Chapitre 23

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Solène lui ouvrit quelques secondes après qu’il eut toqué et l’invita à entrer. Aussitôt à l’intérieur, Tristan enleva sa veste et l’accrocha à son portemanteau.

Quelques jours avaient passé depuis l’autre soir. Officiellement en vacances, tous étaient censés réviser cette semaine en vue des examens à venir. Ses dernières soirées ayant été majoritairement consacrées aux révisions, le jeune homme, loin d’être inquiet, était assez confiant.

De ce côté-là, c’était pour Solène qu’il s’inquiétait.

— Tu veux quelque chose ? Je n’ai que des jus de fruit. Orange, banane, ananas.

— Banane, s’il te plaît.

Elle s’exécuta aussitôt et lui servit rapidement son verre. Puis tous deux s’installèrent sur son canapé.

— J’aimerais qu’on reparle de l’autre soir, dit-elle.

La jeune femme ne poursuivit pas. Tristan ne répondit rien, se contentant de fixer un point sur la table basse devant lui.

Il savait à peu près à quoi s’attendre.

Des regrets, accompagnés d’une mise en garde selon laquelle il ne devait pas se méprendre sur ses sentiments et assaisonnés de la volonté de rester amis. Après tout, ce soir-là, elle avait eu besoin de quelqu’un pour l’aider à se remettre du choc qu’elle avait subi, et c’était tombé sur lui.

Un rictus remua ses lèvres.

Qu’elle lui sorte vite ce refrain, qu’on en finisse. Il commençait à se faire une raison, de toute façon. Ce sera désagréable, mais au moins le moment sera passé. Il pleurerait un bon coup dans sa chambre une fois rentré, puis passerait enfin à autre chose. Ou, du moins, essaierait.

— Pour commencer, j’aimerais te remercier pour ta présence, ce soir-là. Tu m’as beaucoup aidée. J’étais au fond du fond et… Bref. En plus, tu n’as pas profité de la situation, tu as été vraiment parfait.

— Oh, tu sais, il n’y a pas de quoi. C’est normal, après tout… entre amis.

L’effort nécessaire pour prononcer ces deux derniers mots lui arracha un spasme au coin des lèvres. Que ne ferait-il pas pour lui mâcher le travail…

— Je…

Il tourna la tête vers elle, intrigué. La psychologue regardait elle aussi un point invisible quelque part devant elle. Visiblement, elle cherchait ses mots, ne sachant comment formuler ce qu’elle voulait lui dire.

— Ça m’a beaucoup touché, évidemment. Et ça m’a fait réfléchir, aussi. Je veux dire… je t’ai appelé en pleine nuit… tu avais sûrement autre chose à faire, plus important… Quand je pense que tu as tout mis de côté pour moi sans poser de question… Alors que, pourtant, je t’en ai fait subir, des trucs… Je n’ai pas toujours été sympa avec toi… Mais toi… aucune rancœur. Je ne le méritais pas.

— Tu rigoles ? réagit le physicien. Bien sûr que tu le mérites, au contraire ! T’es une fille géniale ! C’est lui qui a pas été foutu de le piger. C’est un bouffon, je te dis ! Y a que les bouffons pour faire ce qu’il a fait, et pour pas voir qui tu es.

Sa réplique spontanée fit sourire Solène. Un grand sourire dévoilant sa belle dentition, la frontière de l’hilarité, et qui échappait à son contrôle. Elle tenta de répondre quelque chose, mais ses mots semblèrent se perdre au bord de ses lèvres.

Tristan flaira l’opportunité et enroula son bras autour de sa taille pour l’attirer à lui. Elle se laissa aller et apprécia même ses caresses sur son corps.

— Tu as à moitié raison, reprit-il. J’ai bien tout arrêté pour te rejoindre. Mais ce n’était pas important. Rien n’est plus important que toi, en fait. C’est pas compliqué, tu vois.

Il baissa le regard pour contempler son visage pendant qu’elle levait le sien dans sa direction, visiblement émue par cette déclaration d’amour.

