52. Un ptéro et ça repart ?

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Livia

J'enfile son pantalon à Mathis et en profite pour le chatouiller, ce qui le fait éclater de rire et se tortiller dans tous les sens. Je préfère le voir comme ça qu’à moitié amorphe comme hier. Ce matin, ça va mieux, même s’il reste fatigué. La nuit a été ponctuée de réveils qui ne nous ont permis, ni à lui, ni à moi, d’être totalement en forme aujourd’hui.

— Arrête, Maman ! glousse-t-il en tentant de repousser mes mains.

— Oh non, certainement pas, petit monstre !

Je le charge sur mon épaule, récupère tétine et doudou, et l’entraîne sur le canapé, où je l’allonge pour lui faire subir une attaque de bisous en règle qui nous essouffle et se termine en un doux câlin. J’en oublierais presque ma discussion houleuse avec Sacha d’hier après-midi, et son coup de téléphone de la fin de journée. C’est tellement facile de s’excuser après avoir merdé… Au téléphone, tant qu’à faire. Pour autant, la première réaction est la plus vraie, non ? Sacha n’a pensé qu’à lui, il est même allé jusqu’à dénigrer mon fils pour me convaincre de le laisser à sa sœur afin d’aller manger au restaurant. Manger au restaurant, comme si c’était la sortie de l’année, le truc à ne pas manquer, impossible à décaler. Et quand bien même je me dis qu’il a dû redescendre et réfléchir à la situation, que ses excuses sont sincères, je me demande s’il est vraiment prêt à vivre quelque chose de sérieux avec moi.

Est-ce que j’ai été égoïste, de mon côté ? Est-ce que j’aurais dû laisser Mathis à Marina ? J’ai quand même proposé à Sacha de cuisiner, qu’on passe la soirée ensemble, non ? Je n’ai pas l’impression d’avoir fait d’impair, mais peut-être que je n’ai pas été assez diplomate ? Il a raison, j’ai beau être très amoureuse de lui, Mathis passera toujours en premier. Ce n’est qu’un enfant, et c’est mon fils, comment pourrais-je faire autrement ?

Mon téléphone me sort de mes pensées et je dépose un baiser bruyant sur la joue de Mathis avant de sortir sur la terrasse et de décrocher.

— Ah ben quand même, ris-je. Heureusement que je n’étais pas en train de me vider de mon sang sur un trottoir, tiens ! Tu vas bien, ma Isa ?

— Si tu avais été en train de te vider de ton sang, c’est pas moi que tu aurais appelée, tu sais bien que ça me fait m’évanouir ! Je vais bien, oui et toi, qu’est-ce qui t’arrive ?

— J’ai besoin d’un avis. Imagine que tu aies un gosse et que ta nouvelle meuf te pique une crise de jalousie parce que tu repousses un restau pour t’occuper de ton enfant malade… Comment tu le vis ?

— Il a pas fait ça, le con ? Purée, j’en reviens pas ! s’énerve-t-elle. J’espère que tu l’as engueulé, traité de tous les noms et promis de la faire brûler vif dans le four du restau où il voulait t’emmener !

— Au moins, oui, souris-je. Disons que je lui ai dit que c’était un gamin et que s’il le prenait comme ça, autant qu’on arrête tout de suite les dégâts. J’ai joué la diplomatie. Bref… Il m’a rappelée après la dispute pour s’excuser, alors qu’il était parti en furie. Sauf que j’ai du mal à redescendre, moi. Tu penses que je me plante avec lui ?

— Il a rappelé ? Vraiment ? C’est qu’il n’est pas entièrement con. C’est un bon coup au lit ? Parce que si c’est ça, tu devrais encore en profiter un peu avant de le jeter. Bref, ce que je veux dire, c’est que je ne sais pas si tu te plantes avec lui, c’est toi qui sais, ma chérie. Tu ressens quoi au fond de toi ? Tu as envie de lui pardonner sa connerie ou pas ?

— Que j’aie envie de lui pardonner ou pas, c’est pas la question. Mathis est déjà très attaché à lui, soupiré-je en jetant un œil à travers la porte-fenêtre. Je ne veux pas qu’il souffre de mes choix, Isa. Je ne peux pas lui faire ça. Et si Sacha réagit comme ça à chaque fois que je privilégie Mathis ?

