58. Un sandwich de bisous

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Livia

— On y va, Mathis ? On va rentrer prendre le goûter.

Suis-je une mère horrible de l’arracher à ses petits camarades de jeu du parc ? Sans doute un peu. Surtout qu’il est en train de jouer avec une copine de sa classe dont il me parle souvent : Emma, qui vit à quelques centaines de mètres de la maison et qu’il adore. C’est sa chérie depuis le mois de juin, avant ils se détestaient tous les deux et passaient leur temps à se courir après dans la cour de récréation. Classique, ça. Suis-moi, je te fuis. Et il était méchant avec elle, et elle aussi l’était. Comme on dit, qui aime bien châtie bien, non ? L’enfance est terrible, mais c’est rigolo de voir qu’on reproduit le même genre de schémas à l’âge adulte. Avec son père, on ne pouvait pas s’encadrer au début. C’était un pote d’Ethan et je le trouvais insupportable, genre gros lourd aux blagues vaseuses… Mais il a su me charmer. Aujourd’hui, je me demande encore comment j’ai pu tomber dans ses filets. Si nous avons vécu de bons moments, difficile de passer outre son abandon à la seconde où il a appris que quand on copulait sans préservatif, on risquait de se retrouver avec un polichinel dans le tiroir et des responsabilités. Bref, je m’égare, mais j’espère que si mon fils aime autant qu’il châtie, il sera plus responsable que son géniteur.

Mathis me rejoint sans trop broncher et je salue d’un geste de la main la mère d’Emma en l’entraînant jusqu’au portail.

— Tu veux qu’on s’arrête au café pour prendre une pâtisserie ou tu préfères manger une glace, mon Cœur ?

— J’ai chaud, je préfère une glace, Maman.

J’acquiesce et lui prends la main pour regagner la maison. Qu’est-ce que j’aime bosser le matin et pouvoir passer l’après-midi avec lui. C’est quand même beaucoup plus agréable que de passer son temps à faire des allers-retours entre les tables, d’essuyer des verres et d’entendre encore et encore la machine moudre le café. Là, j’ai pu me poser au soleil, regarder mon fils jouer en bouquinant tranquillement. Certes, les gosses, ça fait du bruit, mais… Allez savoir si je préfère le bruit de la machine à moudre ou les cris des gamins. Ça dépend des jours.

Mathis se dirige rapidement vers le congélateur une fois que nous sommes arrivés, et nous nous installons tous les deux à table pour déguster une petite glace au citron bourrée de sucre, mais qui rafraîchit un minimum.

— Sacha vient manger avec nous ce soir au fait, mon Chat. Tu es content ?

— Oui sauf s’il prend ma glace ! C’est à moi !

— T’inquiète pas, ris-je, je doute qu’il te pique ta glace. Tu vas m’aider à faire à manger ?

— On mange quoi ? Tu vas faire un truc que Sassa aime ?

— On va faire un petit barbecue, histoire de profiter de la fin des vacances. Je vais avoir besoin de toi pour la salade. Ça marche ?

— Pourquoi c’est pas Sassa qui fait la salade ? Il est marrant quand il fait à manger.

— Il va arriver plus tard, il devait voir Marina cet après-midi. Tu ne veux pas m’aider, toi ? Tu restes mon petit cuisinier préféré, tu sais ? Même si j’aime bien quand Sacha m’aide, souris-je en lui essuyant la bouche.

— D’accord, Maman. Mais juste la salade, hein ?

— Promis, mon Cœur. Tu sais… Je l’aime beaucoup, Sacha. J’aime bien quand il vient à la maison, ou quand on va le voir chez lui.

Je tatonne un peu, mais ça fait quelques jours que je me dis que je me dois d’être honnête avec mon fils. Je voudrais qu’il comprenne que Sacha est important pour moi et que cette place qu’il prend dans notre vie, elle est voulue et il la mérite.

— C’est normal. Moi aussi, je veux toujours voir mon amoureuse. Mais c’est pas tout le temps possible.

Je fronce les sourcils et me redresse, surprise qu’il parle comme ça. Est-ce qu’il a vraiment compris que Sacha et moi étions plus que des copains ? Bon, il a quatre ans… A cet âge, une amoureuse et une copine, c’est un peu pareil.

— Et… ça ne te dérange pas que Sacha soit l’amoureux de Maman ? lui demandé-je doucement.

— Ben non, j’aime bien quand tu souris tout le temps. Tu me passes la cuillère ?

Je m’exécute en souriant, justement. Oui, Sacha me fait sourire, comme ce petit bonhomme d’ailleurs. Ce petit gars un peu trop futé à mon goût. Quoique, ça l’aidera dans la vie.

— Ah oui ? Je souris tout le temps ? C’est toi qui me fais sourire, Petit Kangourou.

— J’ai le droit à du chocolat alors ?

— Ah non, pas après la glace, Trésor. Bien essayé, ris-je en lui essuyant les mains. Je vais te donner à boire, par contre. Et toi, alors, tu l’aimes bien, Sacha ?

— Oui, il est cool. Mais sa barbe, elle pique trop. Comment tu fais pour les bisous ?

Moi, j'aime beaucoup sa barbe qui pique, et pas que sur ma joue… Oh là là, si je commence à avoir ce genre de pensées devant mon fils…

— Ça ne me gêne pas, moi, mais c’est parce que tu es petit et que tu as encore une petite peau fragile. Et puis, un jour, c’est toi qui feras des bisous qui piquent.

— Non, moi je piquerai jamais ! s’énerve-t-il en fronçant les sourcils.