Par envie, mais aussi par crainte de rater une occasion unique, Tristan prit le risque de s’avancer…

Solène appuya ses lèvres sur les siennes.

Tristan sentit une chaleur électrique parcourir son corps alors qu’il savourait ces lèvres délicieusement tièdes dont longtemps il avait fantasmé le goût. Sa main se posa d’elle-même sur la joue de sa belle pendant qu’il profitait de ce moment inestimable.

Il ne sut jamais combien de temps dura ce baiser, mais une fois rompu, celui-ci lui parut trop court. À peine avait-il quitté ses lèvres que l’envie… non, le besoin de les retrouver le taraudait. Il préféra pourtant se maîtriser.

Ce baiser lui semblait déjà miraculeux, il ne souhaitait pas ruiner ses chances pour un geste de trop.

Un baiser sur le front. Voilà qui devrait suffire.

Le jeune couple resta ainsi sur le canapé. Solène pelotonnée dans ses bras, dont il caressait machinalement le corps.

Son sourire béat ne le quitta jamais.

***

Avec un bruit sec et explosif, le bouchon décolla du goulot de la bouteille, dont l’éruption entraîna des coulées de champagne autour du col. Cela déclencha un tonnerre d’applaudissement des convives autour de la table.

On était le soir du 24 décembre. Comme d’habitude, l’on organisait un repas en famille à la maison pour son anniversaire avant de fêter Noël ensemble le lendemain matin. Une habile manière que ses parents avaient trouvée pour concilier les deux.

La première session des examens venait de passer. Tout n’avait pas été positif, mais Tristan était assez satisfait de sa performance. Aujourd’hui, il aspirait surtout à se reposer… mais aussi à se trouver auprès de Solène.

Il n’en revenait toujours pas. Après en avoir rêvé pendant trois ans…

— En l’honneur de Tristan, déclara Michaël, qui fête ses 20 ans ce soir et qui a passé ses épreuves avec brio !

— Merci, papa, fit timidement l’intéressé, mais… je n’ai passé que la première partie, je te rappelle que les dernières sont pour janvier. Et on n’a pas encore les résultats.

— Te connaissant, ils seront bons ! ‘Faut croire en toi, fils !

Pendant que les invités félicitaient Tristan, l’hôte remplit du champagne le verre de ceux qui en voulaient. Aux plus intéressés il raconta les détails des épreuves, ce qui ne manqua pas, comme d’habitude, de les laisser bouche bée. Un étonnement que Tristan peinait à comprendre, sa culture scientifique n’étant pas quelque chose de nouveau. Mais après tout, peut-être le voyaient-il si peu souvent que ces gens avaient le temps d’oublier cette particularité au point de le redécouvrir à chaque fois.

— Je vois que mon fils à la cote ! relança Michaël. Faites gaffe, il est casé, maintenant !

— Ah ouais ? réagit une cousine. T’as une copine ? Qui c’est ?

— Je suis sûr que c’est la blondinette sur qui il fantasme depuis le lycée, intervint une autre. C’est ça, Tristan ?

Le jeune homme approuva timidement, déclenchant un concert de cris de surprise qui lui chauffa les joues.

— Alors, comment ça s’est passé ? demanda la deuxième. Vous vous êtes fait des bisous ? Est-ce que vous…

— Laissez-le tranquille, intervint Salomé, on s’en fout, de tout ça ! Il est en couple, c’est ce qui compte. On espère que ça va durer le plus longtemps possible !

— Oui, renchérit Michaël. Nous, tout ce qu’on veut savoir, c’est combien de minots vous allez faire et comment vous allez les appeler !

Tristan sourit sans répondre, sa gêne formant un barrage invisible dans son cerveau en surchauffe. Il avait bien quelques idées, mais souhaitait d’abord en discuter avec Solène. Le couple n’avait pas encore pris le temps d’aborder la question.

Percevant son embarras, un cousin relança la conversation sur un autre sujet, autour duquel le repas se poursuivit, ce qui le libéra d’un poids.

Le temps n’y changeait décidément rien : ce genre de situation le gênait toujours autant.

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