63. La peur du gendarme est dévastatrice

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Sacha

La porte de ma cellule s'ouvre à nouveau et je me demande ce que c'est encore, cette fois. Impossible d'être tranquille et de réfléchir à ce que je vais devenir si je suis incarcéré. Pour l'instant, à part en finir au plus vite, je ne me vois pas continuer à vivre sans espoir.

— Debout ! Arrête de rêvasser, tu es attendu par l'OPJ !

Je soupire, c'est la fin de ma garde à vue. Il a sûrement reçu l'accord du juge et je vais me retrouver en détention préventive. Magnifique. Je le suis, résigné, jusqu'au bureau de l'officier où se trouve aussi mon avocat. Je m’installe et je suis surpris quand il me tend un papier à signer avec une petite pochette contenant mon téléphone et mes autres affaires personnelles.

— Je ne comprends pas. C'est quoi, ça ?

— A ton avis ? C’est vrai que la dernière fois, t’es pas passé par cette étape. Fin de garde à vue, tu sors.

— Je sors ? Vous avez arrêté Jo qui a dit que je n'avais rien à voir avec l'histoire ?

— Non, c'est votre petite amie qui a témoigné et confirmé que vous étiez ensemble au moment des faits, m'informe l'avocat.

— Et elle, vous la croyez ? interpellé-je le flic

— Elle est ton alibi, ça ne te suffit pas ? Qu’est-ce qu’il te faut de plus, des excuses, peut-être ?

— Ça ne ferait pas de mal, grommelé-je en signant les documents que l'on me présente sans vraiment les lire.

— Bien sûr, compte là-dessus, ricane-t-il. Il n’y a pas de fumée sans feu, et ce n’est pas parce que tu n’étais pas au braquage que tu n’as pas participé à l’organiser. Si c’est le cas, on le saura et tu seras de retour ici plus vite que tu ne le crois.

Je préfère ne pas répondre mais j'avoue que je n'ai pas l'impression d'être vraiment libre. Ils n'ont rien contre moi mais ses menaces sont comme une épée de Damoclès au-dessus de ma tête.

Une poignée de main avec l'avocat et je me retrouve dehors. Libre. Retour dans le monde réel au milieu des touristes et habitants du quartier qui ne se préoccupent pas de moi. Qui ne viennent pas de passer une quarantaine d'heures enfermé. C'est fou ce sentiment que j’ai de ne pas être à ma place au milieu de la société. Je crois que cette garde à vue m'a fait plus de mal que ma dernière incarcération. Peut-être parce que je croyais avoir mis tout ça derrière moi et que j'ai réalisé que ce n'était qu'une illusion. Prisonnier un jour, prisonnier pour toujours ?

J'hésite sur la conduite à tenir. J'appellerais bien Livia tout de suite pour la remercier, mais je suis un peu mal à l'aise. A cause de moi, elle s'est retrouvée confrontée à la justice, est-ce qu'elle pourra me pardonner ?

J'appelle d'abord le centre pour voir si j'ai toujours ma place ou pas. Chaque chose en son temps. Je demande à parler à un éduc et c'est Jordan qui me répond.

— C'est Sacha. Je voulais vous informer que je viens de sortir de ma garde à vue.

— Tiens donc, te voilà, toi. Content de l’entendre. Enfin, non, je m’en fous en fait, mais bonne nouvelle pour toi.

— J'ai toujours ma place ? Je peux retourner à mon appartement ?

— Pour l’instant, oui, aux dernières nouvelles. Profite, à ce rythme-là, ça va pas durer longtemps.

— Ok. Dis à Aurélie qu'elle peut m'appeler ou passer pour faire un point.

Je raccroche toujours dans le même état d'esprit. Tout le monde est convaincu que je vais replonger. On dirait qu'il existe une sorte de fatalité contre laquelle il est inutile de lutter.

Je rentre chez moi pour prendre une douche rapide et changer de vêtements avant de me rendre au coffee shop. Voyant que Livia n'est pas au comptoir, j'hésite un instant mais je finis par me décider à monter la voir chez elle, inquiet de l'accueil qu'elle va me réserver.

Je frappe et j'ai l'impression que tout le bâtiment peut entendre mon cœur battre tellement il s’emballe. Ma poitrine est comprimée et je me force à reprendre ma respiration pour calmer un peu mon stress.

— Sacha ? Ils t’ont enfin relâché ? s’étonne-t-elle en m’attirant à l’intérieur, non sans avoir jeté un œil derrière moi pour s’assurer que personne ne nous voie, j’imagine. Comment tu vas ?

Je la suis et constate qu'elle garde ses distances et ne fait pas un geste pour m'embrasser. Cela me fait l'effet d'une pointe dans le cœur.

— Ça va. Je ne vais pas t'embêter longtemps. Je suis passé pour te remercier pour ton témoignage. Grâce à toi, ils ont enfin cru un peu à mon innocence. Ça n'a pas été trop difficile ? Mathis et toi, vous ne m'en voulez pas trop pour le débarquement des flics ici ? Je suis vraiment désolé, Livia…

— Mathis n’a rien vu. Louis m’a prévenue juste avant qu’ils débarquent, il a fini chez lui le temps qu’ils… vérifient que tu n’avais pas planqué des trucs dans sa chambre, puisque c’est apparemment ce que font les gens quand ils ont quelque chose à cacher. Tu veux boire quelque chose ? Il… Enfin, Mathis va être content de te voir, il commençait à s’inquiéter que tu ne reviennes pas.