— Eh, calme-toi ! C’était une fois. Tout le monde a le droit de se planter, non ? Tu imagines si tu m’avais jetée la première fois que je t’ai dit une connerie ? dit-elle en riant doucement. Tu sais quoi ? Moi, je ne t’ai jamais vue aussi amoureuse et rien que pour ça, tu devrais lui redonner une chance. Il est jeune et en plus, il t’a rappelée tout de suite, ce n’est pas rien. Il est capable de ravaler sa fierté. Il n’y en a pas beaucoup des mecs comme ça. Pourquoi tu crois que je préfère les meufs, moi ?

Je souffle un coup en me disant qu’elle a raison. Avec Sacha, ça a été rapide et fort, presque brutal… Est-ce qu’on s’est emballés ? Est-ce que je me leurre totalement ? C’est vrai, il n’a pas une place facile non plus. Il débarque dans une famille, doit faire avec un enfant. Sans parler de notre relation, à devoir nous cacher de tous ou presque, et sa situation plutôt précaire.

— Ok, je me suis peut-être un peu emballée, mais… il est quand même allé jusqu’à dire que Mathis faisait semblant d’être malade, qu’il passait son temps à m’attendre. Il m’a reproché de devoir m’attendre pendant que je couche mon fils, s’il te plaît. Je… Il m’a tellement énervée, je te jure. On aurait dit un ado en pleine crise de jalousie.

— Eh Poulette, ton fils, tu crois qu’il n’abuse jamais de ta gentillesse ? Je dis pas que c’était le cas hier, hein, mais c’est un petit malin, le Mathis. Et ton mec s’est excusé ! Alors, tu le fais mariner un peu, il faut bien l’éduquer et après, tu lui demandes le cunni de ta vie pour qu’il se fasse pardonner. Tu ne crois pas que c’est la meilleure chose à faire ?

Elle a sans doute raison, mais bon, il avait de la température, on n’est pas dans un dessin animé où les gosses se collent la tête contre un radiateur pour faire genre. Et il a quatre ans.

— Maman ! Y a quelqu’un qui tape à la porte !

— J’arrive, Chéri ! grimacé-je en baissant les yeux sur mon pyjama. Faut que je te laisse, Isa, j’ai du monde à la porte. Je… Merci ma biche, je savais qu’il fallait que j’en parle avec toi. Tu gères.

— Et n’oublie pas, un cunni de rêve ou tu continues à faire la gueule ! Bises !

Je ris en raccrochant et rentre pour aller ouvrir la porte alors que mon fils, ce petit profiteur quand même bien élevé, trépigne d’impatience devant. Quand on parle du loup… J’ai à peine le temps d’ouvrir que Mathis lui saute dessus. Quand je dis qu’il s’est attaché…

— Sassa ! crie-t-il en s’agrippant à sa jambe.

— Salut p’tit monstre. Tu es guéri ? Tu as l’air plus en forme qu’hier ! Ta maman fait des miracles, non ? Bonjour, Livia, ça va ?

— Oui, entre avant que mon frère tape un scandale.

Mathis lui a déjà attrapé la main et l’entraîne sur le canapé, tout content de le voir et bien loin de savoir ce qui s’est passé hier. Je noue mes cheveux en voyant ma tronche dans le miroir de l’entrée et les rejoins, m’installant à côté de mon fils.

— Il va mieux, oui, mais la nuit a été un peu mouvementée. Plus de température ce matin. Avec une bonne sieste, il devrait être retapé.

— Trop content pour toi, Mathis. Au fait, il y a peut-être une surprise pour toi dans mon sac, là. Si tu es assez courageux pour regarder, n’hésite pas. Mais attention, ce n’est que pour les petits garçons qui ne sont plus trop malades !

Je l’observe en me demandant ce qu’il a bien pu lui ramener tandis que Mathis se précipite à l’entrée.

— Je peux vraiment regarder dans ton sac, Sassa ?

— Si tu es courageux, fonce. Et s’il y a un petit paquet, tu auras mérité de l’ouvrir. Alors, cap ou pas cap ?

— Trop cap ! s’écrie-t-il en joignant le geste à la parole.

Je souris en le regardant faire. Une fois le zip ouvert, il fait un peu moins le fier et tente de regarder à l’intérieur sans trop écarter les pans du sac. Un nouveau coup d’œil dans notre direction et il passe à l’étape supérieure, toujours prudent.

— Sassa ? Y a rien qui casse dans ton sac ?

— Ah ah. Tu sais que les aventuriers ne se posent pas ce genre de questions ? Vas-y, tu ne risques rien !

