Chapitre 40,5 – Des ailes blanches pour un renard noir

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Madra-Rua s'était roulé en boule sur le lit en ramenant sa queue contre sa peau nue. Lithilmin parvint à enlever sa tête de son ventre sans réveiller l'ullelian pour sortir s'occuper à contre cœur de son devoir. Le renard resta à confectionner une masse allongée avec la couverture pour se blottir contre elle et garder un peu de chaleur étrangère contre lui. Ses longues oreilles se répandaient sur les côtés de sa tête, aucun de ses membres n'étaient prêts à le bondir du lit en cas de danger. Une autre attaque l'aurait difficilement réveillé lorsqu'il baignait dans une telle sérénité. Malheureusement, ce lit de fortune était incapable de conserver l'odeur des cheveux rosés ou celle de la peau de la jeune femme. Finalement, sa propre odeur n'était plus suffisante pour le garder aussi calme. En soulevant ses yeux, si lourds qu'il était tenté de se contenter du matelas qui avait été autant dérangé la veille, il cherchait si elle était encore dans la tente pour la convaincre de revenir se coucher. Les détails de la nuit lui revinrent et il craignit finalement qu'elle ne se soit effectivement enfuie.

En s'éjectant hors de la tente avec le strict minimum de vêtements, Madra-Rua espérait avoir un bon panoramique pour ne rien manquer en balayant son regard lentement autour de lui. À la première occasion où il vit Rakameto disparaître derrière une motte de terre, il partit comme un éclair vers lui en craignant le pire. Lorsqu'il sauta par-dessus l'obstacle qui lui bloquait la vue, il se retourna et, à sa grande surprise, les deux frère et sœur étaient réunis. Tous furent étonnés de se retrouver ainsi, Madra-Rua le premier qui pu alors respirer calmement en voyant la belle amal'jha lui sourire chaleureusement, la tête encore remplie de souvenirs agréables. Rakameto fut quelque peu déçu d'avoir été interrompu de la sorte par son ami. Il ouvrit enfin la bouche pour dissiper le doute : “Calme. Calme Madra-Rua. Je lui parlais juste de notre projet.” Le renard hérissait ses poils à ces mots. Pas de colère mais de crainte. Ils étaient ensemble la veille, elle aurait pu être influencée par ses actes. Et s'il était effectivement responsable de sa prise de décision nouvelle, il aurait été similaire à ces maîtres qui le torturaient. Être comparable à ces êtres abjects, faibles et tordus, il en était malade. Avalant bruyamment sa salive sur cette pensée, le renard n'osait plus regarder la médecin de crainte qu'elle ne l'accuse de trahison et manipulation. Il sentait qu'il devait s'excuser d'avoir monté cette arnaque contre elle, surtout car lui-même en était inconscient. Lui et Rakameto devaient rencontrer la dragonne encore une fois, l'être le plus puissant qu'ils rencontrèrent avaient eu une influence prodigieuse sur eux par sa présence seule. Mais elle, elle n'avait aucun intérêt à les suivre autre qu'accomplir le même devoir encore une fois. Devoir dont elle se languissait de s'en débarrasser. Cette nuit orageuse, cette tente en ébullition, toute cette soirée spectaculaire n'aurait servi que de machination pour l'un d'entre eux. Mais envers elle, il se devait de faire amende honorable : “Lithilmin, je ne peux pas prouver que je ne vous ai pas manipulé hier soir. Je ne peux que vous promettre que mon temps passé en votre présence est le plus précieux souvenir que je possède et que je n'ai jamais eu l'intention de menacer ce lien. Vous m'avez donné cette vie, je la chérirai ainsi que la vôtre pour cette chance dont vous m'avez fait grâce. Expliqua Madra-Rua en se rappelant les leçons qu'elle enseignait patiemment.