Au moins, les choses sont claires. C'est Mathis qui s'inquiétait. La concernant, je crois que c'est mort et j'ai envie de hurler, d'aller pleurer ma tristesse chez moi. Je retiens mes larmes et réponds doucement.

— Non, je vais y aller. Je t'ai assez embêtée comme ça. Encore merci pour m'avoir aidé. On se voit demain au shop.

Ou pas. Je ne me vois pas continuer à la croiser en sachant que je lui fais peur ou que ma présence la dérange. Je me retourne pour sortir de son appartement le plus vite possible avant de craquer totalement devant elle, et sens sa main attraper la mienne.

— Sacha, attends, tu vas où comme ça ? Tu n’attends pas Mathis ? Il ne devrait pas tarder à arriver, Diego l’a emmené à la piscine, ce matin.

— Je ne veux pas m’imposer ici, Livia. Je vois bien que tu n'as plus envie de moi dans ta vie. Tu expliqueras à Mathis qu'il va me manquer, que je ne sais pas encore comment envisager la vie sans vous mais que le temps efface tout. Je suis désolé de ne pas avoir été à la hauteur de ton amour, Livia, vraiment désolé.

Je m'en veux car je sens des larmes couler le long de mes joues. Je craque devant elle alors que je m'étais promis de ne rien laisser paraître. Je suis pathétique mais impuissant à agir différemment. J'essaie de dégager ma main de la sienne mais elle maintient sa prise.

— C’est moi qui suis désolée. Tu sais bien que je m’en fiche de ton passé, et si j’étais toute seule, tout ça aurait encore moins d’importance. Mais t’imagines si Mathis avait été là à l’arrivée des flics ? Je… je t’avoue que tout ça me dépasse un peu, oui…

— Je n'y suis pour rien du tout, tu sais. J'ai fait des conneries avant de te connaître. Je pensais avoir fini de payer mes dettes à la société mais a priori, je vais devoir payer toute ma vie. Je ne vais pas imposer ça à Mathis… et à toi non plus. Il vaut mieux que je m'éloigne. Laisse-moi partir, Livia, murmuré-je en libérant ma main.

— Je sais que tu n’y es pour rien, mais j’avoue que ça me fait flipper de voir débarquer les flics tous les quatre matins ici parce qu’ils te soupçonneront à chaque fois que tes anciens amis font des conneries…

— Ce n’est pas une vie d’avoir peur tout le temps. Je suis désolé, Livia, mais c’est pour ça que je pars. Je ne peux rien t’offrir de plus. Tu as été l’expérience la plus merveilleuse de ma vie, je t’en remercie, mais je te laisse pour que tu aies une chance d’être heureuse.

Je ne sais pas comment je fais mais je sors en claquant la porte derrière moi et descends les escaliers aussi rapidement que possible. Je m’enfuis et ne me retourne pas, dévasté par ce qu’il vient de se passer. C’est comme si j’avais mis toute ma vie de côté, que je me sacrifiais pour que la femme que j’aime puisse être heureuse. Je pensais qu’elle pourrait l’être avec moi, mais finalement, elle le sera plus sûrement si je ne suis pas dans sa vie, avec mes casseroles aux fesses. Entre ma garde à vue et cette fuite presque sans combattre, je suis convaincu que tout est définitivement terminé. C’est dur de sentir mon cœur exploser comme ça, de voir tout mon monde s’effondrer.

Je me retrouve dans mon lit, toujours en pleurs, incapable de bouger et de faire quoi que ce soit. J’en suis presque à me dire que j’aurais mieux fait de me faire incarcérer, je crois que j’aurais plus facilement accepté le rejet de Livia comme ça. Elle a beau me dire qu’elle sait que je ne suis pas responsable, sa peur que ça recommence me fait un mal de chien. Et que va-t-elle dire à Mathis ? Quelle image va-t-il avoir de moi ?

Mon téléphone sonne et j’ai l’incroyable espoir que c’est Livia qui m’appelle pour s’excuser et me proposer de revenir. Je décroche sans même regarder l’identifiant de l’appelant.

— Livia, dis-moi que tu me pardonnes, s’il te plaît, que tu crois encore en nous.

— Sacha ? Mais qu’est-ce que tu racontes ? Ça va ?

— Oh, c’est toi, Marina. Je… Désolé, je croyais que c’était Livia. Je suis sorti de garde à vue, tu vois, donc on va dire que ça va.

— Sonia n’a rien voulu me dire, tu sais ? soupire-t-elle. C’est Livia qui l’a fait… Pourquoi elle doit te pardonner, d’ailleurs ? Elle sait que t’a rien fait, elle m’a dit que vous étiez ensemble quand le braquage a eu lieu.

— Les flics ont fait une perquisition chez elle. Elle ne veut pas vivre avec la peur de la police. Je la comprends, mais… c’est dur… C’est fini entre nous, dis-je en me mettant à nouveau à pleurer. Je… je suis désolé, Marina, on parlera plus tard… Là, je ne peux pas… Merci d’avoir appelé.

Je raccroche sans lui laisser le temps de répondre et m’effondre à nouveau dans mon lit. Je suis toujours dans un état d’anéantissement total mais ce petit échange avec ma sœur m’a ouvert une petite fenêtre d’espoir. Pour elle, je n’ai pas le droit de tout abandonner. Elle n’a plus que moi et si je m’effondre, est-ce qu’elle saura s’en remettre ? Cela va être difficile, mais il va falloir que je me batte.

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