J’éclate de rire en le voyant retourner le sac pour le vider sur le parquet. Il est futé, mon petit gars. Et il brandit rapidement une boîte entre ses mains, qu’il ramène sur le canapé avant de l’ouvrir sans plus s’inquiéter de savoir s’il a le droit ou pas. Mathis sautille sur place en découvrant l’un des dinosaures manquant de sa collection, le ptérodactyle, et il se jette dans les bras de Sacha en le remerciant, tout mignon.

— Eh bien, ça, c’est efficace au moins ! Tu as l’air content ! Ça fait plaisir.

Il sourit puis se tourne vers moi.

— Et dans le sac que j’ai laissé à l’entrée, il y a aussi une surprise pour toi, mais, s’il te plaît, ne retourne pas le sac, sinon on va avoir faim ce midi.

Donc, il a pris les devants sans attendre que ce soit moi qui fasse un pas. Je ne sais pas si ça me touche ou si ça m’énerve, en fait. Pour autant, je me lève et vais récupérer le sac que j’emmène à la cuisine. Il s’est arrêté dans une saladerie qui fait de bons petits plats à emporter et a même pris une crêpe salée pour Mathis, j’imagine.

— Tu n’avais pas à faire ça, tu sais…

— Je me suis dit que tu n’aurais pas le temps de faire à manger avec ton fils malade. Et je veux me faire pardonner… Je ne sais pas si c’est bien, mais j’avais envie de te faire plaisir.

— J’ai pas eu le temps de faire grand-chose, non, grimacé-je en tirant sur mon vieux tee-shirt. On a traîné au lit, ce matin, et j’ai géré le bain du petit monstre. Donc, effectivement… l’idée est pas mal.

— Eh bien, allons manger alors, avant que le dinosaure de ton fils ne dévore tout !

Je dépose les plats sur la table et vais chercher les assiettes pendant que Mathis s’installe à table. Sacha fait de même avec un peu moins d’assurance, semblant prendre la température. Je ne lui faciliterai pas la tâche, je l’avoue. Je suis touchée par ce qu’il fait, mais je n’ai plus vingt ans, je ne suis plus aussi influençable. Peut-être que le géniteur de Mathis m’a vaccinée contre les faux-semblants.

Le déjeuner se passe plutôt bien. Mathis met l’ambiance, il est tout content de passer ce moment avec Sacha, comme à chaque fois qu’il vient ici. J’espère que mon amoureux immature se rend compte de tout ça, qu’il prend la mesure de la place qu’il a dans la vie de mon fils, parce que, clairement, je pourrais lui en vouloir de me briser le cœur, mais jamais je ne lui pardonnerais de décevoir cet enfant.

Quand Mathis s’installe sur le canapé en baillant, je lui mets un dessin animé et récupère un torchon pour essuyer la vaisselle que Sacha est en train de faire. Je crois que ni lui, ni moi, n’osons vraiment prendre la parole, mais je finis par me booster, voyant l’heure d’arrivée de Marina approcher.

— Le rattrapage est plutôt pas mal, même si ça n’efface pas tout, lui dis-je sans animosité.

— En fait, j’espère que tu me donneras encore plein d’occasions de me rattraper, parce que tous ces bons petits moments, je ne veux pas les perdre.

— Je ne t’ai pas laissé dehors, ça doit vouloir dire quelque chose, non ? En revanche, je veux vraiment que tu sois sûr de toi pour la suite, parce que Mathis n’est pas une option dans le menu. C’est lui et moi ou rien du tout.

— Je sais, j’ai compris, tu sais. Je…. Le menu me tente bien mais j’aimerais avoir le supplément bisous, tu crois que c’est possible ?

Je dépose un petit baiser sur ses lèvres après avoir jeté un œil à Mathis et recule avant de perdre le contrôle. J’ai flanché un peu vite, je crois, mais je le sens honnête. Encore une fois, j’espère ne pas me planter, parce qu’il est en train de devenir un essentiel à nos vies. Et si j’ai peur de souffrir, je crains surtout pour le petit bonhomme qui est en train de s’assoupir devant son dessin animé, sa tétine à la bouche et son nouveau dinosaure posé près de lui. Je me rends compte que le plus dur n’était pas de retrouver un peu ma vie de femme, ça, j’y suis parvenue assez facilement dans les bras de Sacha. C’est surtout de devoir allier ce rôle à celui de maman qui est compliqué, parce que je ne veux pas non plus que mon amoureux se sente lésé. Il va falloir que je parvienne à jongler avec tout ça, et ce n’est pas une mince affaire.

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