  • Et ben c'est vexant. Commenta Rakameto qui espérait être mentionné dans sa tirade.
  • Je te suis très reconnaissant aussi, indubitablement. Ajouta-t-il.
  • Ne me regarde pas, il n'a pas appris ça de moi. Assura Rakameto à Lithilmin. La dame t'a donné le charisme en plus de nouvelles flammes ?
  • Elle m'a rendue plus confiant en tout cas.
  • Et c'est quoi cette histoire de manipulation d'hier soir ?
  • Rien qui mérite d'être développé avec toi en tout cas ! Contesta-t-elle, rougissante. Il n'y a pas lieu de s'inquiéter Madra-Rua, je suis sûre que cette nuit comptait autant pour vous que pour moi et que vous ne risquiez pas de la compromettre. J'aurais voulu faire partie de votre expédition même sans votre … démonstration ?
  • Sinon … La grosse blanche serait sur l'île principale à l'ouest d'Estra d'après le Vieux. Préparez de quoi voyager un moment, on en aurait pour une semaine de marche soutenue. Ajouta Rakameto en regardant ses amis se souriant bêtement. Je vais prévenir les autres et le Vieux de déménager en attendant, le point de rendez-vous sera loin d'ici.”

Le géant de pierre partit précipitamment prévenir ses compagnons sur leur migration, excité de vérifier les progrès que son corps avait subi il y a peu. Quant aux deux amants, ils continuaient à se tenir debout en n'osant croiser les regards. Lorsqu'elle osa enfin briser le silence, elle s'avança pour mieux voir ses yeux sous ses mèches et oreilles : “Vous étiez aussi inquiet pour vous excuser ainsi ?

  • Oui ! Je ne voulais pas risquer de vous offenser et je n'ai pensé à cette éventualité que trop tard.
  • Les progrès de votre élocution sont vraiment impressionnants en tout cas. Je suis curieuse de ce qu'elle pourrait encore vous apprendre dans ce domaine. Rit-elle en essayant de cacher ses dents blanches avec sa main. Je vais préparer vos affaires aussi. Ajouta-t-elle avec un sourire.
  • Je m'en remets à vous.” Répondit Madra-Rua en faisant parcourir délicatement le bout de sa langue sur la pommette de Lithilmin.

Même en se retrouvant à l'extérieur, il pouvait sentir la joue sur laquelle il avait laissé sa marque se réchauffer. Le fardeau qu'il s'était mis à porter le matin était aussi soudainement soulagé mais il sentait qu'il passait encore à côté de quelque chose. Il maudissait son manque d'attention pour oublier ou ne pas penser ces détails qui l'obsédaient il y a peu. En cherchant à se creuser littéralement la tête pour sortir les réponses, les quelques gouttes de sang sur ses doigts se changèrent en flammes rouges. Il cessa de prêter attention à sa situation pour regarder plutôt ses ongles nimbés de volutes écarlates, dansantes en faisant de larges mouvements secs. Madra-Rua s'amusait à les faire ruisseler entre ses doigts blancs pour apprécier le vitrail par lequel il les voyait ensuite. Ce feu là était particulièrement calme et doux, très peu nourri en dioxygène, il réchauffait autant que la couverture qu'il chassa brusquement ce matin là. Lorsque l'eau orangée remonta sur son bras en se débarrassant des quelques poils qui avaient repoussés, il ne pouvait retenir cette nostalgie en se rappelant être dans ses bras. Non, cet événement était encore trop récent pour être seulement qualifié de souvenir auquel il aspirait. Il ne pouvait retenir cette gratitude en s'imaginant une prochaine fois contre elle.

