Chapitre 31

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Blottie dans les bras de Tristan, Solène observa un bateau tracer un sillon blanc dans l’eau. Pour bien profiter des vacances de février, le scientifique l’avait emmenée aux Calanques et ils flânaient actuellement au sommet d’un rocher des Goudes. La chaleur du soleil leur picotait la peau à travers la fraîcheur du vent qui faisait danser leurs cheveux. Au milieu du mois de février, le printemps commençait discrètement à s’installer.

La psychologue avait tenu rigueur à Tristan de son comportement à l’égard de Patrice pendant quelques jours, avant de passer l’éponge. Après tout, s’il manquait de maturité, le jeune homme n’en restait pas moins gentil, attentionné et doux. Assez pour l’emmener aux Calanques, profiter de l’air et du paysage. Tout ce dont elle avait besoin en ce moment.

— Dans quelques mois, on ira s’y baigner, rêva Tristan. Quand l’année sera finie et qu’on aura tous nos examens en poche, on fêtera ça ici, dans les Calanques. Je te ferai même le porté de Dirty Dancing !

— Tu t’en penses capable ? rit-elle.

— Oui, pourquoi ? J’ai l’air d’un stoquefiche[1], mais je suis plus costaud qu’on peut le croire !

— Tu me montreras, alors.

Il acquiesça et déposa un baiser dans son cou, ce qui, couplé à sa caresse sur son bras, diffusa une chaleur dans sa chair qui la fit frémir. Un geste à la fois agréable et surprenant, sachant qu’elle n’avait jamais connu Tristan aussi entreprenant et tactile.

Sourire.

Et s’il réussissait à l’attendrir, malgré son caractère enfantin ? Peut-être que ses caresses parviendraient à lui faire oublier Nicolas d’ici à la fin de l’année… Cela faisait deux mois que son souvenir la bridait.

— Tu sais… susurra Tristan. Pour moi, c’est comme un rêve qui se réalise, nous deux, tu vois. Ça fait trois ans que je te regarde, et ça va en faire deux qu’on se connaît. Je t’ai attendue pendant tellement longtemps… J’ai fini par ne plus y croire. Je ne croyais plus ça possible. Je m’étais résigné… et voilà. Aujourd’hui, on est là, ensemble. Toi et moi. Aux Calanques, en amoureux. Pour les vacances de février. Bientôt la Saint-Valentin, en plus ! C’est pas beau, ça, franchement ?

— Si, murmura Solène. Moi aussi, je suis contente, Tristan. Je te remercie d’être là, avec moi.

— Ça me fait plaisir, trésor. Je serai toujours là pour toi, contre vents et marées.

— N’exagère pas, quand même, sourit-elle.

Elle passa sa main sur son visage et appuya un baiser sur sa joue avant d’enfouir sa tête dans son cou, les yeux fermés. Le visage de Nicolas, comme gravé derrière ses paupières, lui apparut clairement, toujours avec son sourire chaleureux et passionné.

Son sourire se perdit ; sa bouche se tordit.

Elle refusait de se l’avouer, mais sentait au tréfonds de ses entrailles que le cinéphile lui manquait terriblement. Sa joie de vivre, son univers, son enthousiasme, son ouverture d’esprit, son improbable maturité… sa capacité à la faire vibrer et à la captiver avec sa seule voix… Ce qu’il avait fait était impardonnable, bien entendu. Mais cela n’effaçait pas les quelques semaines qu’ils avaient passées ensemble.

Un mois indélébile. Épanouissant. Elle avait découvert un monde nouveau.

L’attention de Tristan, sa manière de la réconforter et de lui montrer son inclination à son égard, la touchait sincèrement. Mais cela ne lui suffisait pas. Et le souvenir de Nicolas n’était pas le seul obstacle à cela, elle le savait. Quelque chose lui manquait dans sa relation avec Tristan. Une chose qu’elle avait toujours trouvée auprès de Nicolas.

De plus, ce moment où ses amies lui avaient fait leur retour à son sujet lui revenait en mémoire. Leur constat avait peu ou prou rejoint celui d’Éléonore : le fait qu’elle soit avec lui les surprenait, Tristan n’étant pas son genre.

« Il est très gentil et affectueux de ce qu’on a vu, mais franchement, il a l’air vachement coincé et immature. On n’a pas réussi à le dérider et il est resté transparent tout l’après-midi ! Ton ex, même si c’est un salaud, était au moins bien plus drôle et décomplexé », lui avaient-elle dit.

La rousse avait même évoqué le jour où elle leur avait présenté Nicolas : elles voulaient essayer un cours de danse orientale gratuit par curiosité. Solène avait invité Nicolas tant pour être ensemble que pour lui présenter ses amies. Celui-ci avait d’abord assisté, puis participé au cours et, à la fin, avait dansé devant tout le monde. L’enseignante l’avait félicité en riant et Nicolas l’avait remerciée pour son extrême gentillesse, sachant sa prestation totalement ridicule, faisant rire l’assistance. Après cela, il avait discuté avec les filles.

Comment ne pas voir la différence ? D’autant que lui aussi les avait accompagnées dans les boutiques, et s’était montré plus présent que Tristan.

Ses excuses maladroites, loin d’avoir fait germer cette mélancolie, l’avaient seulement attisée.

Elle poussa un soupir pour se détendre.

— Mon ange ? s’inquiéta le physicien. Ça va ?

— Oui, mon Tristan. T’inquiète pas.

