sur ma table. Et moi j’écris. Mais ai-je seulement raison, et quelle est cette sorte de raison qui me (nous) anime. Il y a cette cuillère que je regarde comme toutes choses et je me dis que cette cuillère va – devra, mais de quel devoir – disparaître, tout comme je disparaîtrais à la fin, mais la fin de quoi exactement. Pourquoi et comment. Comme cet étudiant. Je l’ignore bien que cela soit certain, mais je sens bien ce feu qui me dévore et me consume, et qui me consume depuis tant de temps. Il devra bien rester quelque chose, comme des cendres ou de la poussière, et puis plus rien. Mais il y aura sans doute, dans un autre ici et un autre maintenant que celui dont nous (je) sommes fait, quelque chose comme une cuillère posée sur quelque chose comme une table et quelque chose qui assit ou debout, cherchera à dire, ou à montrer cette sorte cuillère… « la pensé est la pensé de la pensé. » écrit quelque part Fernando Pessoa. Il faudra essayer de le dire, de le montrer, comme cette cuillère, et comme moi, comme toi… approximativement mais avec précision… et « je serai toujours celui qui attendais qu’on lui ouvrit la porte auprès d’un mur sans porte. » F.P.

***

Et quelque-part

au beau milieu de tout cela

il y a toi

toi que j’aime

et toi qui m’aime – peut être –

comme le peu d’être que je suis

et comme toute l’incertitude des certitudes

ou qui m’aimera – peut être –

comme le peu d’être que nous sommes

et qui m’aime et me comprend

que comprendrai-je jamais

petit homme approximatif

petit homme jeté aux aléas des cercles

ou des ellipses

que sais-je

« Angora soit la soi

soit encore à moi »

comme dans la chanson

et quelle chanson…

La Réalité n’est jamais qu’une punition

une punition volontaire et violente.

***

le récit, mode d’emploi (perec)

***

parménide contre héraclite/platon contre aristote : éloge de la prudence/introduction à la (les) physique(s)

***

la chercheuse amoureuse

***

À l’époque (en vrai devrai-je dire mais en fait en faux, car à l’époque je ne le savait pas encore, à peine le devinai-je), le véritable sujet et enjeu de ce mémoire n’etait pas seulement la perspective d’une simple comparaison entre nos et d’autres systèmes de connaissance du monde enchâssés et articulés à des pratiques (paxis) sociales et culturelles vivantes. Le sujet et l’enjeu de ce mémoire (qui perd la mémoire et me perd dans la mémoire) s’inscrit dés l’origine (relire le début du paragraphe) dans la construction ou reconstruction de cette, indispensable à mes yeux, prière angulaire de mes vaines et infinies tentatives d’élaboration d’une critique générale et génétique de la violences sous toutes ces formes, sous toutes mes formes. Violence faites aux êtres (humains ou non), aux choses, à la vie sous toutes ses formes, aux mots qui les désignent et font plus que désigner, mais aussi parfois moins, violence faites à « l’esprit » dans toutes les manières d’entendre et d’étendre (tendre) ce mots, cette violence bref qui ne connaît ni bornes ni limites ni dans son étendu (spatiale et temporelle) ni dans ses si subtiles nuances (de greys) d’intensité, cette violence qui parvient à pénétrer et imbiber tout ce qu’elle touche ou approche, chaque chose, chaque etre, chaque idée de notre monde, de ma société, ma culture… et puis l’étrange sensation qu’il fallait commencer par trouver ou identifier une origine à cette violence, origine des noms, des mots et des choses, pour en envisager l’histoire et même, la pré-histoire qui conduit qui va la conduire jusqu’à nous, origine de nous : l’origine du monde.

(précisons d’avance (?) et ici que l’idée que nous nous faisons de cette origine est bien à rechercher, et nous y chercherons aussi, exactement là où Courbet l’eut en son œuvre posé)…

Vaste et pourtant précis programme qui allait me conduire et me conduit encore sur d’étranges et inassouvis chemins qui semblent composer aujourd’hui les sentiers de mon « destin » comme aurait dit un tragique grec (enculé), moi qui suis né sans destiné.

Et pour préciser encore plus mes ambition : me fabriquer, bricoler comme d’autres avant moi, les outils d’une meta-critique de la violence en me questionnant sur les fiction génériques, génétique, « gestatiques » que la, ou nos, sciences fabriquent au quotidien dans leurs perchoirs si hautement perchés (et subventionnés). c’est que la violence est aussi intiment lié au fondement de cette connaissance, cette science, ce ça-voir, et qu’elle en est son outils et son moyen premier et privilégié… L’origine du monde, notre monde, notre fiction originelle : l’auto-fiction de l’origine du monde… Voici exposé l’étrange et énigmatique « coeur de cible » de ce travail qui n’en a pas… (mais est-ce que la volonté de vivre sans cible (sensible) n’est-elle pas, comme pour les tireurs à fusils, la première condition et promesse de celui qui se refuse à tuer?) (et pourtant je ne suis pas végétarien)…

Les fonds et fondements de toutes violences, ces violence ordinaires quotidiennes ou bien extra-ordinaire… ces violence faites pour et par cette forme précise et unique de connaissance… violences faites à la connaissance, pour la connaissance… alors ne faudrait il pas commencer par ces violences infligées ordinairement et banalement à ces animaux en cage et sans défenses que sont devenu nos étudiants ??? ne leur laisserons-nous que la déraison et la dérision comme unique moyens d’une fuite par le feu, partir brillant et en fumé ???

(peser à acheter un bidon d’essence pour mon fils et des paquet de kleenex)

peut être je trouve enfin un début… en-fin…

FIN

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