Rakameto revint vers eux avec des sacs imposants, empilés sur son dos ils tanguaient en dépassant sa silhouette de plusieurs têtes. L'instinct de Madra-Rua prit le dessus, il sauta sur la pile malgré les conseils de son ami pour s'amuser de son déséquilibre. Lithilmin sortit avec leurs affaires en observant le renard balancer sa queue d'un côté à l'autre pour rester au sommet tandis que son frère invoquait des piliers pour servir d'appuis à ses mains. Elle rejoint l'activité en faisant vibrer le sol sous les pieds du géant de pierre. Même en le forçant à tourner sur lui-même, Madra-Rua restait sur ses quatre pattes avec la queue hérissée en regardant le sol leur jouer des tours, à son grand plaisir. Riante aux éclats qu'elle était, aucune étiquette à respecter à ce moment-là non plus. Le son qu'elle produisait et la courbe de ses lèvres dans cet instant éternel étaient contagieux, le renard ne pouvait qu'admirer la source en cherchant à l'imiter. Il soulagea enfin son ami de son poids en se laissant tomber, surtout pour apprécier la vue de Lithilmin de plus près. Le cristal illuminé par quelques flammes persistantes sans l'apport de Madra-Rua avait un vert émeraude profond, des volutes orangés dessinaient ses courbes et circulaient en son sein, la pointe concentrait les traits les plus jaunes et brillants, elle s'enfonçait presque dans le sol sans effort. Mais l'ullelian préférait regarder l'amal'jha. Elle s'avança enfin vers lui pour lui rendre son cadeau et son sac, après lui avoir brièvement léché la joue et de partir vers l'ouest au pas. Hébété, il la regardait encore une fois attentivement la médecin s'éloigner élégamment de lui, crinière blanche rosée attachée en queue enroulée en chignon au bas de la tête. Rakameto les suivait en grommelant, un peu plus certain de la relation qu'ils entretenaient.

Deux heures de marche plus tard, ils sortirent enfin de la forêt et virent l'erakasera s'éloigner à grandes enjambées, tout en entendant la terre vibrer pour se remettre en place après qu'il ait foulé le sol de ses énormes membres. Ça commençait, plus de retour en arrière possible. Les deux amal'jhas eurent cette pensée en regardant leur gardien s'éloigner, l'ullelian se contenta de scruter l'horizon à la recherche de la plus grande étendue d'eau qu'il avait jamais aperçue. L'excitation lui donnait des ailes et il accéléra la marche, marquant un écart de plus en plus grand entre lui et Rakameto qui portait le plus gros des affaires.

La nuit les recouvrait après avoir parcouru un tiers de leur trajet à pied. La tente était plantée, les amal'jhas dormaient mais Madra-Rua restait éveillé malgré la fatigue : trop de bruit dehors. Ses oreilles regardèrent dans tous les sens tellement les insectes étaient bruyants. Il croyait entendre des craquements de bois tout autour de lui mais aucun signe de prédateurs. L'effet qu'avait eu la dragonne sur lui eut enfin un effet négatif : ses sens devenaient beaucoup trop sensibles. Ce bois imaginaire ressemblait à une explosion, il était incertain de son origine, le renard n'entendait que sa surface. Il alla même jusqu'à rabattre ses oreilles sur son crâne pour ne pas avoir à supporter cette cacophonie mais le résultat le plus perturbant fut d'entendre cette fois son sang circuler à travers son corps. Le déplacement du cœur à sa tête était horrible et il se sentait presque de vomir tant la pression devenait insupportable. Lorsqu'il ouvrit les yeux, il découvrit enfin les attaches en fer de ses vêtements se lever verticalement soudainement. Ils essayaient de lui échapper pour se diriger vers le ciel. Alors le craquement se fit entendre une fois, vers le haut justement. Madra-Rua en eut assez et décida de jeter un regard noir sur le provocateur. Il se ravisa rapidement en découvrant une masse de terre flottant au-dessus de lui.

Dans la centaine de mètres cubes le menaçant, aucun œil à dévisager mais l'ombre qu'il projetait était impressionnante. Il ne lui vint pas à l'esprit que la disparition inquiétante de la lumière de Mahina pouvait être provoquée par ce nouveau petit satellite. Un aperçu des Cieux se promenait tout en haut, à une cinquantaine de mètres de là où le renard se tenait. Madra-Rua était sur le pas de la tente pour tirer du sommeil sa famille de crainte que l'île ne s'écrase sur eux mais en la voyant les ignorer il se ravisa. Elle défila lentement loin de lui. Il oublia les eaux troubles et le vacarme qui occupaient son esprit en regardant la terre devenir vagabonde, bouche bée. Rakameto le surprit à agiter la queue devant ce spectacle mais la tentation de lui sauter dessus pour prendre sa revanche était trop grande. Pour une fois qu'il put le faire sursauter en écrasant ses mains sur ses petites épaules, il se contenta de lui couvrir la bouche pour qu'il n'ait pas à hurler et réveiller sa sœur. Quand il arriva alors à se libérer de son emprise, le renard rassembla toutes les questions qu'il avait sur le satellite : “Comment est-ce que la terre peut être aussi haute dans l'air ? Demanda-t-il.