— Si, peut-être un peu, Chéri. Tu sais, quand les garçons deviennent grands, ils ont de la barbe. Sacha, quand il était petit, il avait les joues toutes douces comme toi, souris-je en caressant ses petites joues rebondies.

— Ben heureusement que tu aimes ça, alors, sinon tu voudras plus de mes bisous.

— Je ne dirai jamais non à tes bisous, mon grand bébé d’amour. D’ailleurs… je crois que je suis en manque, soufflé-je en l’attrapant dans mes bras pour lui couvrir le visage de baisers.

Il se débat en riant et nous finissons tous les deux dans le canapé à nous chatouiller et nous faire des câlins. Si ça, c’est pas le bonheur… Je me demande ce qu’il me faudrait de plus, hormis ces petits coups frappés à la porte qui agrandissent encore davantage mon sourire.

Je me lève et vais ouvrir à un Sacha qui semble de bonne humeur, lui aussi, si j’en crois le sourire dont il me gratifie en entrant. Je n’ai même pas le temps de lui faire une bise que Mathis a sauté du canapé et s’agrippe à sa jambe. Mon amoureux le prend dans ses bras et mon petit cœur d’artichaut fond comme neige au soleil quand mon fils entoure son cou de ses bras.

— Fais attention, il trouve que tes bisous sont piquants.

— Ah oui ? Il va falloir que je me rase totalement alors, tu ne crois pas, Mathis ?

— Non, ou alors juste une joue ! Maman, elle aime bien les bisous qui piquent, grimace mon petit gars en passant sa main sur la joue de Sacha.

Celui-ci me regarde intrigué avant de répondre au petit monstre qui s’amuse à lui tirer sur sa barbe.

— Juste une joue, c’est peut-être une bonne idée, oui. Je vais lancer une nouvelle mode.

— Je dépose un véto, je ne suis absolument pas d’accord, moi, ris-je en déposant un baiser appuyé sur sa joue.

— Parce que je ne suis plus libre de choisir peut-être ?

— Non, tu dois faire tout ce que Maman dit ! Comme moi ! Parce que c’est ton amoureuse ! s’écrie Mathis en riant.

Le regard que me lance Sacha est un mélange d’interrogation et d’une once de satisfaction, ou de plaisir, de voir que j’ai parlé de nous à Mathis. Ne nous reste plus qu’à espérer qu’il ne balance pas ça à tout le monde. Du moins, pas à ses grands-parents et ses oncles. Ok, je me suis peut-être un peu emballée en lui disant, non ? Vent de panique…

— Il a raison, tu dois faire tout ce que je te dis, na d’abord, souris-je. Mathis, tu vas choisir tes jouets pour le bain ?

— Oui Maman ! répond-il en s’extirpant des bras de mon amant pour se précipiter vers sa chambre.

— Le secret est éventré. Ça ne te pose pas de problème ? On n’en est pas au point du roulage de pelle sous ses yeux, mais bon… au moins, il sait que tu as une place particulière dans nos vies.

— En parlant de roulage de pelle, vu qu’il n’est pas là, j’ai le droit d’en avoir un ?

— Qu’est-ce que tu es exigeant, ris-je en l’enlaçant. Tu piques aussi… Je suis pas sûre que ce soit une bonne idée.

— Et moi, je suis sûr que tu aimes les mauvaises idées !

Ses lèvres s’emparent alors des miennes et sa langue se retrouve immédiatement à jouer avec la mienne alors que je fonds littéralement d’amour pour lui.

— J’avoue, j’adore ce genre de mauvaises idées. Qui me donneny envie d’autres idées qui ne seront réalisables qu’une fois le petit monstre au pays des rêves… dans un peu plus de trois heures. Mince, je suis une mère indigne si je te dis que ça va être long ?

— Oui, sûrement, mais une chérie exceptionnelle, ça c’est sûr !

Je ne sais pas si je suis une chérie exceptionnelle, mais je suis clairement une amoureuse transie. Une vraie fleur bleue qui ne demande rien de plus que de se retrouver ainsi lovée contre lui, sous son regard tendre qui fait battre mon petit cœur plus vite. Ouais, dire qu’il y a quatre ans, je m’étais promis de ne plus me faire avoir par un mec… On aime y retourner, au final. Espérons juste que ça se termine mieux, ou que ça ne se termine pas, tout simplement.

— Je suis prêt pour le bain, Maman ! Hé ! Moi aussi, je veux un bisou !

Je souris en le voyant les bras chargés de jouets qu’il tente de déposer sur la table sans les faire tomber, et le prends finalement dans mes bras.

— Un bisou normal ou… un bisou sandwich ?

— C’est quoi, un bisou sandwich ?

— Eh bien, au menu ce soir, Petit Kangourou, je te propose un gros bisou, avec un côté piquant et un côté tout doux. T’en penses quoi ? lui demandé-je en jetant un coup d’œil à Sacha.

Mathis nous regarde tour à tour en comprenant apparemment mon délire du moment et relève la tête en tendant ses joues. Il est vraiment trop mignon, et j’imagine que le tableau qui suit l’est tout autant. En tout cas, moi, il me plaît particulièrement. Je pose mes lèvres sur la joue de mon fils et Sacha ajoute le côté piquant en faisant de même sur son autre joue. Un gros bisou bruyant et un petit gars pris en sandwich qui rigole et respire la joie de vivre. Que demander de plus que ces petits moments de bonheur ? Voir Sacha dans notre quotidien me fait du bien, et je crois qu’il apporte ce petit quelque chose nécessaire à mon petit garçon. Est-ce qu’on parle de figure paternelle ? Je ne sais pas, mais une chose est sûre, il nous rend heureux tous les deux.

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