Chapitre 2

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Tenant la serviette d’une main autour de ses épaules, Tibor leva le bras et avança timidement ses doigts vers la paroi où devait se trouver la photographie. Il savait qu’ils allaient toucher le papier lisse et froid du poster. Mais comme il allongeait le bras devant lui, il ne rencontra aucune résistance. Il ressentit même la chaleur du soleil sur sa peau.

Tibor agita sa main puis la retira soudainement, pris d’une angoisse. Et si elle restait coincée dedans ? Il attendit une minute. Rien ne se passa. Les vagues continuaient à s’échouer paresseusement sur la plage, les feuilles de palme continuaient à s’agiter mollement au soleil. Tibor retrouva son calme et fit une nouvelle tentative avec sa main. Cette fois, il balaya une grande largeur devant lui et ne rencontra aucun obstacle.

Tibor se sentit gagné par l’excitation à mesure que se formait cette pensée jubilatoire : ma plage des pays chauds ! Ce n’était pas vrai et c’était peut-être un rêve, mais c’était un super rêve, se dit-il. Une plage, avec des palmiers et tout, comme celle où débarque l’équipe, dans le dernier épisode de GI Joe !

Et s’il allait marcher sur le sable ?

Après tout, qu’est-ce qui l’en empêchait ? La tentation était grande mais Tibor hésita. Mettre sa main dans le poster était une chose. Rentrer complètement dedans en était une autre… Il finit par céder à la curiosité.

Il regarda à gauche et puis à droite, pour vérifier que le monde était réel, que la salle de bain était bien là, avec son lavabo, son armoire et sa baignoire. Tout était en ordre. Tibor prit une inspiration et leva lentement sa jambe droite, comme pour passer au-dessus d’une marche invisible. Son pied traversa la « porte » sans résistance. Il respira encore une fois et le fit descendre avec précaution. Jusqu’à toucher le sol de la plage.

Tibor avait déjà joué dans un bac à sable, mais ici, la sensation était différente. Il bougea son pied timidement et agita ses orteils. Le sable était très doux. Un sourire illumina son le visage tandis qu’il balayait les petits monticules devant lui et sentait les minuscules grains chauds sur sa peau.

– Tibor, mon chat ! T’as bientôt fini ? On va passer à table !

Tibor sursauta et ramena brusquement sa jambe en arrière. Il en perdit l’équilibre et tomba à la renverse, sur ses fesses. Dans le couloir, maman s’acharnait sur la poignée de la porte.

– Tibor ? Ça va, mon chéri ? Je t’ai déjà dit que je ne voulais pas que tu t’enfermes dans la salle de bain ! Ouvre la porte, s’il te plaît ! s’écria-t-elle.

Assis par terre, Tibor reprit lentement ses esprits. Devant lui, le poster avait retrouvé son aspect normal, lisse et figé. Il posa ses doigts sur la surface de la photo pour s’en assurer. Avait-il rêvé ?

– Tibor, je t’ai demandé d’ouvrir la porte ! répéta maman, plus fort.

– Oui maman, j’arrive, répondit-il, en se levant pour tourner le verrou.

– Eh bien alors, mon chat ! J’ai entendu un bruit, tu es tombé ? s’inquiéta-t-elle, en le voyant. Elle passa ses bras autour de lui.

– Non, c’est rien, ça va, maman.

– Bon, finis de te sécher, le repas va être prêt.

– Est-ce que Jérôme mange avec nous ce soir ?

– Non, je ne crois pas, mon chat. Il est seulement venu me dire bonjour en passant, tu sais. Il ne va pas tarder à partir.

Tibor acquiesça. Maman était sur le point de sortir de la pièce, mais elle fit une moue désapprobatrice.

– Tibor, je te l’ai déjà dit : on ne rentre pas dans la salle de bain avec les chaussures. Regarde, tu as mis du sable partout !

Tibor se retourna. Il vit le sable par terre. Le sable de la plage ? pensa-t-il en rougissant.

– Pardon, maman, répondit-il, faute de trouver une excuse valable.

– C’est bon, mais c’est la dernière fois que je te le dis, hein ? Je vais passer le balai. Allez, file te mettre en pyjama !

Le soir dans son lit, Tibor n’avait que la plage du poster en tête. Il avait failli dire quelque chose à maman pendant le repas, mais il n’en avait rien fait. Il devait d’abord partir en éclaireur, pour explorer les environs. C’est ce que ferait Duke, se disait-il.

En allant se brosser les dents, il avait de nouveau regardé la mer et touché la surface lisse de la photo. Rien ne s’était passé. La plage était toujours là, figée dans une chaude après-midi tropicale. Maman l’avait surpris avec la main sur le mur.

– Alors, il te plaît ce poster, mon chat ? avait-elle demandé.

– Ouais, il est super, avait-il répondu.

– C’est vrai ? Tu pourras le dire à Jérôme, ça lui fera plaisir.

Cette nuit-là, Tibor rêva de châteaux de sable, de vagues et de palmiers.

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