  • Alors en fait … Commença le géant de pierre en fouillant dans sa mémoire ses lointains jours d'écolier pour impressionner son ami. Il y a pas mal de métaux chargés électriquement sous nos pieds qui produisent un champ magnétique. Mais les îles comme celle-là sont diamagnétiques, c'est-à-dire qu'elles suivent leur propre champ opposé à celui sous nos pieds ! Termina Rakameto, très fier de son esprit.
  • Et mes habits alors ?
  • Hm ? Ils suivent le champ d'en dessous j'imagine. »

Madra-Rua était abasourdi par les propriétés du sol et celle de la terre volante. Mais encore plus par les connaissances apparemment grandioses de son mentor qui jouit de la révérence qu'il recevait de son ami. Même à l'intérieur de la tente, il oscillait entre l'aérien et la renversante. Son attention fut finalement détournée entièrement vers l'endormie qui s'était réfugiée dans la queue noire pour servir d'oreiller. Il retourna alors l'action en se cachant dans le blanc démêlé en prenant de grandes inspirations pour humer son cuir chevelu tout en essayant de s'endormir.

Les insectes étaient encore beaucoup trop bruyants, les paupières de Madra-Rua marquaient son crâne par de lourdes cernes. Lithilmin devait le tirer par la main pour le faire avancer contre son gré. Il voulait juste se débarrasser de tous les nuisibles autour de lui, le crépitement des langues de feu aurait été bien plus supportable mais ses deux amis l'avaient déjà prévenu du risque qu'il pouvait représenter pour lui et les autres sans contrôle. Se risquer à déployer d'autres flammes reçues par la dragonne sur un caprice rentrait malheureusement dans cette catégorie et il s'en voulait presque d'en arriver à cette conclusion. Rakameto jurait sur la cadence qu'ils prenaient, Lithilmin prenait la défense de Madra-Rua, ce dernier voulait juste ne plus rien ressentir juste un instant pour se reposer. Poser un autre pas en face de lui devenait presque aussi douloureux qu'avoir une crampe vive tout le long du muscle et de ses voisins. Le calvaire et la honte d'être réprimandé par son mentor furent brefs comparés au trajet qu'ils avaient effectué, de l'eau à perte de vue s'offrait enfin à eux. Le nez du renard piquait à cause de l'air marin qui s'y faufilait. Il pouvait entendre à quelques kilomètres les vagues s'écraser sur la plage mais les collines restantes sur son chemin empêchaient d'observer les langues de l'eau. Les tambours aqueux masquaient enfin les bruits infernaux autour d'eux et Madra-Rua s'élança sans l'aide de Lithilmin, ignorant les chocs dans ses jambes et les interdictions de ses amis de trop s'éloigner d'eux.

Confronté à l'immensité d'une autre entité et présence gigantesque avait beau le préparer à sa réunion avec la dragonne, il ne pouvait qu'être intimidé de ne pas pouvoir contempler l'ensemble de cet opposant. Il recula même par instinct en sentant l'eau se rapprocher dangereusement de lui par une vague lorsqu'il se tenait sur la plage. Dans les bras de Rakameto, il regardait le bleu froid s'étirer vers eux. Frère et sœur se concertèrent d'un regard méchant mais amusé. L'une se jeta sur les vêtements du renard et l'autre le tint très haut au-dessus de l'eau pour le préparer. Pieds nus, il plongea un membre maladroitement en se débattant pour son salut. La chaleur qui habitait son corps se dissipait dans le grand bleu, il chassa l'eau d'un grand coup de pied qui projeta malheureusement de l'eau sur Lithilmin. En reconnaissant son erreur et celle de Rakameto qui ria de son malheur, il tenta de s'excuser mais le sol bougea brusquement sur le côté, faisant tomber les deux amis dans l'eau. L'eau n'était pas suffisamment profonde pour que le cou du renard soit immergé, encore moins pour que Rakameto ait le torse trempé mais cela ne l'empêchait de prétendre avoir les yeux atteints. Lithilmin quitta son air amusé pour redevenir médecin et s'occuper d'une personne qu'elle avait blessé inintentionnellement, seulement pour, à son tour, tomber dans l'eau à cause d'un sol traître contrôlé par un mage farceur.

