Epilogue 1/2 : Un Moretti peut en cacher un autre

8 minutes de lecture

Livia

Je dépose le linge sur le lit et soupire en regardant autour de moi. La pièce est bien loin de ce à quoi elle ressemblait il y a encore quelques semaines. Mon bureau n’est plus à moi, et il est encombré de cahiers et de livres… Ma bibliothèque a migré dans le salon et ma chambre, j’ai même dû mettre des bouquins au grenier du coffee shop sous peine d’avoir un environnement surchargé. Si la plupart des meubles est restée dans la pièce, on peut dire qu’elle est bien habitée et vivante, à présent.

Moustache a élu domicile sur les coussins et a adopté Marina qui a passé ses week-ends et les dernières vacances à la maison, et vient d’emménager définitivement, non sans la surveillance d’une éduc qui doit vérifier que tout se passe bien. Et tout roule, à peu près. Mathis et moi sommes juste passés de notre petit cocon en duo à une famille recomposée en quelques mois. L’emménagement de Sacha a un peu tout chamboulé, mais il a facilement trouvé sa place et nous cohabitons sans grands soucis, dans mon appartement qui me semble un peu petit, à présent. J’avoue qu’après avoir vécu seule ou presque ici, je me sens parfois à l’étroit malgré les trois chambres. Et franchement, une seule salle de bain quand Marina adore autant que Mathis passer des heures dans la baignoire, c’est presque un cauchemar.

— Ce serait peut-être bien de penser à ranger un peu ton bazar, tu ne penses pas ? demandé-je à Marina qui entre dans sa chambre, Mathis dans les bras. Je sais bien que c’est ton espace mais je me demande comment tu peux bosser sereinement là-dedans.

— Mon bazar ? s’étonne-t-elle en regardant autour d'elle comme si elle découvrait les choses.

— Même ma chambre a moins de désordre, la nargue gentiment mon fils.

— Tu vois ? Si même Mathis le dit, c’est que c’est l’anarchie, ris-je. D’ailleurs, tu sais qu’il y a une panière à linge ? Parce que si je flippais de voir les fringues sales de ton frère traîner partout, c’est toi qui les sèmes dans ta chambre. Une vraie ado. Ton éduc passe demain, pense à faire un coup de propre quand même, d’accord ? Je te demande pas une chambre de magazines, mais ce serait bien que ça ressemble à une chambre.

— Oui Maman Livia, répond-elle en levant les yeux au ciel. Je vais tout ranger, ce sera nickel chrome !

— Eh, c'est pas ta maman ! C'est la mienne !

— Elle dit ça parce que je l’embête comme je t’embête toi pour ta chambre, Petit Kangourou. Elle se moque, tu devrais la chatouiller pour la punir de se moquer de ta Maman.

Il nous observe tour à tour et je me demande s’il va se ranger de mon côté ou pas. Mathis a sans doute eu moins de difficultés que moi à accepter tous ces bouleversements dans nos vies, au final. Il adore Marina et ne se retrouve pas à devoir gérer une ado, lui. Il vit juste sa meilleure vie avec trois personnes qui se plieraient en quatre pour s’occuper de lui. Heureusement, la perspective de chatouiller la sœur de Sacha semble le séduire et je sors de la chambre alors qu’ils sont en pleine bataille de guillis. L’ambiance est généralement bonne ici, c’est un peu la maison du bonheur, même si tout n’est pas toujours rose, mais le petit monstre que j’ai mis au monde s’attèle souvent à nous rappeler, sans même s’en rendre compte, que la vie est belle et qu’il faut rire et s’amuser.

Je dépose le reste du linge dans ma chambre et souris en constatant que Sacha est aux fourneaux. Ça, c’est carrément le pied. Il semble adorer nous concocter de bons petits plats, ce qui me permet de ne plus être constamment la cuistot de la maison. Et ça, je ne peux que valider. C’est trop agréable de m’installer sur le plan de travail et de le regarder à l’œuvre, quand je ne suis pas en train de donner un bain ou de faire du ménage. C’est ça aussi, la vie de famille… J’ai gagné des mains, mais tout se salit plus vite.

— Besoin d’un coup de main, Chéri ?

— Non, ça va, je gère mais je ne dis pas non à un bisou d'encouragement !

— Ben voyons, quel profiteur !

Je ne me fais pourtant pas prier et vais l’embrasser tendrement avant de m’installer à ma place habituelle, en mode inspectrice des travaux finis, près de l’évier. Honnêtement, j’avais un peu peur que vivre ensemble ternisse notre relation. C’est vrai, on s’est pas mal précipités, tous les deux. Pourtant, j’ai l’impression que ça a eu l’effet inverse. Je crois que je suis encore plus amoureuse, si c’est possible. Évidemment, cela a nécessité quelques ajustements et il nous arrive de nous prendre la tête, mais c’est classique dans un couple, rien d’exceptionnel à se disputer, surtout que les réconciliations sur l’oreiller sont toujours très agréables. Et que Sacha porte encore un regard plein d’envie sur moi. Pour preuve, alors que je suis tranquillement en train de boire mon café, assise sur le plan de travail. Son regard dévie fréquemment sur mes cuisses nues et il vient me voler quelques baisers. J’adore cette complicité entre nous, et ce côté tactile, comme si nous n’en avions jamais assez.

Je finis d’ailleurs par l’emprisonner entre mes jambes et me presse contre lui, passant mes bras autour de son cou pour l’embrasser de manière plus appuyée.

— Je t’aime, tu sais ? soufflé-je contre sa bouche.

— Je crois que je ne me lasserai jamais de l’entendre, mon Amour.