Il passa sa main dans ses cheveux avec sa tendresse caractéristique.

— Je t’aime fort, ma Solène.

— Moi aussi, mon Tristan.

Tristan, heureux, resserra doucement son étreinte sur elle sans cesser de la caresser et l’embrasser dans le cou. Puis il lui proposa de rentrer.

***

Solène se laissa tomber sur le lit de Tristan sans prendre le temps de se débarrasser de sa veste. Celui-ci accrocha la sienne dans sa penderie avant de la rejoindre.

Durant plusieurs minutes, il resta là, à son côté, regardant le plafond. Puis orienta le regard vers le bord du lit pour repérer sa main, qu’il saisit délicatement entre ses doigts. Un coup d’œil en direction du visage angélique de Solène lui permit de croiser son regard souriant, en réaction à son geste.

Sentant son cœur à la fois fondre et brûler d’envie de lui répéter ce « je t’aime » qu’il aimait tant lui dire, il s’approcha pour lui donner un baiser passionné, auquel elle répondit. Il caressa ses lèvres avec les siennes pendant que l’autre main de son aimée se posait sur son crâne.

Le baiser s’interrompit quand elle lui lécha les lèvres. Il la fixa d’un air surpris.

— Tu sais embrasser avec la langue ? lui glissa-t-elle.

Un peu honteux, il fit non de la tête. Après lui avoir conseillé de la laisser lui montrer, elle posa ses lèvres sur les siennes et les ouvrit légèrement en se frayant un passage avec sa langue. Par réflexe, Tristan fit de même.

Il n’imaginait pas que c’était si simple… Un baiser si sensuel, qui donnait si envie de…

Machinalement, sa main souleva la cuisse de Solène pour mieux la caresser, alors que leur baiser torride, auquel il prenait goût, se prolongeait.

Puis la saveur du baiser céda la place au désir de goûter son corps, aussi l’interrompit-il pour visiter sa poitrine… La veste et le pull de Solène le dépitèrent, ce qui la fit rire. Sans rien dire, elle se redressa et se dévêtit, ne gardant que son soutien-gorge.

Tristan eut l’impression que ses oreilles fumaient. Son regard se brouilla.

Depuis le temps qu’il fantasmait la nudité de Solène, il la voyait enfin en vrai.

Qu’est-ce qu’elle était belle… Si seulement il savait peindre… Il déglutit pour humecter sa gorge asséchée par son désir.

— Tu veux bien me dégrafer ça, s’il te plaît ?

Sa fréquence cardiaque s’accéléra encore. L’idée de voir Solène toute nue lui coupa la respiration. Tremblant, il se glissa derrière elle pour saisir les bretelles qu’il sépara en suivant ses instructions. Solène le remercia et enleva son sous-vêtement toute seule, puis se retourna face à lui.

C’était comme si un boulet de canon minuscule bombardait ses côtes à une vitesse foudroyante.

Il n’en revenait pas.

Des seins si beaux, si ronds, si généreux… si doux. Il les caressait délicatement, passant ses doigts sur ses mamelons, incapable de contrôler les tremblements de ses bras crispés.

Il laissa Solène lui enlever son t-shirt sans sourciller. Puis elle l’embrassa, faisant presque fondre son cerveau, avant de s’éloigner, enlever le reste et s’étendre sur le lit, nue. Le jeune homme resta là, hébété devant elle pendant quelques secondes avant de l’imiter et de s’allonger sur elle, aux anges.

— Tu as pensé au préservatif ? lui chuchota-t-elle.

Il se releva pour en chercher un dans une boîte fournie par son père « au cas où » et s’assit sur le bord du lit pour l’enfiler. Solène le regarda faire, puis s’approcha pour lui proposer son aide, qu’il déclina : il devait le faire tout seul. L’Avignonnais réussit finalement son affaire et revint sur son aimée.

Enfin il put savourer son corps. Ses seins, sur lesquels il fit glisser allègrement sa langue de longues minutes durant, avant de les malaxer doucement avec les doigts.

Puis elle l’invita à rentrer. Il accepta volontiers son offre de le guider. Lorsqu’elle lui indiqua que tout était en place, la jeune femme l’invita à avancer doucement. Tristan commença ainsi le mouvement de va-et-vient qu’il avait tant rêvé faire dans ses bras.

Cette sensation exquise l’enivra au point d’oublier le monde alentour. Seuls le corps et les bras de sa belle existaient encore pour sa conscience. À peine entendait-il une voix lointaine qui lui chuchota dans l’oreille pendant un laps de temps avant d’arrêter.

Durant son mouvement, il sentit les bras de Solène se resserrer sur lui. Son corps se colla contre le sien, comme à la recherche d’un contact, d’un frottement, qu’il lui offrit.

Puis, enfin, alors qu’il accélérait toujours plus, il sentit enfin le jaillissement euphorique arriver. Il se cambra et donna quelques coups de reins avant d’enfin se calmer et se laisser tomber à côté de la jeune femme, qui se blottit contre lui et posa sa main sur son torse.

— Alors ? s’enquit-elle. Tu as aimé ?

Le jeune homme peina à reprendre son souffle et passa machinalement sa main sur le bras de la blonde.

— C’était… extra ! Vraiment trop bien ! Merci, mon ange. Elle sourit.

— Je suis contente.

La germanophone ferma les yeux et enfouit son visage dans le cou du physicien, qui contemplait le plafond.

Encore incapable de croire ce qu’il venait de vivre.


[1] Argot provençal : personne très maigre

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