Pendant que la famille se jetait de l'eau en impliquant le sable comme plateforme pour prendre l'autre à revers, Madra-Rua se prélassait dans de l'eau en expérimentant, changeant la température autour de lui par inspirations. L'eau était suffisamment large et froide autour de lui pour qu'il permette ses éclats de flammes. La lumière du jour, qui diminuait peu à peu, dessinait parfaitement les courbures des muscles de la famille, d'autant plus que le contraste sur leur peau sombre les rendait encore plus imposants. Ali'i reflété sur le crâne chauve de Rakameto tentait presque de détourner le regard de Madra-Rua qui découvrait, littéralement, sous une nouvelle lumière le corps de Lithilmin. Bien plus petite que son frère, elle dominait tout de même le renard d'une tête. Pourtant, à se couvrir de l'eau projetée sur elle ou elle-même avec ses mains quand les yeux de Madra-Rua se perdaient sur ses silhouettes, elle pouvait sembler si vulnérable. L'eau commençait à bouillir autour de lui et malheureusement elle convainc les autres de sortir de l'eau en riant aux éclats. Rakameto se rhabilla en pointant du doigt un port un peu plus loin et partir chercher un voilier en laissant toutes les affaires entre les mains du couple. La mine de Lithilmin perdit en lueur en même temps qu'Ali'i durant le crépuscule.

Ils empilèrent leurs affaires sur le centre du voilier en espérant que tout tienne sans courant vicieux comme sur la plage. Mais ce jour devenait effectivement de plus en plus froid, même Rakameto ne parlait plus, attristé de quelque chose qui n'était pas encore arrivé. Le silence était si oppressant qu'il cassa lui-même la tension : “Dis le maintenant avant de le regretter. Ordonna-t-il.

  • Nous pourrions nous enfuir facilement. Avec ce voilier on pourrait aller n'importe où, loin de la Guerre. En lieu sûr et en bonne santé. Je ne veux pas vous enterrer … Continua Lithilmin, comprenant les instructions de son frère avec le minimum de dialogue.
  • Nous avons besoin d'elle. Elle serait la meilleure solution pour organiser la réunion au sommet. Elle l'a déjà fait, ne viens pas me dire que tu ne ressens pas la différence en toi après son passage ! Rien qu'avec une visite brève elle nous a rendu plus importants et nous aurions un poids dans cette réunion si on reste avec elle !
  • On ne peut pas savoir comment elle pense, elle a tué des gens d'un regard ! Il n'y pas de confiance plus mal avisée !
  • Alors quoi ?! On s'enfuit parce que c'est la meilleure chance de survivre ?!
  • Oui !
  • Je ne veux pas survivre ! Je veux vivre ! Termina Rakameto, laissant le silence s'imposer une nouvelle fois, laissant Madra-Rua s'inquiéter encore plus de ne voir plus personne parler. Je ne veux pas m'enfuir de mes responsabilités. J'ai tué des gens, je ne peux pas m'arrêter de penser que je peux me racheter. C'est … Ça serait lâche de ma part de choisir le chemin le plus facile maintenant. Acheva-t-il en se retenant de craquer en parlant à cœur ouvert.
  • Et vous Madra-Rua … ? Tenta-t-elle de persuader malgré avoir compris parfaitement les arguments de son frère.
  • Il y a des personnes que je me dois d'aider car elles étaient moi mais qui n'ont pas eu la chance de devenir comme moi. Et aussi … Si j'ai la chance d'aider quelqu'un, je voudrais le faire. Répondit-il en adressant un regard rapide à Rakameto qui, avec difficulté, cachait ses émotions. Même en sachant ce que vous ressentez, je voudrais, égoïstement, que vous nous accompagniez. Et s'il y a une chance d'accomplir tous ces exploits, je voudrais que vous puissiez en être fière et ne plus être hantée par le passé.
  • La fierté n'est pas le remède de la honte, seulement son origine.” Finit-elle sur une note en amer en augmentant la surface de la voile, faisant accélérer le bateau.