Nous nous bécotons comme deux ados pendant quelques minutes, jusqu’à entendre Marina intervenir derrière Sacha.

— Beurk ! Un peu de tenue, il y a un enfant, ici !

— Quelque chose me dit que l’enfant est moins choqué que l’ado, ris-je en relâchant mon amoureux qui se rajuste avant de retourner à sa préparation.

— On mange dans combien de temps, Sacha ? Mathis a faim.

— D’ici dix minutes. Vous avez largement le temps de mettre la table, tous les deux.

— Ben oui, pendant que vous vous roulez des pelles, nous on doit bosser, grimace sa sœur, en bonne ado.

— Je te signale qu’on bosse quand vous dormez. Tu sais, le linge propre qui atterrit comme par magie dans ta chambre, la nourriture dans ton assiette, tout ça, tout ça, lui fait remarquer son frère.

L’ado soupire alors que mon fils est déjà en train de sortir les couverts du tiroir. Ah, mon fils… Petite fierté de sa Maman. Bon, si Marina bougonne un peu, elle n’est pas si difficile à vivre. Honnêtement, j’ai souvenir d’avoir été bien plus enquiquinante que ça à son âge. Mes parents ont bien galéré avec Diego et moi.

Je souris en voyant tout le monde s’installer à table. J’aime vraiment ce moment, quand nous nous retrouvons tous les quatre à table, le soir. On a déjà instauré des petits rituels et Mathis attaque d’emblée alors que Sacha le sert.

— Aujourd’hui, j’ai fait de l’anglais à l’école. On a appris une chanson aussi, et j’ai fait un dessin de nous quatre, plus Moustache. La maîtresse, elle a dit qu’on était une jolie famille. J’ai trop hâte d’être à la kermesse, ça va être cool !

Oui, ça va être sympa, la kermesse. Mathis a réussi à convaincre son grand-père de faire des cupcakes sur le thème de l’espace pour les vendre. Nouvelle lubie de mon fils depuis que nous lui avons offert une magnifique fusée pour ses Playmobils, et des étoiles phosphorescentes que Sacha a collées au plafond.

— Moi, j’ai eu un dix-sept en français, sur l’étude de texte que j’ai bossée le weekend dernier.

— Super, félicitations, Marina ! souris-je en servant de l’eau à tout le monde.

— Oui, bravo, renchérit Sacha. Si tu continues comme ça, tu vas finir prof, c’est sûr !

— Prof ? Je sais pas… Instit’, peut-être, oui. Avec des enfants, les ados, c’est chiant.

— A qui le dis-tu ! m’esclaffé-je alors qu’elle me tire la langue.

— Ce soir, avant que le petit monstre ne se couche, ça vous dit une petite partie de Pictionnary ? demande Sacha.

— Je suis pas un petit monstre ! ronchonne mon fils avant de mordre dans son morceau de pain.

— Juste un peu, mon Chéri, mais le plus mignon de tous, promis !

— Moi je suis OK pour le Pictionnary, mais faut que je révise pour mon contrôle de maths après, donc pas tard.

— On fait juste ça jusqu’à ce que le plus mignon d’entre nous aille se coucher, lui répond son frère.

— Ce gosse n’aura pas de problème de confiance en lui, avec tous ces compliments, ris-je en lui essuyant le coin de la bouche.

— Et votre journée à vous, les vieux ?

— La vieille a mal au dos, je pense que tu vas être de corvée de vaisselle, ce soir, petite impertinente.

— Ah, ce soir, c’est massage alors ! J’ai hâte ! s’exclame mon chéri, tout excité.

Je vois Marina grimacer, un sourire en coin, et dépose un baiser sur la joue de Sacha. Le repas se passe dans une bonne ambiance, comme la plupart du temps, et je me sens vraiment épanouie dans ce climat empli d’amour et de bienveillance. C’est juste parfait.

Une fois le repas terminé, chacun s’affaire à ses tâches. Marina ne bronche même pas en se mettant à la vaisselle, Mathis range ses jouets avant d’aller se mettre en pyjama, et je m’installe dans le canapé en regardant tout ce petit monde s’affairer en me calant contre Sacha.

— Tu as mal au dos pour te poser là aussi, toi ? souris-je.

— Non, moi j’avais juste envie d’un câlin.

— Je vote pour le câlin alors, soufflé-je en nichant mon nez dans son cou. T’as intérêt de tenir ta promesse de massage, par contre, beau barbu.

— Je tiens toujours mes promesses ! répond-il en m’embrassant à nouveau. J’espère que tu vas t’y habituer !

Je m’y suis déjà habituée, oui. Sacha fait toujours ce pour quoi il s’engage. Et c’est l’une de ses plus grandes qualités, sans doute. On a beau avoir huit ans de différence, je ne la ressens jamais ou presque. Peut-être un peu ce soir où j’ai le dos en vrac alors qu’il va être au taquet pour le massage qui sera sans nul doute les préliminaires d’une fin de soirée plus chaude encore. Mais au quotidien, on sent qu’il a dû devenir adulte et responsable très rapidement, et c’est un peu comme la claque que je me suis prise en devenant maman.

Je suis heureuse, tout simplement, malgré les chamboulements, malgré l’invasion des Moretti dans mon petit quotidien déjà mouvementé. Ils m’apportent tellement de sourires et rendent mon fils encore plus joyeux, je ne peux que me sentir bien et ne regrette absolument pas mes choix. Je ne suis pas voyante et je ne peux pas prédire l’avenir, mais je sais qu’on est partis pour faire un bout de chemin ensemble et que la voie est lumineuse. Je ne voudrais être nulle part ailleurs, c’est sûr.

Annotations

Vous aimez lire XiscaLB ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0