Go Around

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Elle t’a hypnotisé. Tu le réalises, aujourd’hui, assis au pied de votre lit. Tu carbonises la cigarette qui tient en équilibre sur ta lèvre. Tu la fumes comme si l’intensité que tu y mets pouvait te la rendre. La ramener. Tu la dessines dans ta tête. Ses cheveux sombres, pleins de nœuds, flottants au vent. Le moindre trait de son visage irradie, tu y as déposé de l’or.

Tu tiens ta tête, tu l’empêches de s’écrouler. Tes doigts enroulés dans ta crinière s’affolent. Tu craches le filtre de ta cigarette sur la moquette. Tes genoux serrent ta poitrine. À la simple de vue de son armoire vide, de ses vêtements évaporés, ton corps te quitte. Ton âme souhaite s’en soustraire pour rejoindre la sienne. Qu’importe où elle se cache. Ton cœur boxe ton thorax.

Chaque seconde, chaque minute, chaque heure avec elle n’avait jamais eu de temps. L’horloge s’était arrêtée. Ses aiguilles, disparues. Seul le ciel dégradait du clair au foncé mais ton unique repère était la créature reposant dans tes bras quand tu faisais mine de dormir, que le contact de sa peau t’en empêchait.

Tu ne l’avais pas cherché. Tu l’attendais. Passant d’une fille à l’autre, t’engageant parfois. Tu avais la conviction qu’au détour d’une rue ou dans un quelconque bar tu ferais sa connaissance. Loin de la simplicité de la rencontre que tu avais songé, elle posa un pied dans ta vie. Tu attrapas sa main et la tiras pour l’y admettre toute entière. Elle était mystérieuse mais pas secrète. Singulière mais passe-partout. Elle aimait se maquiller, se déguiser, être quelqu’un d’autre. Chaque instant à ses côtés était une découverte. C’était une enfant qui explorait le monde, se réjouissait de futilités auxquelles tu n’avais jamais prêté attention. Chaque occasion était bonne pour tromper l’ennui. Tu établissais toutes sortes de stratagèmes pour la fasciner, l’éblouir, la faire rire, lui donner envie de rester. Elle te rappelait les oiseaux qui passent de nid en nid, migrent de villes en pays au gré des saisons. Tu savais qu’à l’automne, elle prendrait le sud. Que tu n’étais pas sa destination finale.

Tu te relèves difficilement, prends appui sur ce que tes doigts trouvent. Eclairé uniquement par la lune. Tu tournes la poignée de ta fenêtre et appuie tes avants bras sur le rebord frais. Ta tête pend contre ta poitrine. Poussant le drame à son paroxysme, tu veux le vivre entièrement. Ton intestin, ton foie, ton estomac semblent se tordre à l’intérieur de toi. C’est dans ces moments que tu te sens le plus vivant. Chaque nerf, ligament se tend, ces contractions musculaires te torturent. Mais il vaut mieux ça que le vide. Il vaut mieux ça que l’anesthésie. Tes veines s’échappent de ton cou. Ta bouche puis ton front se déforment. Tu pourrais te soulager mais tu crains le néant.

Que te restera-t-il d’elle ?

C’est une bombe prête à exploser qui attend ton accord. Tu gémis, pleures, mais ne lâches pas. Ton tourment siège et grossi dans tes entrailles. Abandonne. Cris, hurle, braille, gueule, rugis, cogne les murs. Vomis cette haine. Crache cette abomination. Déverse ta peine. Laisse ça sortir. Laisse-la partir.

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