Lithilmin s'isola à l'autre extrémité du voilier pour pouvoir enfouir une nouvelle fois ses sentiments. Le renard aurait voulu retourner vers elle pour la réconforter cette fois-là mais son frère le retint par le bras en lui faisant « non » de la tête. Il ne put que la regarder se morfondre sur elle-même, si proche mais si loin. Le reste du voyage était aussi chaleureux que la joute, Madra-Rua ne pensait qu'à ses raisons pour se battre. “Mes relations ne viennent pas de mes exploits, d'où alors ?” Se demanda-t-il, il lui tardait de demander à Lithilmin ce qu'il ne comprenait pas de lui-même. Elle, de son côté, maudissait la candeur et bienfaisance de l'ullelian, l'honneur et la droiture de l'amal'jha. Comparée à eux, elle se sentait impuissante à cause de la peur et de l'incertitude qui guidaient ses pas. Regarder l'île tant attendue plutôt que le renard qui essayait de la rassurer aggravait ses craintes.

Madra-Rua saisit le cristal que lui offrit l'erakasera en posant le pied sur les rochers hexagonaux de la plage. Leur noirceur, semblable au charbon et même à ses poils, renvoyaient énormément de chaleur emmagasinée. La nuit venait de tomber, Ali'i ou Mahina étaient insuffisantes pour alimenter cette terre pour qu'elle soit aussi brûlante. Elle était bien là pour entretenir ces braises. Le géant de pierre admira la structure du sol qu'il n'avait alors jamais vu, il n'arrivait à déplacer facilement que les morceaux déjà taillés, en creuser d'autres requérait plus de concentration. Madra-Rua tentait de localiser d'où venaient les vagues de chaleur qui chassaient les cheveux de ses yeux mais celle qu'il nourrissait dans le cristal et celle qui se déversait dans son autre main par celle de Lithilmin, terrifiée de cet endroit ardent, rendaient le travail impossible. Il aurait pu la chasser facilement mais ce qu'il n'avait pas pu faire sur le voilier se manifesta par un sourire d'un renard, tout de même inquiet, dans l'espoir de pouvoir d'abord aider celle qui était derrière lui. C'est en sentant cette nouvelle puissante vague de chaleur qu'il remarqua tardivement qu'il jeta son regard en arrière sur ses compagnons par inquiétude. Lorsqu'il confirma leur corps intact, il dévisagea ensuite le voilier qui brûla spontanément d'un bleu turquoise avant de redevenir jaune ardent. Même si le résultat était bien plus impressionnant sur des amal'jhas, voir une telle maîtrise d'une actrice qui n'était même pas visible était spectaculaire. La retraite que proposait Lithilmin plus tôt partait en cendres et les pierres hexagonales formaient avant même leur arrivée un passage en étant plus hautes que les autres. Un accueil très menaçant malgré l'invitation de la dragonne à leur dernière rencontre.

Ils sursautèrent plusieurs en fois en découvrant des silhouettes imposantes immobiles. Elles ressemblaient à elle, traits pour traits en fait. Lorsqu'ils confirmèrent ne voir que des mues de leur hôte, ils pensèrent pouvoir se détendre. Mais la pile de peaux rigides et pétrifiées ne faisaient que laisser dans leur nuque un air glacial dans leur nuque tandis que leur visage était soumis à la fournaise où plus aucune végétation n'osait pousser. La présence de la dernière prestation contrastait avec celle-ci dans le sens où aucun de leur membre ne se déshydrataient subitement, il faisait excessivement chaud mais leur gorge ne se fermait pas sur elle-même. Et enfin, moins soyeux que les cheveux blancs rosés de Lithilmin, les écailles incandescentes perçaient les rochers sombres par leur lumière. “Je commençais à penser que vous ne viendriez jamais.

  • Je suis navré que nous ayons mis autant de temps, je suis seul à blâmer pour notre retard. S'excusa Madra-Rua.
  • Que recherchez-vous ? S’enquérait-elle après du renard, ignorant les deux autres.
  • Vous aider. Répondit-il instinctivement.
  • En quoi pourriez-vous m'aider ? Vous n'êtes que trois inférieurs, qu'auriez-vous que je ne peux avoir ?
  • Vous êtes seule. Cela vous rassure de n'avoir personne autour de vous à blesser mais la première personne à vous évoquer un changement dans votre vie vous a rendu curieuse et téméraire pour la première fois depuis longtemps. Je crois pouvoir vous aider à combler le vide en vous, mais il faut me laisser y accéder. Vous n'avez pas à être seule. Continua-t-il en s'approchant d'elle.
  • Absurde … ! Commenta-t-elle, sur la défensive.
  • Vous nous empêchez de partir de votre île de crainte que nous partions ? Parce que ce serait plus simple que de nous faire face … Réalisa Rakameto.
  • Assez !
  • Vous avez peur de rester ainsi ? Impuissante ? Continu Lithilmin, qui s'identifiait à elle.
  • Assez !” Termina-t-elle en crachant un large cône de flammes dorées avec des volutes turquoises.

Ils répondirent en formant une pyramide à partir des rochers calcinés devant eux pour les protéger, dissipant les flammes tout autour. Rakameto se chargeait d'alimenter la barricade en pierre solides en frappant le sol de son marteau pour les faire jaillir, Lithilmin les déplaçaient pour ne pas être emportés par leur propre mur qui était également projeté au loin par ses soins afin d'amortir l'impact continu, tandis que Madra-Rua créer un autre cône de flammes bleues pour forcer les autres en face de contourner la pression qu'il exerçait. Ils défèrent l'attaque de la dragonne blanche après un assaut de plusieurs minutes continues et épuisantes. Lorsqu'elle peinait à les confronter, ils sortirent de leur abri pour se tenir vers elle, seule et forte contre les fatigués. Elle observa le renard en priorité : l'arme qu'il tenait était entièrement vide, aucune lueur pour danser. Le “cadeau” qu'elle lui avait laissé, cette empreinte de force qu'il avait conservée si longtemps pour finalement lui rendre. Elle en riait presque. “Quelle candeur … Pourrez-vous créer pareille flamme sans moi ? Demanda-t-elle, fière.

  • Non, je ne pense pas pouvoir. Nous vous serions reconnaissants si vous pouviez nous apprendre. Commencez avec nous, nous commencerons avec vous. Répondit Madra-Rua, le visage exténué mais très souriant.
  • Tiens donc ? Commenta-t-elle, les lèvres se courbant légèrement vers le haut. Vous pensez pouvoir suivre ?
  • Je doute qu'on puisse refuser de toute façon. Ajouta Lithilmin en sentant encore le bois du voilier brûler au loin.
  • Sinon, vous vous appelez ? Demanda Rakameto.
  • Iloru Lois unt Ine'ate. Prononça-t-elle distinctement.
  • Désolée, je ne comprends pas.
  • Ce nom à rallonge peut être maladroitement traduit comme : qui nettoie la poussière par le brasier.
  • Que manque-t-il à cette traduction alors ? Demanda Lithilmin.
  • La nuance de la méthode. Ce “titre” implique que cette purge s'effectue sur soi-même avant d'être sur les autres. Elle requiert droiture, courage, bienfaisance, politesse, honnêteté, honneur et loyauté. En plus de la nutrition correcte, exercice, repos, hygiène, attitude positive s'ajoutent la conscience de son environnement, un esprit clair et l'équilibre émotionnel. Des années d'existence et je n'en ai respecté que certains critères. Jusqu'à ce que je trouve mon héritier à qui transmettre ce nom dense et exigeant, appelez moi seulement Iloru.”

Les nouvelles vagues de chaleur déchirèrent ses anciennes mues et amenèrent des carrés mal découpés de vieilles écailles et membranes. En les désignant aux inférieurs à sa hauteur, Iloru termina par : “Vous porterez mes couleurs car j'ose espérer le reconnaître parmi vous trois qui pouvez me résister. Ne me décevez pas.”

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